CHAPITRE XVI

7 minutes de lecture

Quand je parle du spectre terrifiant de la rentrée, cette année j’exagère un peu. L’année dernière déjà, cela s’était bien passé ; comme nous n’avions pas déménagé, j’avais retrouvé tous mes amis et mis à part le fait, pas toujours agréable, de reprendre le rythme de l’école, tout s’était vraiment bien passé.

Cette année ce sera la même chose, enfin presque. D’abord, c’est vrai, je rentre au lycée alors le cadre ne sera plus le même et puis comme je vais aller à Victor Hugo en classe européenne, je ne vais pas retrouver toute ma classe ; eux iront à Camille Desmoulins même si heureusement plusieurs de mes amis ont fait le même choix que moi. On risque cependant d’être un peu disséminés entre les neuf classes de seconde et cela me fait un peu peur mais je pense que cela devrait aller.

L’important pour notre famille c’est que personne ne sache rien de notre vie et qu’on nous laisse vivre tranquillement comme nous le faisons depuis maintenant deux ans. Pour cela, je dois dire que les « Règles de Nantes » ont complètement rempli leur office mais elles sont pesantes parfois et nous avons pris la décision dimanche soir de les assouplir un peu. Stéphane avait déjà déclaré son homosexualité à deux de ses collègues du lycée Malherbes et moi j’ai ramené une ou deux fois mes amis à la maison pendant les vacances et comme Sébastien était en déplacement, il n'y avait pas de risque. C’est assurément pour Sébastien que c’est le plus difficile à vivre car officiellement il n’existe pas dans ma vie alors il ne doit pas venir me chercher à l’école, rencontrer mes copains et même éviter de répondre au téléphone puisque je suis sensé vivre seul avec mon père…

Un peu énervé, cherchant vainement le sommeil au fond de mon lit, je pense et repense à mes vacances, à la rentrée, à ma vie…

J’ai gardé le contact avec Elodie mais nos échanges par mail ont apaisé un peu notre relation ; je crois qu’elle a compris que je n’étais pas l’amour de sa vie mais elle reste une bonne copine et nous nous écrivons régulièrement. Avec Tobias, c’est différent. Je crois que c’est moi qui me suis calmé mais à chaque fois qu’il m’envoie un mail, j’ai quand même le cœur qui bat un peu plus fort. C’est chouette d’avoir un copain allemand et puis je ne sais pas mais ça me fait toujours quelque chose de spécial de lui écrire pour lui raconter ma petite vie et puis je pense souvent à ce que nous avons fait ensemble…

Je me suis retrouvé un peu perdu dans l’immense cour du lycée Victor Hugo ; j’ai attendu quelques minutes près du garage à vélo et puis j’ai suivi les autres lycéens qui se rapprochaient du préau. Il y a une cour extérieure qui sert en partie de parking aux profs et puis une cour intérieure entre les deux grands bâtiments de quatre étages. J'ai cherché mon nom sur les listes de classes affichées et j'ai vu avec plaisir que je retrouverai certains de mes amis mais malheureusement pas Boris ! Un surveillant est venu mettre un panneau pour indiquer où nous devions aller alors j’ai suivi la foule.

-« Diego, Diego ! »

Je me suis retourné et j’ai aperçu Bérangère qui me faisait de grands signes.

-« On est dans la même classe ! Oh je suis contente qu’on soit ensemble ! Dis donc t’as grandi ou quoi ?

-« Heu salut, ça va ? »

Elle s’est littéralement jetée sur moi pour me faire la bise ; elle avait l’air vraiment contente de me revoir à moins que ce ne soit la peur de se retrouver toute seule pour elle aussi.

Finalement nous sommes quand même quatre de notre classe de l’année dernière, Corentin, Bérangère, Jules un gars que je ne connais pas trop et puis moi à nous retrouver en seconde B. Boris et Corentin et Théo ne sont pas avec nous, ils sont dans la seconde C mais on les retrouvera en allemand européen donc ça va ce n’est pas dramatique.

On a passé la matinée avec notre prof principal, monsieur Zeiger, le prof d’allemand qui nous a donné notre emploi du temps et puis fait visiter l’établissement ; on a récupéré nos livres et puis on a commencé à travailler un petit peu. Il a demandé à chacun des 24 élèves de se présenter en allemand bien sûr et puis de préparer à l’écrit un paragraphe sur nos vacances afin de se faire une première impression sur notre niveau. Ca m’a fait plaisir de pouvoir raconter mes vacances au camping avec Tobias et j’ai écrit plus d’une page en à peine un quart d’heure tellement j’étais inspiré.

A midi, nous sommes allés manger au self et puis l'après midi les cours ont débuté mais, les affaires sérieuses commenceront vraiment demain, aujourd’hui ce n’était que la journée de prise de contact.

‘Ca va, je pense que je vais me plaire !’

A cinq heures et demie, je suis parti pour mon entrainement de foot. On a repris par une séance de travail foncier c'est-à-dire essentiellement du footing. D’habitude j’aime bien ça, je suis assez bon en endurance mais aujourd’hui je traine en fin de peloton.

-« Alors Diego, t’as perdu tes jambes ? Tu te traines aujourd’hui ! » m’interpelle Eric notre entraineur.

-« Ouais, j’ai mal aux genoux …

-« Ah bon, alors ne force pas trop, va à ton rythme !

-« D’accord ! »

J’ai fini comme j’ai pu. C’est énervant parce que je n’étais pas du tout essoufflé mais j’avais une douleur dans les deux genoux, quelque chose qui me brûlait et m’empêchait de déplier correctement les jambes. Heureusement après on a fait des jeux plus statiques et ça ne me faisait presque plus mal. On a fini par des petits matchs sept contre sept et je n’ai pas trop senti de douleur alors ça m’a rassuré.

-« Allez, on s’arrête là pour aujourd’hui ! Tout le monde à la douche ! »

Eric est allé ranger le matériel et m’a demandé de l’accompagner.

-« Ca va les genoux ?

-« Ouais moyen mais c’est surtout quand je courais que ça me faisait mal…

-« Ok, à mon avis c’est parce que tu as grandi pendant les vacances alors vas-y doucement et ça va passer !

-« Ouais j’espère bien !

-« Mais oui ça arrive, allez file te doucher et dis aux gars de se dépêcher, j’suis pressé ce soir ! »

Quand je suis rentré dans le vestiaire, les douches étaient déjà prises, je me suis presque entièrement déshabillé et j’ai attendu qu’elles se libèrent.

-« Allez dépêchez-vous, Eric est pressé ce soir ! »

J’ai remarqué qu’il y avait plusieurs joueurs qui étaient encore habillés et qui avaient l’air de ne pas savoir s’ils allaient prendre une douche. Il y avait Johann comme d’habitude qui est super pudique et qui attend toujours que tout le monde ait fini avant de se glisser sous l’eau et puis deux nouveaux qui visiblement n’étaient pas très à l’aise.

Enfin après quelques minutes d’attente presque tous les gars sont sortis ensemble et nous ont dit en rigolant qu’il n’y avait plus d’eau chaude !

-« Ah non, c’est pas vrai !

-« Mais non, il y en a encore un peu ! »

J’ai baissé mon shorty bleu et j’ai pris mon gel douche.

-« Hé Diego, t’as fait du nudisme ou quoi, t’as pas de marques blanches !

-« Ah ouais mais moi j’suis pas blanc les gars, j’suis bronzé au naturel !

-« Ouais, c’est comme moi, ils peuvent pas comprendre ces petits blancs ! » renchérit Paul en rigolant.

Paul, c’est le black de notre équipe alors il est comme moi, d’une seule couleur et peu importe qu’on soit en été ou en hiver, il est entièrement black !

-« Ouais regardez, nous on est d’une seule couleur pas besoin de faire du bronzing ! » reprend-il en venant se coller à moi.

Tout le monde nous a regardés et c’est vrai, pas d’horrible démarcation entre la zone exposée au soleil et ce qui reste caché sous le maillot.

-« Ouais mais pour le reste, il y a quand même une petite différence entre vous ! » reprend Mathieu en pointant du regard le morceau de chair qui pendouille entre les jambes de Paul.

-« Quoi ? Ah tu veux dire, il n’a pas la chance d’être black ! » reprend Paul en s’exhibant fièrement devant tout le monde.

-« Oh ça va, elle n’est pas petite non plus !

-« Non et puis ce qui compte c’est quand elle est bandée !

-« Ouais mais là on a aucune chance, c’est connu c’est les blacks qui ont les plus grosses !

-« Ca c’est sûr mais comptez pas sur moi pour vous montrer ça !

-« Les gars, vous avez bientôt fini ?

-« Heu presque Eric !

-« Dépêchez-vous, j’suis pressé ce soir !

-« Ok, on active ! Alors, les p’tits pédés, vous vous grouillez ? » reprend Paul en s’adressant aux trois joueurs encore en short.

Ils ont baissé la tête et s’en rien dire mais avec un peu de gêne ont enlevé leurs derniers vêtements. Je n’ai pas pu m’empêcher de les regarder et j’ai souri quand j’ai aperçu furtivement le petit sexe recroquevillé de Johann avant qu’il ne mette une main devant pour le cacher. Les autres ont vite baissé leur short mais n’ont rien fait pour se protéger des regards et sont venus nous rejoindre sous l’eau.

-« Alors les petites bites, ça vous fait quoi de voir une vraie queue, c'est pas une bite de pédé ca ! »

Je ne sais pas si c’est à cause du sujet un peu chaud de la conversation mais j’ai senti que je bandouillais légèrement et je me suis tourné pour ne pas m’exposer à une remarque ironique de Paul. Ca me gêne ces allusions débiles.

‘C’est pas parce que t’en as une grosse que t’es pas gay ou le contraire d’ailleurs !’

J’ai aperçu Johann qui se planquait comme il pouvait et j’ai compati en lui faisant un petit sourire embarrassé.

‘C’est pas facile d’avoir une petite bite quand on est ado et qu’on prend une douche tous ensemble !’

Annotations

Vous aimez lire valdomar ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0