La sonnerie vient de retentir. Les classes se vident de leurs élèves, les couloirs de leurs étudiants et le hall d'entrée de ses discussions animées. Souvent, cette troupe d'inconnus reste au bord de la route. Parfois, ils lorgnent sur leurs voisins, les jugeant, malgré eux, mentalement. Les voitures, elles, passent sans leur prêter attention. Elles filent au loin sans demander leur reste. Dans cette masse de bruns, de blonds, une rousse amaigrie aux cernes marquées reste isolée. Un bonnet rose délavée sur la tête, elle attend que le feu passe au vert. Personne ne fait attention à elle, tout le monde l'ignore. Un train-train quotidien pour elle. Pourtant, la jeune fille est tendue. Sa journée s'est passée sans inccident. Elle sent que quelque chose va arriver. Elle en est persuadée.

La troupe d'inconnus la rejoint sur le bord du passage piéton. Les voitures continuent à circuler. Un cercle de vide entoure la jeune fille. Personne n'ose s'approcher d'elle et de ses malheurs tenus en laisse. Peut-être ont-ils raison de se montrer prudents. L'ombre de la fille s'agite. Un imperceptible mouvement que seuls peuvent percevoir ceux qui sont dans le secret. Elle se raidit. Quelque chose la pousse sur la route.

Tuuuut !

Une voiture freine tant bien que mal… pas assez rapidement. La terreur s'allume dans ses yeux. Seulement, quelqu'un s'interpose. Quelqu'un l'agrippe. Quelqu'un la ramène sur le trottoir.

– Tu vas bien ?

La jeune fille relève la tête. Son regard croise les yeux verts intenses de son sauveur. Pendant quelques secondes, elle reste figée dans ses bras. Le garçon la serre fort contre lui. Par ce simple geste, il déclenche ses larmes. La jeune fille pleure, pleure de toute son âme. Elle lui rend son étreinte, s'agrippant à lui comme à une bouée de sauvetage. Timidement, le garçon caresse ses cheveux pour la rassurer.

– Tout va bien. Chut, tout va bien. Ça va bien se passer… ma princesse…

La jeune fille écarquille ses yeux. Elle se libère violemment de l'étreinte de son sauveur et lui lance un regard stupéfait. Personne ne dit rien. Un silence religieux s'est abattu sur la troupe. Le bruit du feu passant au vert le brise. Sans attendre une seconde de plus, la jeune fille s'enfuit de l'autre côté de la rue. Le garçon, lui, reste sur place et ose même un sourire.

– J'imagine que ça veut dire que ma princesse est contente de me voir.