Sommeil et souvenirs égarés
Ce soir-là, lorsqu'Adriel revint chez lui, dans son appartement de New Horizons, son précieux cadre retrouva sa place dans la pièce des Secrets, à côté de tous les autres spécimens de papillons qu'il avait dénichés dans le monde entier, enfant, avec son père. Il alla aussitôt nourrir et brosser Isis, ce félin au long pelage écaille et aux yeux verts, hérité de sa mère, qui ne pouvait plus s'en occuper. Posé sur son divan, un roman et une tasse de thé en main, il essayait tant bien que mal de ne pas se remémorer la rencontre de cette après-midi. Mais c'était plus fort que lui : ces yeux-là le taraudaient. Et ce signe...
Il avait l'impression de l'avoir déjà vue quelque part, sans pouvoir définir ni le lieu, ni la date. C'était plutôt dérangeant. Adriel n'avait pas l'habitude que sa mémoire lui fasse défaut. De sa naissance à aujourd'hui, tous ses souvenirs étaient intacts, les pires comme les meilleurs. Il fouillait et fouillait dans les tiroirs de son esprit pour retrouver ne serait-ce qu'un début de réponse à cette sensation de déjà-vu, mais ses recherches furent infructueuses.
Il y repensa encore lorsqu'il se changea pour dormir, croisant dans le miroir sa propre marque, sa propre différence : un papillon, noir et opalin, gravé sur son épaule droite.
Leda et lui étaient pareils... C'était si étrange, ce sentiment d'appartenance qui se développait en lui désormais, tout cela grâce à la bonne rencontre ! A sa connaissance, Adriel avait été jusque-là le seul être à posséder une telle marque, signe distinctif de ses aptitudes, de son pouvoir.
Sans trop comprendre pourquoi, ses pas se dirigèrent vers la salle des Secrets au lieu d'aller jusqu'à son lit. Ce qu'il vit alors en poussant la porte le glaça. Les ailes des papillons enfermés frissonnaient, comme sous l'effet d'un souffle de vent. Ce même souffle de vent invisible ébouriffa un livre par terre, qui s'ouvrit sur une page vide. Intrigué par le phénomène, il ramassa le livre qui était tombé d'une de ses étagères, mais rien de visible n'y était inscrit.
De toute façon, ce n'était pas la première fois que des livres tombaient chez lui comme par enchantement... Isis lui jouait souvent des tours, à vrai dire. Elle avait beau avoir une frimousse d'ange, elle n'en était pas moins malicieuse... La fatigue le rattrapant, Adriel partit se coucher. Il trouva difficilement le sommeil, cette nuit-là, comme si quelqu'un l'appelait constamment au moment où il allait sombrer pour qu'il reste éveillé. Morphée vint cependant le chercher sur le tard ; enfin serein, il s'était endormi.
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