chapitre 7

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Il ne s’en sortirait pas. Il le savait depuis le début mais petit à petit, ça devenait une certitude. Il s’accrochait désespérément à ce qu’on avait pu lui dire. Cette espèce avait un problème. En faites, à en croire l’émissaire, toutes les espèces avaient des problèmes. Ceux de l’humain lui paraissait évident : la Terre était inhospitalière et le manque de ressources rendait les surfaces habitables de plus en plus réduites. Stabiliser le climat était le point de départ indispensable, mais avoir davantage de ressources les aideraient au plus haut point. Et puis, si on avait pu le soigner aussi bien et rapidement, alors ils pourraient sans doute les aider en matière de médecine. Le fait d’avoir des vaisseaux ne serait pas non plus négligeable. Tout ça, c’était ce qu’on pouvait leur apporter et il n’avait sans doute pas conscience de la portée des améliorations potentielles.

Mais lui ? Il n’était qu’un humain. Son champ de connaissances avait surtout été accès sur une bonne connaissance de sa propre sexualité et de la sexualité humaine en générale et puis, il avait aussi étudié l’Art. Durant quelques temps, il s’était passionné sur les plantes et leurs soins, au cas où. Il aimait marcher entre elles plus que s’en occuper, mais il était assez sérieux pour savoir que gagner ces compétences pourrait peut-être un jour lui permettre de continuer de les voir. La sexualité humaine n’avait à priori aucun intérêt pour les Laeïas. Les Arts visuels et auditifs ne devaient pas en avoir davantage ou en tout cas, ils n’avaient sans doute rien en commun là-dessus, pour de simples raisons de perceptions. Alors quoi ? Botaniste ? Leurs arbres n’avaient que des troncs, il n’était même pas sûr que ce soient véritablement des arbres d’ailleurs et aucun ne montrait la moindre trace de problèmes.

Qu’est-ce qu’un humain pourrait apporter à une telle espèce ? Il avait fini par admettre que les Laeïas étaient excessivement curieux de lui. Peut-être ne pouvait-il rien faire ? Peut-être l’avaient-ils demandé seulement pour satisfaire leur curiosité ? Mais pourtant ils l’avaient intégré dans un trio cassé. Ce n’était pas rien. Ils avaient parlé des binômes comme d’une chose incomplète et en souffrance, alors s’il partait, s’il mourait, ils souffriraient. C’était censé lui apporter une forme de protection mais depuis l’attaque d’Epine, il n’espérait plus grand-chose.

Comme tout les jours, Rivière s’approcha, caressant et amical. Il était déjà revenu plusieurs fois en lui, le faisant jouir sans aucune difficulté. Il n’avait jamais eu meilleur amant. Malheureusement, il y pensait toujours en rougissant car il se produisait toujours autre chose pendant les coïts. Il devenait plus léger. Depuis le début de son séjour, il n’avait pas eu besoin de vider son corps une seule fois grâce à ça, mais l’idée même était si immonde qu’il ne comprenait pas pourquoi Rivière le faisait. Il n’était même pas sûr de vouloir savoir.

Rivière proposa sur son bras une petite surface de communication et Tili hésita. Il lui manquait tellement d’informations et il n’avait pas la moindre idée de comment les obtenir en ne pouvant écrire que quelques mots et en cherchant uniquement à recevoir des « oui ». Tout le reste était difficile après tout.

- J’ai besoin de savoir quoi faire… Comment je te demande ça hein ?

Les questions se bousculaient dans sa tête. Combien y avait-il de Laeïa ici ? Où se trouvaient-ils dans l’espace ? Où allaient-ils ? De quoi avaient-ils besoins ? Pourquoi lui ? Pourquoi entre tous les humains compétents de la planète l’avaient ils sélectionné lui ? Les questions ouvertes laissaient souvent Rivière de marbre, mais néanmoins il tenta.

« Où sommes-nous ? »

Il s’attendait à de l’immobilité, mais Rivière le surprit en se mettant immédiatement en mouvement. Il s’assit, posa ses jambes aux sols plus qu’autre chose et de ses jambes sortirent des épines noires qui le firent reculer. Au bout de chaque épine vient une boule qui se mit lentement en mouvement. C’était une carte. Une carte de l’univers, mais il ne reconnaissait rien. Il se maudit de ne pas avoir étudier cette question davantage.

« Où est ma planète ? »

Un pic apparut tranquillement, ondulant loin d’être Rivière puis une boule fit son apparition, loin, très loin à l’arrière de son corps. La Terre était donc à présent horriblement loin.

« Où va-t-on ? »

Rivière fit disparaitre la Terre et mit en avant une série de petits blocs reliés par de très fins fils noirs. Tili hésita un long moment, inquiet de toucher à un sujet sensible sans le savoir.

« C’est ta planète ? »

Rivière acquiesça et redevint le simulacre d’humain qu’il tenait à être. Ça avait son côté frustrant. Parfois il avait envie d’écrire : montre-moi ta vraie forme. Mais la vérité c’était qu’il n’était pas prêt à accepter l’idée qu’il puisse être similaire à Epine, alors il ne demandait pas. S’il avait bien compris, ils arriveraient bientôt sur leur planète. Elle semblait d’ailleurs brisée. C’était sans doute un véritable problème pour eux, mais il n’allait pas pouvoir réparer une planète. Enfin, on ne pouvait pas attendre une telle chose de lui. Ce n’était pas possible, tenta-t-il de se rassurer. Il n’avait pas envie de se faire décevant.

Rivière lui caressa doucement le dos et tranquillement Tili se laissa aller contre lui. Pas une fois l’autre ne l’avait repoussé ou malmené. Il se sentait de plus en plus en confiance avec lui. Après tout, il veillait même sur son sommeil. Puis les caresses douces se glissèrent sous ses vêtements comme cela se produisait régulièrement. Pourquoi ? Doucement, il tapota la peau de Rivière qui mua sans attendre et inscrivit : « Tu veux te reproduire ? ». Rivière se figea un instant avant de faire « non » de la tête et de reprendre les caresses mais le doigt curieux continua d’écrire. « Tu veux que je te touche ? ». Rivière s’arrêta un long moment cette fois-ci et refit « non » puis, il se concentra sur les caresses, lui faisant perdre la tête en un temps record.

Alors qu’il était en plein cœur du plaisir, le corps cambrait pour venir un peu plus près, frottant ses tétons sur le bras de Rivière, il vit du coin de l’œil Epine qui s’approchait tout en chassant toujours les autres. C’était Rivière qui l’avait attrapé et qui le tirait physiquement jusqu’à eux. Mais Tili se raidit et commença à se débattre franchement, refusant le contact et Epine eut l’air de le comprendre car il s’arrêta tout à fait pour reculer. S’échappant de la prise de Rivière qui arrêta totalement de bouger, Epine retourna à ses activités barbares. Rivière quant à lui posa un doigt exagérément fin sur Tili et reproduit un schéma qu’ils avaient déjà vu ensemble. C’était un rond dans lequel il écrivit Tili, Ʌ, ~. Le jeune homme observa sa propre peau et déglutit. Il était incapable d’envisager une intimité quelconque avec Epine. Ce n’était simplement pas possible. Mais il ne pouvait pas le dire à Rivière, il n’allait pas bien réagir à ce genre de chose. Une nouvelle fois, il eut peur et il se referma un peu plus sur lui-même.

***

Cela faisait plusieurs fois que Rivière tentait de rouvrir le canal de discussion avec toujours la même patience. A chaque fois, Tili reculait. Ce qu’il avait à dire, ce qu’il avait vraiment sur le cœur ça n’allait pas lui plaire. Puis l’un des doigts de Rivière se leva et vint tapoter plusieurs fois sa peau, exactement comme il le faisait lui, pour demander la communication. Il dut se concentrer pour discerner les lettres.

« Que veux-tu ? »

Il hésita un long moment et finit par écrire sur la peau de l’alien quelque chose qui allait prendre une forme si abstraite qu’il était loin d’être sûr de lui.

« Parler à mes amis »
« Qui ? »
« Kimi, Lisi, Nixi »

Rivière sembla réfléchir puis il hocha de la tête et écrivit sur sa peau.

« Parle ».

Tili eut un long moment d’hésitation. Devait-il obéir ? Ou essayer de lui expliquer plus précisément. Rivière avança vers lui, le surprenant, pour lui montrer une vague forme sur l’arbre derrière lui. Et effectivement, il y avait quelques choses. Rivière se fit grand et large, comme pour masquer la vue derrière lui et un second visuel apparu : une partie du corps de Rivière. Tili se plaça devant et se vit. Il avait l’air totalement défait et décoiffé. Il avait l’air sale. Etrangement, il ne sentait pas mauvais et sa peau de péguait pas, mais il avait préféré de ne pas se demander « pourquoi ».

Dans son dos, Rivière retraça très discrètement le mot « parle ».

- Lisi ?

Très lentement, l’image mua et il la vit apparaitre à l’écran, elle semblait aussi surprise que lui. Elle eut l’air de s’exclamer quelque chose mais aucun son ne sortit de son côté.

- Lisi ! Tu m’entends !

Elle parla encore, dans le vide.

- Je ne t’entends pas. Mais fait moi un signe si tu m’entends.

Elle acquiesça et il soupira sous le bonheur intense que ce simple geste le faisait éprouver.

- Je suis tellement content de te voir… Mais tellement, tu ne peux pas imaginer. Est-ce que tu vas bien ?

Elle fit « oui » à nouveau et sembla demander quelque chose à quelqu’un qui était hors écran avant de dire très clairement « et toi ? » tout en le montrant du doigt. Il haussa d’une épaule. Il ne voulait pas l’inquiéter mais il se sentait incapable de lui mentir.

- C’est… C’est assez dur. Ici, ils ne parlent pas. Du tout. On essaie de communiquer à l’écrit, mais c’est assez limité.

Elle montra ses mains et les remua.

- Oui, on peut faire quelques gestes, mais je ne crois pas qu’ils voient comme nous. Attends, tu me donnes une idée.

Il se retourna vers Rivière, tapota sa peau et nota « Tu vois Lisi ? » et Rivière, très tranquillement, fit « non ». C’était étrange de le voir sous cette forme alternative mais c’était toujours lui.

- Non, ils ne voient pas comme nous.

Lisi semblait avoir récupérer un cahier sur lequel elle nota.

« Ton alien est avec toi là ? »
- Oui. Tu vois le truc noir derrière moi ? Et bien c’est un bout de lui.
« Tu es avec quelle espèce ? »
- Des Laeïas. Et toi ?
« Des Kan’anks. » puis elle écrivit encore « Très sympa. »
- Tu sais ce qu’ils veulent de toi ?
« Ils ont besoins de pleins de trucs… mais ils aiment vraiment quand je chante. Contre mes chansons, ils envoient des minerais à la Terre !! »
- Ouah ! Tu dois être trop contente !

Elle hocha vivement de la tête, visiblement radieuse.

- Tu as des nouvelles des autres ?

Elle fit « non », tristement. Puis écrivit : « Pas de moyen de communication. Tu les as appelés ? »
- Non, pas encore. Je ne savais même pas que c’était possible. Tu es la première.
« Dis-moi. Je peux t’aider ? »

Il devait avoir vraiment l’air très mal pour qu’elle pose cette question.

- Je ne sais pas du tout comment améliorer les choses avec Rivière.
« Rivière ? »
- C’est le surnom que je lui ai donné. Il y a Rivière juste derrière moi et un peu plus loin, il y a Epine. Ils forment des groupes de trois.

Durant près d’une heure, ils discutèrent et lorsque finalement Lisi dû arrêter, Tili se sentait vraiment, vraiment mieux. Il se retourna contre l’alien et le serra contre lui, prit dans une impulsion subite. Lentement, Rivière changea de formes, cessant de cacher le décor derrière lui. C’était le chaos, comme à chaque fois que Tili faisait quelque chose de nouveau ou de profondément humain. Et il fit une chose supplémentaire en traçant sur la peau noire un petit mot « merci ».

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