CHAPITRE XXXVIII
Je n'ai pas vraiment eu conscience du trajet retour. J'étais furieux contre les nageurs du Cercle et particulièrement contre le gars au maillot de bain jaune qui m'avait traité d'homophobe et qui m'avait même menacé.
'J'ai failli me faire casser la figure pour un truc imaginaire, c'est fou ça !'
J'étais furieux contre Thibaud qui ne me croyait pas. Et vexé aussi, je crois. J'avais tant espéré que tout rentrerai dans l'ordre, qu'il m'écouterait et que ce serait fini, qu'on serait amis comme avant...
'C'est comme s'il ne m'entendait pas ! Il est dans son truc et je peux lui expliquer tout ce que je veux, ça ne changera rien ! Et puis c'est quoi cette histoire de piège, c'est débile !'
Le tram était à moitié vide et je m'étais réfugié dans la dernière voiture, au fond. Je ruminais ma colère les yeux dans le vide. J'ai sursauté quand tout d'un coup j'ai vu le panneau Beauséjour apparaitre, j'avais failli raté mon arrêt. J'ai sauté de mon siège et je suis descendu à toute allure.
J'ai attendu que le tram reparte et j'ai traversé la voie pour me diriger vers la consigne où j'avais déposé mon sac de cours et c'est alors que ça m'a traversé l'esprit.
'Merde, mon sac ! J'ai laissé mon sac de piscine dans le tram !'
Incrédule, j'ai regardé disparaitre le tram au loin en me maudissant intérieurement. Je me suis calmé comme j'ai pu et finalement j'ai décidé d'attendre que le tram revienne pour voir si mon sac était toujours là. J'ai regardé la ligne sur le panneau ; il restait 7 arrêts pour qu'il arrive au terminus et autant pour qu'il en revienne.
'Il y en a pour une demie heure à peu près !'
Je suis allé au bureau de la Tan (les transports de l'agglomération nantaise) et ils ont prévenu le conducteur qui ira voir lorsqu'il sera arrivé au terminus si mon sac est toujours là. Je les ai remerciés et je me suis assis sur un banc en rongeant mon frein. Je me suis calmé un peu et j'ai repensé à ce qui s'était passé à l'entrée de la piscine. J'ai revu Thibaud, furieux, effrayé aussi et tout d'un coup je me suis à pleurer...
...
Depuis lundi soir, je n'ai pas le moral. Je ne sais pas pourquoi je n'arrive pas à chasser ce qui s'est passé de mon esprit. Ca m'affecte profondément et j'ai le cœur à rien.
Mardi, j'ai essayé de ne plus y penser mais quand j'ai croisé Thibaud dans les couloirs, ça m'a saisi à nouveau. Il ne m'a pas vu ou plutôt il a fait semblant de ne pas me voir dans le couloir bondé mais moi ça m'a fait comme un coup de poignard dans la poitrine et je me suis éteint pour le reste de la journée.
Mercredi matin, je suis allé de bonne heure à la cafète m'inscrire au club d'échec parce que c'est l'activité qui me tente le plus je crois. Oh, pas pour devenir un champion mais pour m'améliorer un peu et pour découvrir ce monde un peu particulier. J'ai été reçu par Olivia, une fille avec des couettes, très sympa qui m'a expliqué comment le club fonctionnait. Il y a des "cours" plusieurs fois par semaine en fin d'après midi ou le midi à la cafète. Et ça coute seulement 10 euros, ce n'est pas cher !
-"Les cours sont par niveau donc on va voir un peu quel niveau ont les nouveaux et ensuite vous serez répartis dans un des cours qui sera pris en charge par un joueur confirmé.
-"Ah OK super ! Moi, je connais les règles, je sais déplacer les pièces mais je ne suis pas fort du tout ...
-"T'inquiète, c'est pas un problème ; le club, c'est pour tout le monde et tu seras mis dans le groupe qui correspond à ton niveau pas besoin d'être fort.
-"Et comment on détermine les niveaux ?
-"A partir de la semaine prochaine on va ouvrir des créneaux de jeu le midi pendant une semaine tu joueras avec les membres du club et comme ça on arrive à placer les nouveaux dans le niveau qui leur correspond."
Je l'ai remerciée et je lui ai dit que je passerai surement lundi midi à la cafète pour jouer. En partant je me suis dit que je pourrai essayer une dernière fois de voir si quelque chose d'autre pourrait me plaire parce que cette année comme je n'ai plus le foot, j'ai du temps.
'Plus de foot et plus de natation d'ailleurs !' repense-je tristement.
J'ai décidé de tourner la page et je n'ai plus envie d'aller nager tout seul. Avec Thibaud, c'était sympa mais autrement, je crains de vite m'y ennuyer.
'Et comme, il ne veut plus me parler, c'est même plus pas la peine d'y penser !'
Je suis passé devant le club de l'Animation Sportive et il y avait foule ; j'ai regardé ce qu'ils proposaient une nouvelle fois mais non, franchement pour les garçons ce n'était quasiment que des cours de musculation et ça ne m'intéresse pas vraiment. Ce n'est pas que je sois baraqué, loin de là, mais bof, soulever des poids juste pour faire gonfler des muscles et pouvoir frimer devant les filles...
'Non franchement, c'est pas pour moi!'
Il n'y avait personne au stand Arc en ciel, juste un gars assis sur une chaise qui regardait son téléphone en baillant.
'Tu m'étonnes, il doit pas y avoir grand monde à vouloir s'afficher comme gay surtout en seconde ; il n'y a qu'à voir mon cas !'
J'allais partir quand j'ai vu le panneau Geography Club à côté et je ne sais pas pourquoi, je me suis approché. Ce n'était pas Matthys qui tenait le stand mais un garçon à lunette.
-"Heu salut...
-"Oh salut, tu es venu t'inscrire ?
-"Ben en fait je ne sais pas, j'ai du temps cette année alors oui peut-être mais j'ai pas trop compris ce que vous faites...
-"Ah oui et ben c'est simple on étudie la géographie sous toutes ses coutures ! On fait des recherches, des projets, des expos et des sorties. L'année dernière on a fait un grand projet avec le club Arc en ciel sur les droits des minorités LGBT dans le monde, c'était super sympa ! Et comme c'est seulement la deuxième année du club, toutes les idées sont à explorer !"
J'ai hoché la tête mais ça ne m'emballait pas vraiment.
-"Tu es un fou de géographie ? reprend-il.
-"Heu non pas spécialement...
-"Alors tu peux venir pour les projets comme celui qu'on a fait l'année dernière avec le club Arc en ciel ..."
Il était sympa et enthousiaste et quand il a parlé de leur projet sur les droits des gays, ça a complètement retenu mon attention. On a discuté quelques minutes et je me suis dit pourquoi pas ? Et je me suis inscrit. Comme pour le club d'échec, l'inscription coûte seulement 10 euros. Je n'avais plus d'argent sur moi mais le gars m'a dit que je pourrai payer la semaine prochaine lors de la première réunion du club. Je l'ai remercié et je suis parti.
'Bon, je sais pas trop dans quoi j'ai mis les pieds mais bon on verra bien, de toute façon j'ai du temps cette année !'
...
Je suis rentré à la maison directement après les cours, je n'ai pas trainé avec Bérangère mais je crois qu'elle a une activité en début d'après midi alors je ne me suis pas senti trop coupable. Stéphane était en train de préparer le repas quand je suis rentré et je lui ai dit que je m'étais inscrit finalement à deux clubs : celui d'échec et celui de géographie. Je l'ai aidé à préparer l'entrée et on a mangé ensemble comme tous les mercredis puis je suis parti dans ma chambre. D'habitude je n'y reste pas très longtemps car je file presque aussitôt à la piscine mais comme ce n'est pas le cas, j'ai allumé mon ordi et je suis allé sur Youtube voir s'il y avait des vidéos d'échec.
'Purée, oui il y a en a pleins !'
J'ai cliqué au hasard et je suis tombé sur une vidéo qui reconstituait une partie d'échec. J'en ai regardé plusieurs et j'ai trouvé ça sympa ; ils décortiquaient les coups, les stratégies des joueurs et même si c'était un peu compliqué, j'arrivais assez bien à suivre.
Toc toc toc
-" Didi, qu'est-ce que tu fais ? Tu ne vas pas à la piscine ?" m'interrompt Stéphane.
-"Heu non... j'ai pas trop envie...
-"Ah... comme lundi alors ?
-"Non lundi... c'était pas pareil..." réponds-je embarrassé.
-"Il y a un problème ? Tu t'es fâché avec ton copain de la piscine ?
-"Heu..."
Je ne savais pas quoi dire et il a du voir mon embarras.
-"Tu veux qu'on en parle? Ou alors c'est secret ?
-"Non, non, c'est pas secret !
-"OK, alors laisse-moi le temps d'apporter mon café et j'arrive !"
J'ai soupiré, je n'avais pas trop envie d'en parler mais finalement, ce sera peut-être mieux et puis j'aurai du m'en douter que Stéphane et Sébastien remarqueraient que depuis trois jours j'étais sombre et taciturne. C'est sûr qu'avec deux parents aussi attentifs et qui adorent discuter, mon malaise n'est pas passé inaperçu...
-"Vas-y, je t'écoute " reprit-il en s'asseyant sur le lit sa tasse de café à la main.
...
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