Chapitre 9 : Nouveau Départ

Le train ralentit en approchant de la gare de Lyon. Yann regarde par la fenêtre, fasciné par la ville qui s’étend devant lui. Paris, avec ses immeubles haussmanniens et ses rues grouillantes, est un monde à part, un univers où tout semble possible. Il inspire profondément, sentant pour la première fois l'air d'une nouvelle vie lui remplir les poumons.

Yann est accueilli par Mme Boulanger, la responsable de la résidence étudiante où il logera. Une femme d'une cinquantaine d'années, chaleureuse, avec un sourire rassurant. Elle lui fait faire le tour du bâtiment, lui montrant sa petite chambre, modeste mais bien à lui. Pour Yann, c’est un palace. Il a enfin un espace rien qu’à lui, loin des cris et de la violence.

Les premiers jours à l’école sont déroutants. Yann découvre un monde plus ouvert, mais aussi plus exigeant. Les cours sont intenses, et tout semble aller trop vite. Mais il s’accroche. Chaque matin, il se lève avec une motivation nouvelle, poussé par l’idée qu’il a réussi à s’échapper de son passé. Dans les couloirs, il n’est plus "le gay" ou "l’Ivoirien". Il est simplement Yann, un élève parmi tant d’autres, avec ses propres rêves et ambitions.

Mais les nuits restent difficiles. Seul dans sa chambre, il pense à ses sœurs, à Karim, et même à son père. Le silence, s’il est apaisant, laisse aussi place aux souvenirs. Yann passe des heures à écrire dans un carnet, un moyen pour lui de se libérer, de mettre des mots sur tout ce qu’il a gardé en lui pendant des années.

Chapitre 10 : Les Lignes de Faille

Un jour, alors qu’il révise à la bibliothèque, Yann rencontre Alice, une élève de son programme, curieuse et pleine de vie. Elle est blonde, pétillante, et semble toujours trouver le moyen de faire sourire les autres. Elle aborde Yann avec une franchise désarmante, sans le juger ni poser de questions indiscrètes. Au fil des semaines, une amitié sincère se noue entre eux.

Avec Alice, Yann découvre ce que c’est que de vivre sans toujours être sur ses gardes. Ils passent leurs après-midis à travailler ensemble, à se confier leurs peurs et leurs espoirs. Alice parle de ses parents divorcés, de sa difficulté à trouver sa place entre deux foyers. Yann, de son côté, partage peu à peu des morceaux de son histoire, sans tout révéler. Il parle de sa mère disparue, de ses sœurs, et des rêves qu’il nourrit en secret.

Un soir, alors qu’ils sont assis sur les marches du Sacré-Cœur, Yann ose enfin parler de son père. Les mots sortent difficilement, mais il se sent léger en les prononçant. "J’aimerais lui pardonner, tu sais... Mais je ne sais pas si j’en suis capable." Alice lui serre la main en silence, comme pour lui dire que ce n’est pas grave, qu’il a le droit de ne pas savoir.

Chapitre 11 : Retour aux Sources

Quelques mois plus tard, Yann reçoit un appel inattendu. C’est Karim. Sa voix, habituellement enjouée, est cette fois tremblante. "Ton père est à l’hôpital. Il a fait un malaise." Yann reste figé, incapable de répondre. Un tourbillon de sentiments contradictoires l’envahit : la colère, la peur, mais aussi une inquiétude qu’il ne comprend pas vraiment.

Sans trop réfléchir, il décide de retourner à la maison pour la première fois depuis son départ. Le trajet en train lui semble interminable, chaque minute ravivant des souvenirs qu’il aurait préféré oublier. Quand il arrive à l’hôpital, il découvre son père affaibli, alité, le visage marqué par des années de souffrance et de regrets. Pour la première fois, Koffi ne ressemble plus à ce père colérique et violent, mais à un homme brisé, vulnérable.

Yann reste debout au pied du lit, les mains dans les poches, incapable de trouver les mots. Koffi ouvre les yeux et le regarde, un mélange de surprise et de tristesse dans le regard. "Je pensais pas que tu viendrais," murmure-t-il, la voix rauque. Yann ne sait pas quoi répondre. Il est là, et c’est tout ce qu’il peut offrir.

Les jours suivants, Yann aide à la maison, retrouvant le quotidien qu’il avait quitté. Il s’occupe de ses sœurs, s’assure qu’elles vont bien, et essaie de garder une distance prudente avec son père. Les conversations sont rares, mais chaque échange, aussi bref soit-il, semble une petite victoire. Koffi tente maladroitement de s’excuser, de trouver les mots pour expliquer l’inexplicable. Yann écoute, sans vraiment pardonner, mais il comprend un peu mieux.

Chapitre 12 : Reconstruire

Après quelques semaines, Yann retourne à Paris. Il sait qu’il ne peut pas tout réparer, mais il accepte que certaines choses prennent du temps. Il reprend les cours avec une détermination renouvelée, motivé par l’idée de construire quelque chose de meilleur pour lui et ses sœurs. Chaque matin est une nouvelle chance, chaque cours une étape vers cet avenir qu’il veut tant.

Yann continue de s’épanouir grâce à son amitié avec Alice, qui devient son roc dans cette période de transition. Ensemble, ils découvrent Paris, explorent les musées, et échangent sur leurs vies respectives. Yann se sent enfin libre de rire, d’aimer, et de rêver sans peur.

Un soir, Yann reçoit une lettre de Karim. À l’intérieur, un dessin des petites sœurs de Yann, avec un message simple : "On est fières de toi." Yann sourit, les larmes aux yeux, conscient du chemin parcouru. Il garde la lettre précieusement, un rappel que malgré la douleur, il y a toujours une raison de continuer.

Chapitre 13 : Le Premier Pas

À la fin de l’année, Yann se tient devant un amphithéâtre rempli d’étudiants et de professeurs pour présenter un projet sur les injustices sociales. Sa voix tremble légèrement, mais il se tient droit, fier de tout ce qu’il a surmonté. Son discours, empreint de sa propre expérience, résonne avec force. À la fin de sa présentation, l’audience l’applaudit chaleureusement, et Yann ressent pour la première fois une reconnaissance qui va au-delà des notes ou des diplômes.

Il sait que le chemin est encore long, qu’il y aura encore des obstacles à franchir, mais il n’est plus le garçon effrayé d’autrefois. Il est Yann, avec ses blessures, ses forces, et ses rêves. Il regarde vers l’avenir, un avenir qu’il se promet de construire avec courage et résilience.

En sortant de l’amphithéâtre, Yann lève les yeux vers le ciel, les derniers rayons du soleil illuminant son visage. Pour la première fois depuis longtemps, il se sent en paix. Parce qu’il sait que, malgré tout, il a trouvé sa voie. Et que chaque jour est une nouvelle chance de renaître.