Chapitre 5
Il aurait dû poser beaucoup, beaucoup, beaucoup plus de questions se maudissait Tili, recroquevillé sur lui-même, continuellement fatigué. Depuis qu’ils étaient rentrés en contact, Tili n’avait pas entendu le moindre bruit et le silence assourdissant allait finir par le rendre fou. Mais les Laeïas avaient bien d’autres points étranges. Il ne les avait jamais vu manger ! S’il voulait bien croire que ce soit normal avec les nombreux individus qu’il n’arrivait pas à identifier… Après tout, ils étaient loin et discrets ! Oui, mais il y avait aussi les deux fiers représentants qui restaient continuellement avec lui et qui ne mangeaient pas. A moins qu’ils ne se nourrissent pendant son sommeil ? Ou qu’une petite tige, similaire à celle qui produisait les ressources qu’il ingérait, ne se glisse sous eux pour les nourrir en toute discrétion ? Enfin, avaient-ils seulement une bouche ? Des dents quelque part ? Un estomac ? L’idée le fit frémir car ils étaient tous très corpulents comparés à lui. Il pourrait sans doute jouer le rôle de la proie s’ils se nourrissaient effectivement de quelques choses comme de la viande. Cette pratique barbare avait été annihilé depuis bien longtemps sous son dôme, mais il en avait entendu parler.
Le regard dans le vide, Tili traçait des formes abstraites sur le sol rugueux lorsqu’un doigt noir d’encre approcha, le faisant sursauter. Ce n’était que Rivière. Tout allait bien. Il reprit son jeu tristement, caressant le sol et observa le doigt curieux en faire de même, reproduisant ses gestes. Un peu hésitant, Tili dessina un bonhomme abstrait, fait d’un rond pour la tête, d’un rectangle pour le tronc et de quatre traits pour les membres. Rivière en fit autant. En dessous, à titre d’essai il nota « humain » et attendit que Rivière ait formé toutes les lettres pour éloigner sa main et tracer, en dessous d’une zone vide, où il n’avait pas encore dessiné quoique ce soit d’imaginaire, un nom : « Laeïa ». Rivière reproduisit son geste et attendit un long moment avant de comprendre que Tili attendait qu’il prenne la main et débute. Rivière sembla réfléchir puis il releva la main et posa le bout de son doigt au-dessus. Seulement au lieu de dessiner quelque chose à son tour, il fit une chose beaucoup plus surprenante et dérangeante. Le bout de son doigt mua, jusqu’à imiter Epine, s’effilochant et bougeant comme une énorme araignée terrifiante. Tili fut choqué de le voir prendre cette forme, mais presque aussitôt, il changea, imitant un humain miniature puis une autre série de formes moins évidentes à discerner les unes des autres.
Lorsqu’il arrêta, Tili hésita, puis il posa son doigt sur la peau de Rivière et la tapota. Très vite, cette dernière mua pour retrouver cette surface sur laquelle il écrivait et Tili inscrivit un merci qui était sincère. Sans ces tentatives de communications, toutes maladroites soient elles, il aurait eu l’impression de devenir totalement fou et ça lui permettait également de penser à autre chose qu’à son ventre tendu et douloureux. Alors il recommença à tracer des formes, cherchant à comprendre s’ils avaient des fondamentaux communs. Il tenta alors de découper des formes en plusieurs blocs pour les additionner dans un second temps mais si Rivière répondit, il ne comprit absolument pas les réponses. Rivière insista un long moment, jusqu’à ce qu’il se détourne totalement et ce ne fut qu’à ce moment-là qu’il arrêta. Visiblement, il comprenait que Tili devait voir pour participer.
Les jambes du jeune humain étaient engourdies et il avait envie de marcher, mais s’éloigner était tout à fait hors de propos. Il imaginait déjà la violence que cela répandrait. Il remua juste des pieds, pour détendre ses muscles et s’arrêta lorsque cela tendit davantage son ventre. Il se mordilla alors la lèvre, stressé et mal à l’aise.
Vivre ici, cela supposait bien des choses. Où dormir quand il n’y avait pas de lit ? Il n’imaginait pas se rendormir sur le corps de Rivière, perpétuellement. La nourriture et l’eau étaient gérées, mais il n’arrivait pas à se fournir par lui-même, cependant on ne le laisserait sans doute pas mourir de soif ou de faim. Malheureusement, il devait aussi éliminer les déchets de son corps et pour ça non plus, il n’y avait rien pour l’aider. Tili baissa la tête et la posa sur ses genoux. Il se sentait horriblement mal et terriblement honteux.
Par deux fois, Rivière revint en délicatesse, proposant un contact, en vain. Tili se sentait fatigué, le peu qu’il avait fait, c’était déjà trop. Ses propres émotions semblaient le vider de la moindre parcelle d’énergie.
Il était encore dans cet état d’esprit et de mal-être lorsqu’Epine bougea. Une partie de son corps sembla se faire d’autant plus agressive et une autre se sépara, elle semblait vaguement plus douce même si elle restait toujours aussi déstructurée. Cette partie-là, bondit au sol, s’y écrasa et prenant appui dessus, vient vers lui dans une tentative de contact évidente. S’il avait pu s’éloigner Tili l’aurait fait mais avant même de comprendre ce qu’il se passait, Epine le touchait. Il s’était posé sur son ventre. Haletant, l’humain ne pouvait pas s’empêcher de penser à sa violence, à la manière dont il parvenait à transpercer le corps, pourtant sans doute dur, des autres. Il n’aurait aucun mal à lui ouvrir le ventre. A la place pourtant, le bout de ce qui devait être comme un doigt, palpa ses vêtements et commença à tirer dessus pour remonter son haut afin d’accéder à sa peau. Lorsqu’il la toucha, Tili paniqua vraiment et tenta, même si c’était vain, d’interpeler l’autre alien dans un murmure plein d’angoisses.
- Rivière ? … Rivière s’il-te-plait…
Le doigt appuyait un peu trop fort sur son ventre douloureux, il couina. Il continua sa course vers son bas-ventre, appuyant tout autant sur des zones érogènes qui lui mettaient le rouge aux joues que sur sa vessie douloureuse.
- Rivière ?
Epine se glissa sous son pantalon et commença à soulever son sous-vêtement alors sans pouvoir s’en empêcher, Tili l’attrapa et tenta de l’extirper de là. Mais c’était comme s’il n’avait pas la moindre force. Entre ses doigts, cette espèce de métal poli était totalement inflexible. Etrangement, s’il semblait totalement inconscient de ces doigts qui le repoussaient, il parvenait à comprendre toutes ses zones les plus sensibles. Comment faisait-il ? Tili n’en avait pas la moindre idée, mais s’il n’avait pas aussi peur d’un mauvais geste il aurait adoré un tel contact. Des années d’apprentissages lui avaient appris comment profiter aussi pleinement que possible de son corps et Epine semblait redéfinir les méthodes potentielles juste en le caressant délicatement. Lorsqu’il descendit plus bas néanmoins, glissant entre ses cuisses, Tili le sentit se faire plus fin et intrusif et la peur remplaça tout le reste. Il se débattit de plus en plus fortement en espérant que Rivière intervienne mais il ne le fit pas. A la place, ce fut Epine qui s’arrêta, le surprenant.
La surprise n’était pas terminée, parce qu’à peine s’était-il retiré que Rivière venait le toucher à son tour avec cette même manière sensuelle qui le fit remuer de désir et de plaisir. Etait-ce une expérimentation à nouveau ? Il n’en avait pas la moindre idée mais il n’arrivait plus vraiment à réfléchir.
La chaire soyeuse de Rivière s’était glissée le long de sa verge, le faisant frissonner pour venir caresser ses testicules. Rougissant comme rarement, Tili se laissa aller contre Rivière, acceptant ses contacts avec beaucoup plus de sérénité. Du coin de l’œil, il remarqua Epine qui se faisait plus imposant et menaçant envers ses congénères mais la précision des contacts le perdit dans un abime de sensations. Rivière savait y faire. Comment pouvait-il savoir exactement où le toucher ? Quelle pression mettre dans ses gestes ? Epine avait semblé tout aussi habile. Les questions arrivaient à son esprit épuisé pour disparaître tout aussi vite. Son sexe avait gonflé prenant une forme bien plus volumineuse. Il n’avait jamais été le plus fin des jeunes hommes du dôme, mais il n’était pas non plus le plus épais ou le plus long d’entre eux. Cependant en baissant les yeux, il avait la sensation que sa verge était ridiculement petite, là, perdue entre les mains de Rivière si noires qu’elles tranchaient avec la couleur de sa peau, le faisant paraître particulièrement pâle et coloré d’un rose tout à fait décadent. Son gland possédait-il réellement cette couleur rouge vif ? Non. Pas vraiment.
Regarder ce contact ne fit que renforcer son désir, lui donnant envie de remuer les reins, de faire coulisser sa chaire bouillonnante tout contre Rivière et en même temps, son corps ne cessait de lui rappelait la douleur dans son ventre et la fatigue qui appuyait fermement sur ses paupières. Il observait toujours alangui contre le corps ferme de Rivière lorsqu’il vit quelque chose qu’il n’était pas sûr de vouloir. La main qui le tenait maintenant n’avait plus rien d’humaine mais c’était Rivière alors ça allait à peu près. Le fait qu’il sache exactement où et comment le toucher aidait énormément aussi. Cependant, lorsqu’une pointe s’approcha de son méat pour le titiller, Tili commença à se raidir. Il connaissait ce type de jeu et il n’en avait jamais été particulièrement friand. Mais que ce soit Rivière qui rentre en lui en passant par-là, c’était beaucoup moins évident encore.
- Qu’est-ce que…
Il se tut, gémissant et encaissant alors que ce qui ressemblait à un très fin doigt curieux se glissait à l’intérieur de sa verge. Il chercha à remuer mais aussitôt Rivière le tient, lui immobilisant les hanches sans aucune difficulté. Soudain, Tili eut l’impression d’être de retour à ce moment étrange où ils s’étaient abattus sur lui pour le piquer. Il était coincé et l’envie commençait à partir à grande vitesse. Comme s’il le savait, Rivière s’arrêta et d’autres contacts vinrent refaire naître la flamme de l’envie chez le jeune homme.
Il parvint à le perdre dans les désirs, puis lentement, recommença à s’enfoncer dans sa verge. Rivière continua, très lentement, très discrètement, tout en flattant le jeune homme jusqu’à aller là où il le désirait vraiment. Tili ne s’en rendit pas immédiatement compte. Le désir était si important. Sa peau se couvrait de frissons. A un moment, il remarqua que Rivière se plaçait de manière à ce qu’il ne puisse pas voir ce qu’Epine faisait. Il se battait sans doute encore.
Puis Rivière glissa entre ses cuisses pour venir titiller son anus et Tili se raidit encore. Il aimait le sexe anal, ce n’était pas un problème en soit, mais il avait l’habitude de se nettoyer avant… et surtout, avant tout autre chose, de passer aux toilettes. Deux points totalement nécessaires qu’il n’avait pas pu faire.
- Non, arrêtes… Je suis sale.
Rivière n’avait jamais réagis à la moindre de ses paroles et il ne le fit pas davantage, négociant simplement l’entrée de son corps avec l’élasticité de son anus. A aucun moment il ne lui fit mal. Bien au contraire, il joua de son corps avec une adresse qu’aucun de ses amants n’avaient jamais eu et le pénétra sans aucune forme de difficulté. Là, à l’intérieur de son corps, il caressa encore et encore ses points les plus sensibles.
- Ah… Ah…
Tili plaqua ses mains sur sa bouche pour étouffer ses gémissements de pures luxures, mais les caresses vives remuaient son corps et lui faisait perdre l’esprit. Là, quelques parts au milieu des petits cris, il se retrouva à jouir sans pouvoir s’arrêter et un instant après, à l’instant exacte où le plaisir s’envola, les mouvements cessèrent et Rivière se retira en douceur sans relâcher son étreinte.
Contre son amant, Tili ferma les yeux, concentré sur sa respiration. Ça avait été tellement bon. Lentement le sommeil vint le happer. Une fois profondément endormi, il se blottit davantage contre Rivière, saisissant l’un de ses bras sans le savoir. Dans ses rêves, il retourna dans son dôme, courant entre les plantes et en les touchant du bout des doigts. Il leva le visage vers le plafond et laissa l’eau des brumisateurs couvrir son visage. Il ouvrit la bouche et goutta l’humidité. C’était délicieux. En roulant sur le côté, il se réveilla soudain en sursaut avec la sensation de ne s’être endormi que quelques minutes alors que bien des heures avaient dû s’écouler. Il papillonna des yeux un long moment mais il n’y avait que le noir autour de lui. Encore une fois. Il ne paniqua pas puisque ce n’était que Rivière. Il en fut convaincu dans l’instant.
Il reposa sa tête sur le côté et soupira. Peut-être que se rendormir un moment ne serait pas plus mal. Au creux de l’épuisement, il se rendit compte qu’il n’avait plus mal au ventre. Sa vessie n’était plus tendue. Il grimaça et tâtonna autour de lui inquiet à l’idée de s’être ainsi libéré, sans aucun contrôle. Tout était sec. Ce n’était que la peau de Rivière qui se fit un peu plus douce encore. Il soupira, soulagé de ne pas lui avoir uriner dessus et perturbé de ne plus en avoir besoin. Ici, tant d’éléments avaient l’air simplement magique. Il se rendormit sur cette pensée étrange.
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