Chapitre 13 : Excursion en ville
Nous voyageâmes plusieurs heures ainsi, lui gérant la route, moi dormant par à-coups contre lui. Le soir était en train de tomber quand nous arrivâmes sur une route de meilleure qualité. Nous aurions pu chercher un intinéraire moins passant mais nous étions, a priori, suffisamment loin des lieux où nous étions recherchés pour prendre le risque de regagner la civilisation. Ce serait d'ailleurs l'occasion de refaire le plein de vivres et d'acheter un peu d'équipement.
Suffisamment requinquée, je quittai Ablette au profit d'Orage ce qui nous permit d'accélérer très légèrement l'allure. Nos juments étaient harassées. Il allait être nécessaire que nous leur laissions quelques heures de sommeil.
Nous nous arrêtâmes donc à la nuit tombée, bivouaquant une nuit de plus à la fraîche, à quelques dizaines de mètres en retrait de la route. Geralt nous offrit le luxe d'un feu tandis que je m'éloignai dans la campagne dans l'espoir de chasser un lapin pour le dîner. J'en avais justement aperçu plusieurs le long des chemins quand nous étions à cheval.
J'en repérai tout un groupe en train de déguster les jeunes pousses et de batifoler. C'était de beaux lapins de garenne a la fourrure marron et aux oreilles ourlées de noir. Je voyais remuer leurs petits nez et frémir leurs moustaches. Des jeunes jouaient, se poursuivant, sautant et roulant dans une joyeuse pagaille tandis que les adultes étaient occupés à se nourrir.
Je m'étais mise à couvert de façon à ce que le vent souffle en ma direction pour éviter de trahir ma position. Je les observai un long moment avant de me décider enfin à bander mon arc. Une part de moi avait des scrupules à ôter une vie mais nous avions cruellement besoin d'un repas nourrissant.
Les pieds bien ancrés dans le sol, je tendis la corde vers ma joue en bloquant ma respiration, puis lâchai la corde entre deux battements de mon coeur. Le mouvement fut rendu légèrement moins fluide par mes bandages mais la flèche fila droit en sifflant. Malheureusement pour elle, ma proie bougea au dernier moment, trop tard pour échapper à la flèche qui lui brisa les reins sans la tuer.
Je pris dans mes mains le lapin à demi paralysé. Il se débattait, agitant des pattes avant et tentant de me mordre. Son corps était chaud, sa fourrure douce et je sentais son petit coeur affolé battre contre mes mains. C'est en lui demandant pardon et en le remerciant pour son sacrifice, des larmes silencieuses coulant sur mes joues, que je lui brisai la nuque.
Quand je revins, un bon feu flambait. Geralt avait monté une broche de fortune entre deux branches fourchues. Il ne restait plus qu'à apprêter la viande. Je lui laissai le soin de dépecer et vider l'animal. Il le fit avec une dextérité et une rapidité qui en disait long sur son expérience. Il emplit alors la carcasse d'herbes aromatiques et mit à cuire notre dîner.
Rapidement un délicieux fumet s'éleva et j'en eus l'eau à la bouche. Mon estomac se mit à grogner, me rappelant combien j'avais faim. J'eus presque envie de chiper un morceau de viande avant même qu'elle ne soit cuite. Heureusement Geralt veillait, très occupé à s'assurer d'une cuisson la plus homogène possible et il émit un son réprobateur quand je fis mine de m'approcher. Je n'insistai pas, rongeant mon frein en attendant que ce soit prêt.
Enfin c'était cuit. J'étais tellement pressée que je mordis dans mon morceau en me brûlant les doigts et la langue, une vraie sauvageonne ! Intérieurement je remerciai encore l'animal de nous procurer chaleur et énergie par sa chair. Nous fîmes honneur à son sacrifice en n'en laissant pas une miette, suçant soigneusement le moindre petit os avant d'ensevelir les restes pour éviter d'attirer des charognards. C'est donc bien repus et à la chaleur du feu que nous nous endormîmes d'un sommeil réparateur.
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