CHAPITRE LVI

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-"Diego, Diego, tu te lèves, il est déjà 10 h !"

Marie frappe à la porte de ma chambre et l'entrouvre doucement. Je grommelle une réponse polie en pestant intérieurement que ce ne sont pas des vacances si on ne peut pas faire une vraie grasse matinée et finalement, les yeux encore lourds de sommeil, je quitte la douce chaleur de la couette.

Cela fait quatre jour déjà que je suis là. Stéphane et Sébastien sont partis hier soir puisque Sébastien travaille aujourd'hui et Stéphane reviendra me chercher jeudi car Edouard et Marie descendent voir des amis en Provence le lendemain.

Je file prendre ma douche parce que je sais que si je ne suis pas en bas dans dix minutes, Marie va remonter. Je m'entends bien avec elle et elle me couve presque trop parce que je suis son seul petit fils ; c' est la seule grand-mère qui me reste puisque les parents de Stéphane sont décédés depuis longtemps déjà, je ne les ai pas connus.

Marie, c'est la reine de la maison alors qu' Edouard, son royaume c'est dehors : le jardin mais surtout la mer, la côte. Il passe son temps dehors et l'hiver ou les pluies automnales le freinent à peine.

-"Enfin, je finissais par croire qu'on ne te verrai pas avant midi !

-"Oh tu exagères Mamie, il est tôt pour moi, du moins quand je suis en vacances.

-"Oui je sais, Sébastien était comme toi à ton âge !

-"Oh il n'a pas changé, quand il peut, il aime bien faire la grasse matinée.

-"Oui je m'en doute ! Alors qu'est-ce que tu vas faire aujourd'hui ?

-"Ben normalement si Papy n'a pas perdu patience, on va aller à la pêche !

-"Alors il faudra que vous attendiez cet après midi parce que la marée basse est à 15 heures !

-"Ah d'accord... alors tu vois, tu aurais pu me laisser dormir un peu !

-"Allez, prends ton petit déjeuner sinon tu ne mangeras rien ce midi. Et au fait, ton téléphone, n'arrête pas de faire du bruit depuis tout à l'heure."

...

-"Salut Boris ! J'ai vu que tu m'avais appelé...

-"Salut Diego, ouais je venais aux nouvelles...

-"Pour samedi ?

-"Ben oui ! T'as avancé ?

-"Heu oui... mais en fait c'est la cata...

-"Attends ! Stade 2 ou pas ?

-"Stade 2...

-"Yawlé, bien joué Diego ! Alors, c'est quoi le problème ?

-"Ca s'est passé comme tu l'avais dit, c'était parfait et je me suis retrouvé en train de lui caresser les seins, je les ai même embrassés...

-"Ben alors, il est où le problème ?

-"Je... heu je sais pas si j'ai envie d'en parler...

-"Attends Diego, t'es mon meilleur copain. Si t'as un problème faut me le dire, c'est à ça que ça sert un copain !

-"Heu oui merci mais franchement... j'ai honte...

-"T'as honte ? Qu'est-ce que t'as fait pour avoir honte ?

-"Je bandais pas ! J'étais pas excité, rien ! J'avais qu'une envie, c'était de me barrer !

-"Hein ?

-" ...

-"Diego ? Diego, tu es là ? Dieg..."

J'ai raccroché incapable de faire face à mes émotions et je me suis écroulé en pleurs sur le lit. J'ai entendu mon téléphone sonner et je l'ai laissé crier dans le vide.

'Putain, j'aurai jamais du lui dire ça !'

...

'Putain, qu'est-ce que je vais faire ?'

'J'en ai marre de tout ce qui m'arrive, j'en ai marre !'

...

-"Ca va, Diego ?

-"Oui ça va ...

-"Tu as l'air préoccupé, tu as des soucis ?

-"Non non, tout va bien ...

Edouard me lance un regard dubitatif mais ne rajoute rien et on n'entend plus que le bruit du moteur de la Laguna pendant quelques minutes. Je regarde la mer par la vitre de ma portière, elle est basse et la côte est découverte. Le ciel est encombré par des nuages gris mais il n'y a pas trop de vent, s'il ne se met pas à pleuvoir, c'est un bon temps pour la pêche.

Nous sommes allés vers la pointe de Er Hourèl sur la plage de St Pierre au bout de la presqu'île. Edouard connait bien les coins à pêche et il aime me les faire découvrir. Quoi qu'en dise Edouard, il y a du vent ici, vent d'ouest bien sûr et je referme le vieux ciré jaune dont il m'a équipé. On a presque la plage pour nous tous seuls, j'aperçois seulement un autre pêcheur au loin.

Chaussés de nos grandes bottes vertes, munis de nos crochets, couteaux, gants et paniers nous arpentons la grève, soulevons le goémon et les algues, sondons les trous d'eau, griffons le rebord des rochers. La pêche, c'est une activité solitaire même quand on la pratique en groupe. On observe le terrain, on s'approche, et quand on a choisi le lieu qui parait propice, on va vérifier si notre intuition était bonne. 'Tiens, ce serait bien un coin à étrilles ici ?'ou encore 'je verrai bien des huîtres dans cet abri'. En tous les cas, c'est comme ça que raisonne Edouard. Moi, je ne m'y connais pas assez et j'y vais plus à l'aveuglette mais j'ai un peu d'expérience tout de même depuis le temps que je viens à Locmariaquer.

Edouard a certainement compris que j'ai besoin d'être seul parce qu'il ne me parle pas. Nous sommes à quelques mètres l'un de l'autre, parfois assez proches pour pouvoir échanger quelques mots, quelques fois à une vingtaine de mètres mais jamais plus loin et je sais qu'Edouard y veille.

De temps en temps, il ramène quelque chose de dessous un rocher, je crois qu'il connait tous les rochers de la presqu'île ! Il me le montre en souriant et je fais un signe de la main pour montrer que j'ai vu. J'ai trouvé une douzaine d' huîtres sauvages et deux poignées de moules aussi, assez grosses, mais pas vraiment grand chose. Je commence à avoir froid aux pieds, les bottes sont imperméables bien sûr mais c'est difficile d'éviter de prendre de l'eau dedans ou alors c'est qu'on est resté sur la plage !

-"Didi, je crois qu'on va rentrer, la mer remonte et il ne va pas tarder à pleuvoir." dit Edouard qui s'était rapproché de moi sans que je m'en aperçoive.

-"D"accord, je termine ce trou et j'arrive...

-"T'as eu quelque chose ?

-"Ah j'ai une étrille !" en remontant triomphalement mon bras de l'eau.

-"Super, elle est belle ! Avec celles que j'ai, Marie nous fera une bonne soupe...

-"Sinon pas grand chose, et toi ?

-"Deux beaux dormeurs et un moyen et quelques étrilles... ce n'est pas vraiment la bonne période...

-"Non, mais ça se mangera quand même bien !

-"Oui, je savais que ça te ferait plaisir de manger du crabe !

-"Avec la bonne mayonnaise de Mamie !

-"Allez, on rentre !"

On est remonté lentement vers le grand parking vide. Je sentais que ça m'avait fait du bien et Edouard a du le sentir lui aussi.

-"Ca va mieux ?

-"Oui, ça m'a un peu vidé la tête...

-"Tu t'es disputé avec ta copine ?

-"Heu oui quelque chose comme ça...

-"C'est pas grave, ça passera tu verras !

-"Oui surement...

-"Aller crois moi, les histoires de cœur paraissent toujours inguérissables sur le moment alors qu'un mois plus tard on en sourit et des années après on en rit ou on ne s'en souvient plus !"

Je n'ai rien répondu, il me regardait en souriant ; je sais qu'il cherchait à m'apaiser et à me redonner confiance.

C'est sa façon à lui de me montrer qu'il m'aime et à ce moment là il n'y avait rien d'autre qui comptait...

...

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