Chapitre 3 : L'évasion (2e partie)

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 Le Sorceleur aux réflexes aiguisés avait déjà réagi, saisissant l'homme par le col de son vêtement, il lui asséna un coup de tête magistral en plein sur le nez et lui prit son arme dans le même mouvement. Le deuxième homme avait bondit dans la pièce à mon cri, prêt à se battre lui aussi. Il fallait que je sorte de là pour ne pas finir en otage ou autre dommage collatéral.

– Aidez-moi! Lui criais-je au visage ouvrant grand les bras pour laisser voir mon décolleté plongeant.

 Je profitai de sa surprise pour plonger entre ses jambes et filer par la porte restée ouverte, non sans l'avoir gratifié d'un bon coup de mon sac dans les parties sensibles au passage. Voilà au moins un avantage à ma petite taille songeai-je en fermant prestement la porte derrière moi le temps que Geralt finisse le travail.

 J'étais dans le couloir sombre, le coeur battant, surveillant les alentours, guettant les sons de pas, tout en gardant une oreille à l'intérieur de la pièce. Le silence vint très rapidement. Geralt ouvrit la porte et me fit entrer.

– Change-toi, me dit-il en me lançant les vêtements du petit râblé qu'il avait déshabillé. Lui même portait la tenue du plus grand sans pouvoir en fermer la veste.

 J'abandonnai avec soulagement ma robe indécente. Les braies étaient un peu moins longues que celles du coffre, je pus les ajuster pour ne pas marcher dessus. Geralt me découpa de grandes bandes de tissu dans les autres pour que je puisse en faire une ceinture pour tenir les braies et un haut de fortune pour contenir et dissimuler ma poitrine que la veste, trop étroite ne pouvait couvrir. Je me sentais déjà plus à l'aise. Geralt me tendit un poignard. Bien que réticente à l'idée de m'en servir, je le glissai dans ma ceinture de fortune, repris mon sac et nous quittâmes la pièce a la recherche de nos affaires et de la liberté.

 Nous nous déplaçâmes en silence dans les couloirs sombres. Je le suivais comme son ombre, comptant sur ses sens, bien plus aiguisés que les miens, pour nous protéger. Nous traversâmes ainsi le bâtiment sans trop d'encombres, Geralt ayant discrètement réduit au silence les rares soudards que nous avions croisé. Où donc étaient tous les autres ? Peut-être en train de s'entraîner ?

 Était-ce la chance, le hasard ou la Destinée mais le fait est que nous trouvâmes nos effets personnels dans une pièce sans surveillance. La porte était ouverte et c'est l'éclat métallique de sa lame qui attira l'attention de Geralt. Sa veste cloutée avait un peu souffert de sa rencontre avec la strige, il se débarrassa cependant avec soulagement de la veste trop étroite qu'il avait sur le dos, enfila son pantalon de cuir et enfin ses bottes. Avec soupir de satisfaction, Il installa son glaive dans son dos et en vérifia la bonne position. Ainsi rééquipé, nous étions sur le point de repartir quand je vis ma précieuse serpe sur un meuble dans un coin de la pièce. Un élan de gratitude me traversa en la glissant à ma ceinture au côté du poignard.

 Nous étions proches de la sortie quand je humai des odeurs de nourriture. La cuisine devait être proche. J'adressais un regard à Geralt qui hocha la tête : il avait senti lui aussi. Nous suivîmes le fumet jusqu'à la cuisine. La porte était entrebâillée. Un coup d'œil à l'intérieur laissa voir un cuisinier, seul et très affairé, nous tournant le dos. Je me faufilai comme une petite souris tandis que Geralt couvrait mes arrières depuis l'extérieur. Je me déplaçai de manière à ne pas dépasser des meubles, tendant juste la main pour m'emparer des aliments repérés : une belle miche de pain, quelques saucissons, des pommes et du fromage que je glissai successivement dans mon sac de toile. Je trouvai aussi une outre pansue que j'emportai également. Je ressortis avec mon butin, un sourire triomphale sur les lèvres. Il me fit un clin d'œil. Les choses jusque là se déroulaient bien, probablement trop bien...

 Restait à présent à quitter les lieux. Toutes les fenêtres étaient pourvues de barreaux ce qui ne nous laissait pas d'autre choix que de passer par l'entrée principale. Nous arrivâmes devant la porte : le calme régnait de l'autre côté, trop calme. Nous traversâmes la cour vide. Mon coeur battait à tout rompre et je sentais la sueur froide glisser le long de mon dos. J'avais un très mauvais pressentiment.

 Ils étaient à la sortie de la cour. Ils nous attendaient. Le commandant pris la parole, toute sa troupe derrière lui, prête à agir.

– Je n'en attendais pas moins de toi Sorceleur. Je sais que tu n'es pas de ceux qui se soumettent facilement. J'ai pris un risque en t'envoyant cette guérisseuse donc j'ai couverts mes arrières à ce que tu vois.

– Je vois. Répondit laconiquement Geralt en portant la main à son épée et en modulant un drôle de sifflement avec ses lèvres. Jusqu'ici je me suis contenté d'assommer tes hommes mais si tu tiens à verser le sang, allons-y. Laisses-la juste partir avant.

 Le commandant ricana.

– Toujours aussi naïf à ce que je vois. Je ne comprends pas pourquoi tu refuses de t'occuper de ce monstre. C'est pourtant ton travail, Sorceleur. Et dans cette situation c'est clairement le moindre mal. Allez, sois raisonnable.

– Je ne crois pas au moindre mal. Le Mal c'est le Mal qu'il soit petit, moyen, ou incommensurable. Je ne souhaite pas prendre partie dans cette affaire.

– Tant pis pour toi alors.

 En parallèle de cet échange j'eus la surprise de voir apparaître au galop un cheval harnaché, sans cavalier. Les soudards étaient trop occupés à guetter l'ordre de leur commandant pour l'avoir remarqué, d'autant plus qu'il arrivait dans leur dos et sur un terrain souple qui amortissait le son de ses sabots. Ils le découvrirent trop tard, au moment où il déboula derrière eux, les bousculant brutalement. Les moins chanceux furent piétinés. D'autres tombèrent et il régna un moment de confusion que Geralt mit à profit en me lançant littéralement sur l'animal à qui il donna un coup du plat de l'épée sur la croupe en criant "Fonce Ablette!"

 Je me réceptionnai comme je pus, saisissant les rênes avec empressement et m'agrippant au pommeau de la selle pour n'être pas désarçonnée. La jument avait un galop souple et puissant. Elle m'entraîna à bonne distance du combat que je pus observer, fébrile et anxieuse depuis des hauteurs.

 Geralt était entouré par les soudards. Je le voyais parer, feinter, pirouetter et défendre chèrement sa vie. Les archers ne pouvaient heureusement pas tirer sur le Sorceleur en pleine danse macabre sans risquer d'abattre un de leurs hommes. Les soudards tombaient les uns après les autres mais le combat était inégal. Je réalisai qu'ils étaient trop nombreux : tôt ou tard il serait inévitablement submergé.

 Je n'y tins plus. Talonnant la jument je décidai d'aller le chercher. Je fonçai dans le tas brandissant l'épée que j'avais trouvée attachée à la selle. Faisant corps avec l'animal, je criai de toutes mes forces, un cri suraiguë presque insupportable pour mes propres oreilles. Les soudards se désorganisèrent à nouveau sous l'effet de la surprise. J'en blessai certains au passage. Je sentais la lame tranchante comme un rasoir tailler les chairs et heurter les os au hasard. Le sang giclait sur moi rendant l'arme glissante. Je la serrais de toutes mes forces. J'essayais de ne rien voir et de ne tout simplement pas penser.

 Geralt bondit derrière moi dès qu'il en eut l'occasion et, me reprenant sa deuxième épée, continua de nous défendre pendant que je guidais la jument vers la liberté. Les archers tentèrent de nous atteindre mais Geralt dévia les traits. Bientôt nous fûmes tout à fait hors de portée. Je tremblais de tous mes membres, nauséeuse. En me penchant pour vomir, je manquai de tomber de la jument. Seule la poigne de Geralt m'évita la chute.

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