XXXIII
L’arrivée du 24 décembre ne laissa pas le temps à la mélancolie de s’installer. Il ne neigeait pas et Cassandre trouvait toujours un Noël sans neige étrange. Ses parents l’ayant invitée à passer quelques jours chez eux, elle fourra quelques affaires dans un sac à dos et quitta l’appartement. Il était plus de quatorze heures lorsqu’elle arriva à Suresnes.
— Cassandre ! s’exclama sa mère en la serrant chaleureusement dans ses bras.
Elle n’était pas habituée à ce genre de contact, et même si elle avait fait l’expérience de la notion de proximité avec Jakab, Cassandre ne se sentait pas vraiment à l’aise.
— Tu vas bien ? demanda-t-elle à sa mère.
Celle-ci la regarda comme si c’était plutôt elle qui aurait dû poser cette question. Elle vit son sourcil s’arquer. Cassandre sourit.
— Ça va, merci.
Lorsqu’elle pénétra dans le salon, elle constata qu’ils étaient en pleins préparatifs. Allongé sur le canapé, son père venait manifestement d’émerger d’une sieste. Un sapin trônait sur la petite table ronde près de la fenêtre, décoré de guirlandes et de boules de Noël que sa mère aimait tant. Une jolie crèche ornait une commode posée contre un mur. Il ne manquait plus que le personnage principal.
— As-tu déjeuné ? lança sa mère.
Lorsqu’elle entra dans la cuisine, elle vit qu’ils avaient tout rangé.
— Oui.
C’était plus simple.
Félix déboula de sa chambre et faillit bousculer Cassandre sur le palier de l’étage.
— Eh, salut Cascou !
Elle lui retourna la salutation.
— Quoi de neuf ? s’enquit-il en fourrant les mains dans ses poches.
Cassandre raffermit sa prise sur son sac.
— Rien de très important, marmonna-t-elle.
Il hocha la tête, sans nul doute habitué à ce genre de réponse.
— Et toi ? s’empressa-t-elle de demander. Tu ne devais pas partir ?
— Si, si. Je pars au ski la deuxième semaine avec des amis.
Cassandre haussa un sourcil.
— Depuis quand tu peux te payer des vacances au ski ?
Félix eut un sourire malicieux.
— On m’invite !
— Veinard.
Le dîner se déroula agréablement bien. Personne n’aborda aucun sujet fâcheux, et le repas préparé par sa mère était délicieux. Ses parents continuaient à regarder son piercing à la lèvre d’un mauvais œil. Il n’était pas difficile de comprendre qu’ils le désapprouvaient toujours, même après le choc initial lorsqu’ils l’avaient remarqué trois semaines auparavant. La cicatrisation prenant entre deux et trois mois, Cassandre s’appliquait à ne pas y toucher et il était bien entendu hors de question de songer à le retirer, ne fût-ce pour quelques heures. Tant pis. Elle était avec eux pour les fêtes de fin d’année, c’était ce qui comptait.
Elle savoura une gorgée de Saint-Émilion et prépara soigneusement ses mots.
— Vous avez des projets pour le Nouvel an ?
Ses parents relevèrent le nez de leur assiette, l’air étonné. Elle essayait de faire des efforts, elle espérait qu’ils s’en apercevaient.
— Pas spécialement, répondit son père. Mais ma sœur et son mari vont sans doute monter à Paris. Et après… j’ai pris quelques vacances et on partira sûrement quelque part.
Elle vit sa mère lui lancer un regard surpris. Elle ne devait pas être au courant.
Et Félix partait au ski. Tout le monde s’en allait.
— Et toi ? demanda soudain Félix. Tu ne m’as pas dit, tout à l’heure.
Cassandre se mordit la lèvre et regarda pensivement sa fourchette avant de hausser les épaules.
— Je ne sais pas encore, se hasarda-t-elle à dire. J’aurais peut-être envie de partir un peu.
Sa mère releva la tête, visiblement intriguée. Cassandre perçut une touche d’espoir dans ses yeux.
— Où ça ? s’enquit-t-elle.
— Je n’ai pas encore réfléchi.
Elle espérait ainsi réparer sa possible bourde. Ce n’était peut-être pas bon d’avoir parlé. Ce n’était jamais bon. Mais personne ne fit de remarque.
Le dessert consistait en une bûche de Noël avec un nappage au chocolat et café glacé. Minuit sonna et les parents de Cassandre placèrent quelques cadeaux au pied du sapin. Cassandre reçut de ses parents deux livres ainsi qu’un plat joliment décoré, manifestement destiné à préparer des gratins et autres plats de chef. Félix fut pour sa part ravi du chauffe-tasse USB que sa sœur avait commandé en ligne quelques jours plus tôt.
Anxieuse, elle regarda ses parents sortir quelques feuilles de l’enveloppe rouge qu’elle avait choisie pour eux. Elle les observa fixer ce qu’ils voyaient et elle put voir leur regard interdit quand ils relevèrent la tête.
Sa mère s’approcha d’elle et la serra dans ses bras.
— C’est magnifique, Cassandre, murmura-t-elle.
Ses yeux bleu-vert avaient l’air sincère.
C’était les mots les plus positifs qu’elle avait jamais écrits. Cela avait été dur. Elle espérait simplement que cela les rassurerait et qu’ils reconnaîtraient le véritable message d’espérance présent dans ses mots.
Son père lui lança un regard impressionné. Un tel compliment était rare, par conséquent précieux.
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