CHAPITRE LXXX

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Le vent froid me fait frissonner alors que je traverse la cour entre les deux bâtiments accompagné par le surveillant.

-"Heu excuse-moi, tu sais pourquoi le proviseur veut me voir ?

-"Non pas du tout. On a juste reçu un appel de son secrétariat nous demandant d'aller te chercher immédiatement.

-"D'accord..."

'Je me demande ce qu'il me veut...'

Le surveillant m'a accompagné jusqu'au bureau du proviseur et est allé prévenir la secrétaire que j'étais arrivé, puis il m'a laissé en me faisant un petit sourire d'encouragement.

' C'est peut-être pour le projet ? Mais dans ce cas-là, Matthys serait là, lui aussi ...'

J'ai attendu quelques minutes sur ma chaise et puis la porte s'est ouverte et j'ai vu monsieur Lefoll, le proviseur sortir et s'approcher de moi.

-"Diego ?

-"Heu oui, bonjour monsieur le Proviseur.

-"Bonjour. Entre, je t'en prie."

Je l'ai suivi dans son bureau et il m'a fait signe de m'asseoir.

-"J'ai de mauvaises nouvelles, je suis désolé...

-"Ah..."

-"J'ai reçu un coup de fil de mon collègue du lycée Malherbes, ton père a eu un accident après ses cours. Il a fait une chute de vélo et a perdu connaissance. Le SAMU est intervenu et il a été transporté à l'hôpital.

-"Oh non !"

J'ai poussé un cri et je me suis effondré en pleurs.

-"Je suis désolé..."

J'avoue que pendant quelques minutes, je n'ai pas été capable de parler et puis j'ai relevé la tête et à travers les larmes qui me brouillaient la vue, j'ai aperçu le proviseur qui me regardait avec compassion.

-"Il n'est pas mort ?

-"Non non, mais il avait perdu connaissance et le SAMU l'a pris en charge très vite ; c'est tout ce que j'ai comme information... heu est-ce qu'il y a quelqu'un que l'on pourrait prévenir pour venir te chercher ?

-"Oui, Sébastien ! Heu Monsieur Sébastien Lesquer, c'est... heu c'est le compagnon de mon père...

-"D'accord, très bien."

Je lui ai donné son numéro de téléphone et le proviseur l'a appelé immédiatement puis il a raccroché.

-"Il arrive le plus vite possible. Tu vas patienter dans la salle d'attente et moi pendant ce temps je vais rappeler le lycée Malherbes pour voir s'ils ont des nouvelles, d'accord ?

-"Oui entendu, merci...

-"Je t'en prie c'est le moins que je puisse faire. Allez courage, je suis sûr que ce n'est pas trop grave.

-"J'espère aussi ! Merci..."

...

Je suis resté un long moment seul dans cette petite pièce ; des murs gris pâle, quatre chaises noires, une table basse avec des brochures à l'en-tête du lycée et une plante verte. Un lieu plutôt impersonnel fait pour des parents ou des élèves convoqués, un lieu où l'on réfléchit avant d'être reçu, où l'on se pose des questions sur son avenir...

'Et nous, qu'est-ce qu'on va devenir ? Oh mon Dieu, faites que ce ne soit pas grave !'

Les larmes coulent le long de mes joues ; je suis seul aussi je ne fais rien pour les arrêter. Faut-il être plongé dans le malheur, être accablé par la douleur pour se rendre compte du bonheur d'avant ?

J'ai mal, physiquement mal ; mon corps souffre et ma tête explose à chaque instant sous le coup de mille pensées désordonnées. Je pense à ce que m'a dit le proviseur "Il a perdu connaissance, il a été transporté à l'hôpital..."

Je me refuse à formuler à voix haute cette pensée qui me déchire l'esprit et qui me paralyse.

'Est-ce qu'il est mort ?'

...

La secrétaire du proviseur est venue deux fois me voir pour m'apporter des mouchoirs en papier puis de l'eau. Je l'ai remerciée et je sais que ma mine défaite et mes yeux rougis lui ont montré mon abattement. Elle m'a souri tristement et a murmuré quelques mots d'encouragement avant de refermer la porte et de me laisser à mon désespoir...

J'ai entendu la sonnerie de quatre heures retentir et j'ai pensé à mes camarades en cours d'allemand qui devaient se demander pourquoi je n'étais pas revenu.

'Merde mes affaires !'

'Pffou de toute façon, ce n'est pas grave, Léa va sûrement les prendre et puis franchement je n'en ai rien à faire...'

Sébastien est arrivé juste après. Il a ouvert la porte et s'est précipité vers moi et moi, j'ai bondi de ma chaise et je me suis réfugié dans ses bras en sanglotant. Il m'a embrassé sur la tempe et a caressé mes cheveux doucement.

-"Ca va aller Didi, ça va aller...

-"Oh Séb !

-"Allez accroche-toi, ça va aller."

Le proviseur est entré à son tour et nous nous sommes séparés. Il nous a répété ce qu'il m'avait dit et a précisé que Stéphane avait été conduit au CHU. L'accident a eu lieu sur le boulevard proche du lycée. Selon des élèves qui ont vu la scène, une voiture aurait frôlé Stéphane qui a fait un écart et sa roue a dérapé, provoquant sa chute. Sa tête a alors heurtée le rebord du trottoir et le casque qu'il portait a volé sur la chaussée. Il n'a pas dit grand chose mais son regard plein de compassion m'a touché. Nous avons pris congé et, presque en courant, nous avons quitté le lycée pour nous diriger vers la voiture de Sébastien.

-"J'ai appelé les urgences mais ils ne donnent aucune information, il faut qu'on aille là-bas.

-"Oui, on y va !

-"Ca va être long et... difficile...

-"Je viens avec toi, je veux pas rester tout seul !

-"Oui d'accord, alors on y va !"

On n'a presque pas parlé pendant le trajet, chacun perdu dans ses sombres pensées.

-"Il m'avait dit que l'attache de son casque ne fonctionnait plus..." finis-je par déclarer.

-"Oui je sais, il devait aller en acheter un nouveau..."

A cette heure, Nantes commence à être encombrée mais pas trop encore ; la sortie des bureaux ce sera dans une heure et cela deviendra infernal ! Le CHU est en plein centre-ville, en fait tout près de la piscine et j'ai pensé que normalement à cette heure je devrai être dans le tram ou dans la voiture de la mère de Thibaud, insouciant et heureux...

Comme la vie peut vite basculer ! Le malheur frappe sans que l'on y soit préparé et vous arrache à votre vie banale pour vous plonger dans la tristesse et le chagrin ...

Malgré moi j'ai senti les larmes couler sur mes joues, j'ai bloqué ma respiration et je me suis interdit de renifler... j'ai essayé de ne pas montrer que je pleurais pour ne pas ajouter à la peine et au désarroi de Sébastien...

...

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