~ Chapitre 4.2 ~
*
Une demi-heure plus tard, Trisha rejoint ses amis, Noah et Amy, à Santa Monica Beach, devant un restaurant qui leur a servi de repère pour se retrouver. Une fois sur place, elle les constate allongés, enlacés sur le sable et sous un parasol. Elle se dépêche donc de venir s’asseoir à leurs côtés :
— Vous êtes trop chou, tous les deux. De loin, vous avez l’air de sortir tout droit d’un Harlequin, avec votre mignonnerie malsaine, làààà !
Amy et Noah rient à sa réplique en l’approuvant. Ils admettent que personne dans cette histoire ne les égale !
Le trio passera ainsi du bon temps sur la plage, entre discussions sans fin, farniente, échange de blagues, d’expériences et fous rires, pendant un peu plus d’une heure, sans que l’ombre de Joakim n’apparaisse à l’horizon.
Trisha en éprouve de la déception et, curieuse, se demande comment son diable peut occuper son dimanche après-midi. Elle se retient toutefois de poser la question au Drifterz blond afin de ne pas de nouveau attirer l’attention sur cet intérêt croissant — croisé obsession — qu’elle ressent pour son cousin.
Jouant à dessiner des formes abstraites sur le sable avec son index, elle rêvasse et songe que la complicité adorable qui règne entre Noah et Amy n’existe plus depuis belle lurette dans son couple avec Joey.
Désabusée, elle fixe ensuite l’océan avec ennui, quand soudain, l’unique homme du groupe se relève en annonçant qu’il part chercher des boissons pour la troupe. Parfait. Sa meilleure amie se rapproche rapidement d’elle pour discuter, entre filles.
— Arrête de penser à lui ! Tu te fais du mal et ce chien ne mérite pas ta curiosité. Grommelle Amy.
— Je ne pensais pas du tout à lui, ment effrontément la rouquine en forçant un sourire, mais toi, par contre, c’est marrant que tu en reparles ! Au lieu de t’occuper de ce mec génial que tu as piégé dans tes filets !
— Alors, d’un, SI, tu penses clairement à Joakim, ça se voit, et de deux, OUI, j’ai eu un dieu ! Tu as vu comme il est chou ? ! Et tu sais qu’il est tout le temps, comme ça ?
— Tout le temps ? Vous êtes ensemble depuis même pas deux jours !
— Certes, toussote Amy, amusée par son propre comportement de groupie. Mais, depuis la boîte de nuit, c’est un prince de conte de fées ! Il n’arrête pas de m’inonder de textos adorables et, hier soir, quand il m’a déposée, il m’a téléphoné et on est resté trente minutes en appel à rire comme des idiots ! Puis, au moment de raccrocher, il m’a dit bonne nuit, « ma puce ». Et au réveil, rebelote ! Il m’a appelée et on est restés encore vingt minutes ensemble ! Puis on s’est retrouvés ici. Franchement, je cherche ses défauts ! En plus, il embrasse divinement bien !
— Ça se voit à sa bouille que c’est un mec bien, il a une aura de nounours adorable. Rah, je t’envie, saleté !
— Oula, toi, tu viens de repenser au chien.
— Ta faute ! Tu me fous la perfection de ton mec sous le nez ! sourit Trisha. C’est normal que je sois frustrée, moi, après !
— Tu as quitté Joey, ça y est ?
— Pas encore, je ne sais pas comment le faire… s’assombrit la rouquine. Je n’arrive même pas à réaliser que je l’ai trompé… Ça va faire deux ans qu’on est ensemble.
— Excuse-moi, mais votre couple n’en est plus un depuis un moment.
— Je tiens quand même à lui, on a vécu plein de trucs ensemble !
— Arrête ton cinéma, tu n’es plus amoureuse depuis longtemps et tu le sais aussi bien que moi. Tu es avec lui faute de mieux et pour ce qu’il représente au lycée.
— De toute manière, je ne lui plais pas…
— Tu viens vraiment de glisser une phrase qui parle du tocard dans notre conversation ? fait Amy avec effroi et en mimant une crise cardiaque. Je te jure que je vais te tuer ! Ça suffit avec ce chien galeux ! Tu vas rompre avec Joey, dès que possible, MAIS ça ne sera pas pour avoir le champ libre avec l’autre dégénéré, je te préviens !
*
À quelques kilomètres de là, sur la terrasse d’une luxueuse maison en bord de mer, sur deux étages et à Long Beach, Joakim décroche un appel de son ami Miguel :
— Salut, lui répond-il rapidement, l’air intrigué.
Il n’a en effet pas vraiment l’habitude d’avoir des contacts avec son Crew le dimanche ; un jour qu’il passe généralement chez Kristofer.
— Salut, Joakim, ça va ?
— Va droit au but, Miguel.
– OK. Alors, je suis avec le Crew, et…
— Donne ton téléphone à celui qui a un message pour moi, commence à s’agacer Joakim, qu’ils aient des couilles, un peu.
— Oh non ! Ne t’en fais pas, personne n’a rien contre toi, rassure aussitôt Miguel en sentant la nervosité palpable de son interlocuteur. C’est juste Mickael qui est embêté pour son pote. Tu sais, Joey Sanders. Tu le connais, je crois…
— Dis-moi que je rêve ? grince le jeune Bauer en fronçant les sourcils. Mickael en est réduit à passer par toi pour faire les commissions de l’autre auprès de moi ? Bordel, je patauge dans la connerie.
— Euh… bafouille Miguel, l’air embarrassé. En fait, Sanders n’a rien demandé… Je crois que c’est juste pour Mickael.
— Donne, gronde le concerné en piquant vivement le téléphone de l’oreille du pauvre Miguel.
— Ok Jo', reprend-il après une longue inspiration, je suis désolé de l’avoir utilisé et je ne vais pas tourner autour du pot. Ce que tu as fait hier soir, c’est dégueulasse.
— Pardon ? s’énerve Joakim.
— Écoute, je ne veux pas m’embrouiller ! Surtout que, d’après les mecs, c’est elle qui a fait la chaudasse auprès de toi. Mais le résultat est que… bref, tu sais que c’est la meuf de mon pote, alors j’aimerais te demander de ne pas remettre le couvert avec elle. Il est dévasté… Et ça me fait chier.
— Vous êtes en train de me faire un Prank [1], rassurez-moi ?
— OK, je sais que ça a l’air fou, mais Joey est avec sa meuf depuis deux ans et il est fou d’elle. Tu sais que c’est mon meilleur pote, et moi, je sais qu’au fond, tu n’en as rien à foutre de sa gueule. Je te le demande comme un service. S’il te plaît, ne la touche pas.
— Tu vas me dire maintenant à quel moment vous avez pensé que je m’intéressais à cette conne ?
— Ah bah c’est génial alors ! Tu me rassures, du coup ! Tu ne feras donc rien vis-à-vis d’elle !
— On ne peut jamais être sûr de rien dans la vie. Sur ce, je dois te laisser, à plus.
Sur ces dernières paroles, il raccroche nerveusement son téléphone pour terminer son verre de whisky d’une traite, avant de retourner à l’intérieur où la fête de Kristofer bat encore son plein. Son Crew vient de lui retirer sa bonne humeur en se comportant de nouveau comme des gamins insipides et puérils. Il ne supporte plus ces discussions idiotes uniquement dirigées autour de lycéennes abruties et il a souvent l’impression de perdre son temps avec ses amis Drifterz…
[1] Prank : farce, canular (tour joué à quelqu’un, action destinée à faire rire aux dépens de quelqu’un).
*
Le jour suivant, pendant un intercours, Trisha craque et essaie d’approcher celui qui hante ses pensées et qui ne lui a pas jeté le moindre regard de la matinée. Elle croit en ses charmes…
Pleine de bonne volonté, elle prend son courage à deux mains et s’avance tranquillement vers lui alors qu’elle le constate assis, seul, dans leur salle de classe. Il semble bouquiner sur sa liseuse et ce petit côté intellectuel lui plait beaucoup.
Sa meilleure amie discute à l’extérieur avec les autres Drifterz et elle ne l’a pas prévenu de son envie irrépressible de tenter à nouveau une percée vers son diable. Et pour cause, son binôme n’approuverait pas qu’elle expérimente de nouveau quelque chose qui pourrait lui occasionner du tort.
Avec assurance, elle s’arme donc de confiance en elle et inspire un grand coup. Fièrement, elle se rapproche de l’objet de ses convoitises, un sourire enjôleur peint sur le visage.
Joakim la voit arriver dans sa direction et sa mine s’assombrit aussitôt. Lui qui s’isolait pour ne pas se coltiner les gloussements de cette idiote d’Amy Wills, qui traine actuellement avec son Crew, doit se préparer à interagir avec la deuxième cruche insipide de sa classe…
— Là, tout de suite, j’ai envie de tout sauf d’avoir maths ! lui envoie-t-elle en mimant une grimace d’effroi.
Une phrase soigneusement choisie, car il semble toujours s'ennuyer en arithmétique.
— Tu veux quelque chose ? lui renvoie Joakim avec agacement et sans même lever la tête vers elle.
— Je m’occupe en attendant le retour d’Amy ! Et je t’embête au passage. Qu’est-ce que tu lis ?
— Trisha, quand tu me regardes, est-ce que tu as l’impression de voir en moi quelqu’un qui a un quelconque intérêt pour ta personne ?
— Je n’en sais rien. À toi de me le dire ! Parce qu’il faut avouer qu’on irait bien ensemble !
— Si ce qui s’est passé samedi t’a donné des idées, oublie-les, car tu es tout, sauf mon genre, grince Joakim en bondissant de sa chaise pour la pousser en arrière. Il faut vraiment que tu m’oublies, car la prochaine fois, je pourrais être vraiment méchant.
Il lance sa menace avec une haine palpable qui déchire le cœur de la jeune fille. Elle en tremble de peur, surprise et terrifiée, puis lui balbutie en retour :
— Désolée… Je. Je…
Son estomac se noue devant son mépris évident. Elle ne s’est jamais sentie aussi insignifiante qu’aujourd’hui.
— Sois mignonne maintenant et dégage dans les pattes de ton arriéré de mec, vous êtes très bien assortis. ajoute-t-il froidement.
Sur cette dernière réplique, il se rassoit et reprend sa lecture, l'air de rien.
La rouquine détale sans prononcer un mot de plus, regrettant d’y avoir cru une nouvelle à nouveau. « Il n’y a décidément rien à tirer de ce sale type », songe-t-elle, écœurée par sa propre naïveté.
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