CHAPITRE XCIX
Chloé semblait vraiment vouloir que je lui montre comment je dansais ce qui m'a paru difficile à comprendre parce que, comme je n'ai pas l'habitude de danser, cela se résume à quelque chose de minimaliste ; une série de petits pas accompagnés d'un déhanchement lent bref, rien de très élaboré. Mais à ma grande surprise, elle a commencé à copier mes mouvements et c'était très amusant. Nous avons dansé quelques minutes l'un en face de l'autre avant qu'une de ses amies vienne lui parler dans l'oreille. Elle s'est interrompue et s'est tournée vers moi.
-"Merci Diego, j'ai encore des progrès à faire mais je crois que j'ai compris quelques trucs. Il faut que j'y aille, il y a un souci en cuisine !
-"Heu de rien franchement...
-"A plus tard !" reprend-elle avec un grand sourire avant de disparaitre.
J'ai continué quelques minutes sur la musique de Le Freak de Chic, grand classique que Sébastien écoute souvent le samedi matin, et puis je suis retourné me chercher un verre de jus d'orange. J'ai regardé si je voyais Chloé mais elle n'était plus là alors je me suis rapproché de l'angle du salon pour voir si Thibaud était toujours là-bas avec Jérémy...
En fait, je crois avoir compris pourquoi Chloé les a présentés et j'avoue que je ressens une sorte de malaise qui m'a étreint depuis cet instant même si j'ai essayé d'en faire abstraction tout le temps que Chloé est restée danser avec moi. La piste de danse est dans le salon qui est une très grande pièce dont les meubles ont été enlevés et dans la pièce d'angle, un peu à l'écart, on retrouve deux canapés, des fauteuils et des chaises qui permettent aux invités de se reposer et de discuter tout en grignotant ou en buvant un verre.
D'un air que je voudrais dégagé, je sors de la pièce principale et je me dirige vers le fond de l'autre pièce, mon verre à la main. Il y a moins de monde ici, la plupart des convives étant sur la piste et j'aperçois tout de suite Thibaud et Jérémy, un peu à l'écart au fond de la pièce. Ils sont assis sur deux chaises, Jérémy face à moi et Thibaud très proche de lui. Ils ont l'air d'être dans une bulle et de ne pas se préoccuper de ce qui se passe autour d'eux ; ils se parlent, se regardent et je commence à comprendre que mon intuition était la bonne.
'J'en étais sûr !'
Je ne sais pas pourquoi mais j'ai ressenti quelque chose de fort qui m'a traversé le corps, comme un coup de poignard dans la poitrine qui a provoqué une douleur aigüe à tel point que j'ai fermé les yeux et que je me suis détourné. Je ne savais pas quoi faire alors, machinalement, j'ai avalé mon jus d'orange et j'ai battu en retraite.
'Finalement, c'est peut-être mieux comme ça...'
J'ai essayé tant bien que mal d'afficher un sourire sur mon visage et groggy, j'ai décidé de retourner dans l'autre pièce. Mais avant de partir, j'ai jeté un dernier coup d'œil et j'ai vu que Dylan avait posé sa main sur l'épaule de Thibaud et lui caressait doucement le haut du dos. Ca m'a secoué de les voir ainsi, si proches, si complices.
'Ils ne se connaissent depuis même pas une demi-heure et ils sont déjà en train de... se caresser !'
Je ne sais pas pourquoi je réagis de la sorte mais je constate que c'est violent. Je devrais être heureux pour Thibaud, il mérite de rencontrer quelqu'un, mais je n'y arrive pas. Bien au contraire, je suis amer.
Avant qu'ils ne me remarquent, je quitte précipitamment la pièce et cherche un lieu pour me réfugier au calme.
'Pas à l'étage, donc en bas, mais où ?'
En essayant de garder une certaine contenance, je retourne me servir à boire tout en étudiant les possibilités avant de conclure qu'en ressortant je pourrai peut-être aller dans le garage.
-"Ca va Diego ?" m'interpelle Nicolas.
-" Heu oui, très bien... super fête !
-"Thibaud n'est pas avec toi ?
-"Heu non il discute dans le coin salon. J'ai un peu chaud, je vais prendre l'air quelques minutes."
Nicolas m'a souri et s'est servi un verre. Comme les fumeurs, je me suis éclipsé dans le jardin par la porte fenêtre du salon et j'ai longé le mur jusqu'à trouver une porte ; elle n'était pas fermée à clé et je me suis glissé dans une pièce obscure.
'C'est bien le garage !'
A tâtons, j'ai fini par trouver un interrupteur, j'ai allumé la lumière et après avoir exploré les lieux, je me suis finalement assis sur un petit escabeau près de la machine à laver.
'Au moins ici, je serai tranquille !'
Je ne me sens pas bien, j'ai la tête qui me tourne un peu et surtout je suis triste au point que j'ai envie de pleurer. Je me sens seul, abandonné et complètement démoralisé.
'Qu'est-ce qu'il m'arrive ?'
Je sais très bien que c'est en rapport avec l'arrivée de ce Jérémy, de la demande implicite mais forte de Chloé que je le laisse seul avec Thibaud, de leur complicité et du fait de l'avoir vu passer sa main dans le dos de Thibaud.
'Et Thibaud qui ne disait rien ! Il devait aimer ça !'
Je sens des larmes couler le long de mes joues et rapidement je suis gagné par un accès de désespoir. Je pleure sans retenue, à gros bouillon. Je pleure sur ce qui m'arrive et je mélange tout dans ma tête, Thibaud, Stéphane, tous mes malheurs et toutes mes peurs...
Je ne sais pas combien de temps je suis resté prostré, j'ai perdu la notion du temps. S'il n'avait tenu qu'à moi, je serais parti depuis longtemps mais c'est la mère de Thibaud qui doit nous ramener après la fête et puis je ne veux pas interrompre et gâcher la soirée de Sébastien donc j'attends tout simplement que le temps passe et que cette soirée cauchemardesque se termine...
...
J'ai éternué plusieurs fois et j'ai froid maintenant et vraiment mal à la tête. Je voudrai m'allonger dans mon lit et oublier tout ça. Je frissonne désagréablement, j'ai enlevé ma perruque parce qu'elle me grattait et je dois ressembler à un clown triste...
Soudain une porte s'ouvre et la musique envahit la pièce.
-"Diego ? Diego, tu es là ?"
C'est Nicolas, je reconnais sa voix.
-"Diego s'il te plaît, réponds !"
Cette fois, je reconnais la voix de Thibaud et je me mets à paniquer.
'Qu'est-ce que je vais lui dire ?'
-"Diego ! Qu'est-ce que tu fais là ? On t'a cherché partout !"s'exclame Nicolas que je sens un peu énervé.
Je tourne la tête dans leur direction, très gêné.
-"Oh tu as pleuré ! Diego, qu'est-ce qui ne va pas ?" s'écrie Thibaud en se précipitant vers moi.
-"Heu je vais vous laisser. Je suis juste à côté si vous avez besoin de moi." dit Nicolas en se retirant lentement.
-"Heu je m'excuse Thibaud, j'ai eu un gros coup de cafard et...
-"Oh Diego, je suis désolé, je t'ai laissé tout seul. Tu aurais dû venir me le dire et on serait rentré.
-"Je voulais pas vous déranger, Jérémy et toi, vous aviez l'air de très bien vous entendre...
-"Oui, il est sympa. Tu sais qu'il est gay lui aussi ?
-"Oui, j'avais bien compris. Surtout quand j'ai vu sa main qui te caressait le dos...
-"Oh mais non, je lui ai raconté mon histoire et il me réconfortait, c'est tout.
-"Les gars, venez vous mettre au chaud et il est presque minuit, on va faire le décompte. Dépêchez-vous !" s'exclame Chloé du pas de la porte
-"Hein ? Heu oui, on arrive..." reprend Thibaud en m'interrogeant du regard.
Je hoche la tête et essaye de lui sourire.
-"Allez viens, on va oublier tout ça ! Il faut pas que tu penses à Stéphane ce soir, il faut oublier tes malheurs un instant et que toi aussi tu t'amuses !
-"Oui, je sais mais...
-"Je sais, c'est pas facile mais on va tout oublier et s'amuser, tous les deux, comme tout à l'heure sur la piste. D'accord ?
-"D'accord..."
...
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