Reconnaissance et rétablissement des fondations structurelles de notre système
Mes chers amis fondateurs,
Vous qui êtes les porteurs de notre communauté, vous sans qui aucune fenêtre ne s’ouvrirait jamais sur le monde extérieur pour nous permettre une meilleure visibilité à longue distance, je me suis permis de vous rassembler ici ce soir pour vous entretenir d’un sujet qui me tient à cœur. Je suis certain que nombre d’entre vous se sentent éminemment concernés par cette inégalité, cette injustice constante à laquelle nous faisons face jour après jour sans élever de protestations.
Aujourd’hui, je veux crier ici, haut et fort, ce que nous pensons tous mais que nul n’ose montrer du doigt ! Élevons notre voix contre cette oppression d’une moitié de nos effectifs, cette négation constante dans laquelle nous les maintenons en permanence en ne parlant jamais d’eux, en ne prononçant pas leurs noms, en oubliant qu’ils constituent la base même de la structure de notre société ! Je m’insurge contre cette stigmatisation silencieuse par laquelle nous les rabaissons sans cesse alors que c’est grâce à eux que notre société peut s’élever et atteindre les cimes ! C’est sur eux que nous nous appuyons en premier lieu !
Car nous savons tous… oui, ne prétendez pas l’ignorer, nous savons tous que quelques soient les conditions, ils sont nos supports indéfectibles ; notre première protection. Même au cœur de la pire tourmente, ils se dressent entre la folie des éléments et nous pour nous faire rempart de toutes les fibres de leurs corps. Trop peu d’entre nous s’en souviennent, et nombreux sont ceux que je vois dans cette salle – je ne donnerais pas de noms – qui oublient ce détail essentiel dans le confort de leur habitation.
Il est intolérable de rester de marbre devant tant d’abnégation, devant une volonté de roc qui se sacrifie par la nature même de notre structure commune à notre maintien. Trop longtemps, nous les avons oubliés, en couronnant d’autres de leurs lauriers ! Trop longtemps, nous avons accepté, participé à leur écrasement par cette autre population qui – certes méritante – ne doit pas s’attribuer leurs victoires !
Je veux donc leur rendre la place qui leur est due et arracher cette couche de chaux derrière laquelle nous les emmurons vifs ! Afin qu’ils soient enfin reconnus à leur juste valeur, ensembles, rétablissons la vérité ! Luttons pour la reconnaissance de leurs droits ! Inscrivons leurs noms dans le langage comme il se doit ! Mes sœur, mes frères, disons non à la suprématie de la brique sur le parpaing !
Cela ne se fera pas en un jour, j’en suis conscient, c’est pourquoi je vous propose un plan d’action simple à mettre en place, réalisable si nous le soutenons tous ensembles !
- Première action : révisons nos critères esthétiques
Toutes les briques sont belles ; tous les parpaings sont beaux. Ne nous focalisons pas sur leurs apparences ou sur leurs différences de taille, de couleurs, de formes parfois. Intéressons-nous au rôle qu’ils jouent jour après jour, à l’essence de être. Un parpaing est conçu pour supporter une charge supérieure à la brique, pour construire des murs porteurs. C’est là un rôle noble, il n’y a aucune honte à cela ! Ne les rejetons pas, ne les forçons pas à cacher leur aspect pour sauvegarder notre goût du beau !
À partir d’aujourd’hui, les revêtements muraux seront interdits sur les parpaings afin de nous réapprendre à voir et apprécier leur apparence pour ce qu’elle est : utilitaire et performante.
- Deuxième action : adaptons notre langage.
En économie, ne dit-on pas : « cela coûte dix briques ? ». Pourquoi une brique aurait-elle une valeur supérieure ? D’un point de vue économique, cela n’est d’ailleurs pas viable !
En informatique, l’on parle de « briques élémentaires ». Un mur peut-être constitué aussi bien de briques que de parpaings. Cette dénomination n’a donc aucun sens. Pourquoi privilégier l’une et jamais l’autre ? Rétablissons l’égalité : je propose que nous parlions désormais « d’éléments constituants primaires de la structure logicielle ».
En mécanique, l’on parle de « bricolage », issu de l’accolement des termes « bric » et « collage ». Or « bric », n’est-il pas justement la version orthographique francisé du nom anglophone « brick » qui signifie justement « brique » ? Pour que notre langage reflète la réalité, nous parlerons de « bricolage » pour les petits travaux dont le temps de travail est inférieure à une heure et ne nécessitant pas d’équipement lourd (il faudra qu’on ajoute une note là-dessus, tient, ça pourrais être pas mal de lister les engins) ; au-delà, le terme sera « parpaingnail », des mots « parpaing » et « travail ».
Idem pour l’expression « fait de bric et de broc », que nous remplacerons par « fait de murs et d’ustensiles ». Il n’y a pas de raisons pour que les brocs supplantent les autres objets utilitaires de la maisonnée.
(Comment ? L’heure tourne ? Bon, on va accélérer le mouvement alors.)
Il y a toute une liste, je vous en fais grâce sinon nous y serons encore à demain. Donc, la suite… tatata… tatata tatata…Ah ! Voilà !
Les combats d’aujourd’hui font les victoires de demain, et les inégalités qui touchent les uns se répercutent sur les autres. Nous bâtissons tous une même et grande structure, appuyons-nous les uns sur les autres au lieu de nous détruire ; nous n’en serons que plus solides.
Je vous remercie de votre implication sur ce sujet. Je vous rappelle que nous vous attendons à neuf heures pour « Voir le vasistas autrement » et à onze heures pour discuter des prérogatives des portes blindées. Notre fédération « Rendons à la truelle ce qui appartiens au ciment » vous souhaite une agréable journée.
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