~ Chapitre 10.1 ~ (059) (060) (061)

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*

Le lendemain, Mickaël Davis rend visite à son meilleur ami incarcéré au pénitencier de Terminal Island. Le constater vêtu de l’orange de la prison, le crâne rasé, lui brise le cœur et lui retourne l’estomac.

— Tu le sais, toi, que je suis innocent, hein, balbutie Joey avec détresse et abattement.

Il se retient de fondre en larmes. Anéanti, il fixe avec désespoir son binôme assis devant lui, au parloir.

— Bah oui, bien sûr, lui répond celui-ci dans un raclement de gorge, putain, cette histoire est incroyable. Une putain de maison d’édition…

— J’ai été piégé, tout ceci n’est qu’un complot pour me faire tomber. Mon briquet retrouvé dans les décombres, ça n’a aucun sens…

— C’est sur… Mais pourquoi ? Et qui, surtout ?

— Ma vie a commencé à partir en couilles peu après que tu fasses peur au trisomique, réfléchit Joey. C’est donc forcément Bauer qui est responsable de tout ça. Il a du me relier au mot qu’on lui a laissé et comme il s’intéressait à ma meuf…

Le jeune détenu ne savait pas que son complice blessait aussi Alarich, le jour où il devait l’effrayer jusqu’à ce qu’il pleure, puis lui donner un bout de papier qu’il devait tendre à son frère aîné.

Mickaël en déglutit de culpabilité, réalisant que les coups sur ce gamin qui ne lui offrait qu’un doux sourire, malgré de vives menaces et insultes, avaient eu de terribles répercussions sur son meilleur ami…

— Ça ne peut être que ce fils de pute de Joakim Bauer, répète Joey en se tenant la tête d’une main. C'est un psychopathe, parce qu'on lui a rien fait, à son putain de frère !

Son coude repose sur la table du parloir tandis qu’il cherche à toiser son interlocuteur en face de lui : il souhaite le voir acquiescer ses paroles. Il a besoin d’un allié…

— On n’a pas de preuve… soupire Mickaël en regardant ailleurs, l’air gêné. On ne va tout de même pas aller dire aux flics qu’on a traumatisé un triso.

— On doit trouver quelque chose ! Pitié ! Micka ! Il s’agit de ma vie ! Mon futur !

— Peut-être qu’en discutant avec Trisha, on pourrait…

— Par exemple, oui ! Elle doit venir me voir pour qu’on parle ! S’il te plaît, demande-lui de venir me voir ! Que je sache pourquoi elle m’a ainsi piégé avec ce SMS ! Je ne peux pas croire que la Trisha que j’ai connue ait voulu me faire enfermer ! Si ça se trouve, on l’a empêchée de venir prendre ce café avec moi ! Et elle a paniqué quand on lui a parlé du SMS, par honte devant Joakim !

— Si elle est dans le coup avec lui, jamais elle n’acceptera de venir ici…

— Si, car elle ne me déteste pas ! S’il te plaît, demande-lui ! Je dois la voir ! Lui parler !

— Tu es surtout encore amoureux et je te prie de lâcher l’affaire… elle ne t’aime plus. Ça se voit à son comportement au lycée, avec Joakim…

— Je dois savoir si elle est dans le coup, ou pas !

— Parce que, bien sûr, si elle l’est, elle va te le dire… souffle Mickaël avec abattement, dépité par la situation d’un ami piégé qui ne peut récupérer la moindre preuve pour le sauver d’un funeste avenir.

Il garde pour lui le fait d’avoir souhaité kidnapper Alarich, la veille, pour s’en servir de moyen de pression contre Joakim. Il reste déçu que ce « putain de trisomique de merde » ne trainait pas en bas de chez lui comme la première fois où il avait pu l’attraper…

*

En parallèle et avant le début de leurs cours, au Los Angeles Highschool, Joakim discute avec Hajer, dans un couloir isolé de toute éventuelle oreille indiscrète.

Il doit rappeler à son camarade de « calmer le jeu avec l’écriture » pendant un moment. D’oublier pendant un temps ce côté-là de sa personnalité, de ne plus parler de rien concernant ce sujet-là. Par chance, les seuls au courant de sa présence à Black Coat Press, le jour de l’incendie, ne peuvent représenter une menace : Aïdan Brown ne regarde jamais les infos. Il ignore donc surement tout de l’histoire de la maison d’édition brulée, quant à Noah Beckers, sa loyauté envers ses proches assure qu’il gardera le secret s’il se doute de quoi que ce soit. Joakim en reste certain.

— Et Alex… ? bégaie Hajer en pâlissant à vue d’œil.

« Non ». Joakim réconforte son comparse. Leur collègue de Crew ne tentera rien contre lui, s’il se souvient de certains éléments. À condition qu’ils affichent l’attitude pour. Hajer hausse les sourcils, d'un air intrigué. « Que veut dire son camarade ? »

— Se comporter normalement, agir normalement, comme si de rien n’était, ne pas éveiller de soupçon, lui répond-il avec sang-froid. Sois juste naturel et, comme je te l’ai dit avant, ne parle plus d’écriture à qui que ce soit. Si Alex doit avoir un doute, il doit l’oublier et se rappeler que tu es son pote au quotidien, celui avec qui il fait du Breakdance et des parkours.

Hajer se sent mal. L’idée de laisser un innocent croupir en prison par sa faute lui dévore les entrailles et lui déchire le cœur. « Il ne peut pas ! » Lui qui ne supporte pas l’injustice, n’accepte pas de détruire ainsi l’existence d’un pauvre type qu’il ne connait même pas ! Il songe à se rendre. « Il doit aller en taule à la place de Sanders ! »

Joakim s’exaspère de ses répliques et lui ordonne d’arrêter ses idioties, car il a désormais envie de lui coller une beigne qui lui apprendrait la vie. « À ce bon à rien qui pouvait déjà s’estimer heureux de l’avoir pour allié, pour nettoyer la merde laissée derrière lui. »

— B.Bon… bon à rien… ? balbutie Hajer, les larmes aux yeux, choqués par ses paroles blessantes.

— Ne t’inquiète pas pour Sanders, c’est loin d’être un enfant de chœur, souffle Joakim avec lassitude et sur une pointe d’agacement. Tu as fait une connerie et je t’ai lavé le cul, mais maintenant tu ne dois pas tout foutre en l’air. Alors, tu oublies cette histoire et tu te fourres ta fausse culpabilité là où je pense.

« Parce que, pour l’instant, tu vois, je suis de ton côté. Tu es mon pote, et je t’aiderais toujours. Tu le sais qu’il ne t’arrivera jamais rien de mal avec moi. Mais je te promets que, si tu continues de m’emmerder et de me mettre des bâtons dans les roues, tu regretteras de ne plus être mon allié. »

— Qu’est-ce que tu veux dire par là ...? blêmit tristement Hajer, sous le choc de la tirade.

Sa sensibilité en prend un coup. Un violent, même. Son palpitant se serre alors qu’il songe que son comparse en est dénué, pour lui parler ainsi sans ressentir sa détresse…

— Tu es mon ami, assure Joakim d’une voix plus douce. Mais ressaisis-toi et efforce-toi de discerner par toi-même ce qui est dans ton intérêt et ce qui ne l’est pas. Joey Sanders ne mérite pas que tu détruises beaucoup de choses pour sa gueule, je te le promets. Alors, crois en moi et fais ce que je te dis.

Hajer en déglutit de douleur et d’impuissance, tandis que son interlocuteur l’informe qu’il s’éloigne, mais qu’il revient bientôt. Il affiche désormais un sourire amical après l’avoir traité aussi durement. L’écrivain brisé lui en veut tout en ne lui reprochant rien, car il réalise qu’il a raison…

Il sent cependant toujours son système digestif tout entier se tordre alors qu’il songe qu’il doit laisser un innocent tomber pour sa pomme…

« Qu’Allah lui pardonne. » Il décide finalement de suivre Joakim et d’oublier définitivement cette histoire.

*

Joakim visait juste. Son ami Alex visionnait en effet les infos le soir où la Californie apprenait l’incendie de Black Coat Press, mais cela ne lui procurait qu’un étrange sentiment de suspicion et de dégoût.

Il cherche à présent Trisha au lycée, avec un air sceptique peint sur le visage. Si Hajer, aidé par Joakim, pouvait bruler une maison d’édition réputée, il comprenait que la rouquine devait s’éloigner de celui qui, par ses actions malveillantes et sa mentalité, ne saurait jamais la rendre heureuse. « Joakim est un bon pote, mais certainement pas un conjoint décent. »

Il ne prononcera pas les mots de cette façon devant la jeune fille, préférant d’abord prendre gentiment la température de son couple afin de s’enquérir sur son éventuel épanouissement dans sa relation…

Celle-ci se braque immédiatement, exaspérée d’entendre constamment qu’elle et Joakim ne peuvent pas former une union saine équilibrée. Après Amy qui lui trouve tous les défauts du monde et Noah qui préconisait de ne pas s’attacher à lui… Voilà qu’un autre camarade vient lui recommander de rompre !

Alex comprend sa réaction et s’excuse pour ses paroles, tout en les justifiant par le fait qu’il craint que son collègue de Crew ne lui brise le cœur, parce que Joakim « n’est pas ce qu’elle pense ». Lui qui ne s’officialise jamais et considère les femmes comme des plans cul. Elle doit le savoir, elle qu’il apprécie pour sa droiture. « Elle mérite un mec bien ».

Dans un monde idéal, elle le choisissait pour compagnon, à la place de Joakim, car elle lui plait depuis le début de l’année…

Trisha le remercie chaudement de sa sollicitude, de son affection et de son désir de soutien quand il l’imagine malheureuse en amour, tout en le tranquillisant rapidement :

— On est bien ensemble, je t’assure.

— Vous ne faites pourtant pas grand-chose, tous les deux, rappelle le brun à son interlocutrice et amie, alors que, si mes souvenirs sont bons, tu étais souvent avec ton ex. Non ?

— Ce n’est pas vrai, Joey était beaucoup avec son équipe !

— Ah ouais ? Tu es sure ? Moi, je crois quand même me souvenir que tu le voyais quand même tous les jours, lui ! Et sachant que Joakim ne vient pas toujours au lycée… Bref, je ne l’imagine pas du tout t’envoyer des SMS le soir, ou t’appeler. Je me trompe ?

Alex rit. Visualiser son camarade dans le rôle du compagnon idéal l’amuse, tant l’image lui semble ridicule et impossible.

— T’es pas sympa, souffle tristement Trisha, en fronçant les sourcils dans un mélange de dépit et de colère. Je te dis que je suis bien avec lui, et tu continues d’essayer de me faire douter de lui. C’est dégueulasse… 

— Je tiens à toi et je ne veux pas qu’il te brise, c’est tout, lui murmure son interlocuteur et ami dans le creux de l’oreille, du coup, si tu es heureuse, ça me va. Et si tu as besoin de parler, de quoi que ce soit, car peut-être que ce qui arrive à Sanders t’affecte… Je suis là.

— Je suis triste pour lui, mais il a essayé de se servir de moi pour s’en sortir, du coup, je me fiche de ce qui peut lui arriver, maintenant, reprend-elle d’un air gêné en le repoussant doucement.

Elle rougit de leur proximité et de son souffle chaud dans son cou. Quelques regards à droite et à gauche la rassurent sur le fait que personne ne les observe : elle ne souhaite pas que Joakim ressente, à tort, un éventuel sentiment de jalousie devant une scène pareille !

— T’inquiètes, il est en bas avec Hajer, rit Alex avant de se préparer à tourner les talons pour s’éloigner, du coup, je te laisse, mais on se revoit à la pause !

Il lui sourit et détale à grandes enjambées, tandis qu’elle se dirige vers sa propre salle de cours en espérant y retrouver rapidement son compagnon.

De son côté, Alex reste dépité de réaliser la jolie rousse accro à son comparse Drifterz. S’il n’appréciait pas autant Hajer et Joakim, il aurait pu les faire tomber tous les deux, pour la récupérer  ! « Parce qu’il n’est pas dupe devant cette histoire de maison d’édition cramée ! Il le voit d’ici, le scénario, lui ! Le neuneu du Crew a pété les plombs en brulant Black Coat Press, avant d’appeler Joakim à l’aide, car terrifié à l’idée de finir en taule ! » Les mains profondément enfoncées dans les poches, Alex soupire en espérant qu’un jour, Joakim lui sauvera aussi la mise ! « Pour ne pas être bon qu’à lui piquer des meufs ! » Il se remémore ensuite que l’an dernier, son comparse proposait à son père un nouvel emploi, une semaine après son licenciement… Trop heureux pour son paternel, Alex n’avait pas cherché à comprendre comment il lui avait déniché ce poste. Il soupire encore plus désormais, blasé de se souvenir que celui qu’il juge très négativement aujourd’hui reste un incroyable allié sur qui l’on peut toujours compter…

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