Je n'ai pas pu aller voir Stéphane à l'hôpital parce que j'étais enrhumé et il ne faut pas apporter de germes qui pourraient détériorer l'état de santé des personnes hospitalisées. J'ai donc pris mon mal en patience et on a trouvé un système avec Sébastien qui m'a tout de même permis de lui souhaiter la bonne année. Quand Sébastien fut sur place après sa journée de travail, il m'a appelé et ensuite a enclenché le haut-parleur ; c'est évidemment un pis-aller mais au moins cela m'a permis d'être un peu avec lui et de lui montrer que je ne l'oublie pas.

Je n'ai pas fait grand-chose de la fin de la semaine ; j'ai décliné la proposition d'aller au bowling avec Boris, Corentin et Théo, mon rhume m'ayant mis KO pendant plusieurs jours. Thibaud, lui, avait son stage de natation, il n'y a pas de répit pour les sportifs ! Nous nous sommes appelés plusieurs fois mais finalement sans nous voir.

Bien sûr, j'ai travaillé parce que le deuxième trimestre est déjà commencé et si je veux avoir d'aussi bons résultats qu'au premier, je dois être sérieux mais je ne ressens pas les devoirs comme une corvée, surtout en ce moment, c'est plus un bon moyen de me changer les idées et de ne pas trop "gamberger".

Bref, contrairement je pense à tous mes amis et camarades de classe, j'étais plutôt content de reprendre le chemin du lycée ce lundi 7 janvier. Léa était déjà là quand je suis arrivé ; elle prend le car et tous les jours, comme elle le dit, elle fait l'ouverture ! On a discuté de nos vacances, de nos cadeaux et puis bien sûr elle m'a demandé des nouvelles de l'état de santé de Stéphane.

-"Pas de changement malheureusement ; son état est stable...

-"Oh d' accord mais pas de changement, ça veut dire aussi pas d'aggravation !

-'Oui, tu as raison ; c'est ce qu'on se dit mais c'est dur et pas encourageant...

-"Comment ça se passe quand quelqu'un sort du coma ? C'est progressif ou du jour au lendemain, il peut se réveiller d'un seul coup ?

-"En fait, tous les cas existent mais le plus souvent c'est progressif ; c'est pas comme dans les films où les malades se réveillent et se mettent à parler comme s'il ne s'était rien passé !

-"Oui bien sûr... tu tiens le coup ?

-"J'essaye, mais de temps en temps j'ai de gros coups de blues...

-"C'est normal et si tu craques, c'est pas grave, tout le monde le comprendra.

-"Oui, je sais, merci..."

Je n'ai pas fait de "communiqué officiel" à la classe. Je sais que Léa expliquera tout ça aux délégués qui eux-mêmes en parleront aux élèves qui souhaitent prendre des nouvelles.

Les cours ont repris, normalement, après une petite formule sympa des profs pour nous souhaiter une bonne année 2013. J'ai senti plusieurs fois leur regard se porter vers moi à ce moment là et j'ai essayé de sourire stoïquement en dépit de l'émotion qui m'étreignait. J'ai senti le regard bienveillant de mes camarades posé sur moi et cela m'a touché mais j'ai essayé de ne rien montrer pour justement ne pas m'effondrer dès le premier jour.

En dernière heure de la matinée, on a eu un devoir en Histoire et ça a remis toute la classe dans la routine de l'école. J'avais bien révisé mes chapitres et je pense l'avoir réussi, c'est déjà ça !

L'après midi, en allemand, j'ai retrouvé Boris au premier rang et Monsieur Zeiger a pris longuement la parole pour nous parler du voyage à Sarrebruck.

-"Bien, nous arrivons dans la dernière ligne droite, le départ se fera le mercredi 13 février, c'est-à- dire la dernière semaine avant les vacances de février donc tout va aller très vite à partir de maintenant. Nous allons faire une dernière réunion de préparation jeudi 24 janvier. A quelques exceptions près, tout le monde a rendu les papiers (autorisation de sortie du territoire, paiement, autorisations en cas de problème médical). L'objet de la réunion sera plus de répondre aux questions pratiques que peuvent se poser les parents et puis aussi de revenir sur le programme qui a été presque entièrement finalisé.

-"Monsieur, vous savez avec qui on sera dans les familles ?

-"Non pas encore, nous ferons la répartition au dernier moment mais si vous le souhaitez vous pourrez nous dire avec qui vous souhaitez être et on essaiera de répondre à vos vœux. Mais pas de certitude d'accord ? Et bien sûr pas de mixité !"

Il y a eu des rires qui se sont élevés dans la classe, suivi d'un petit brouhaha car c'est évidemment un point sensible pour chaque élève qui espère se rassurer face à cet environnement nouveau auquel il devra faire face, en partageant son gîte avec quelqu'un de proche.

-"Heu, tu veux bien te mettre avec moi ?" me glisse discrètement Boris.

-"Heu je sais pas...

-"Ah... tu préfères être avec Thibaud ?

-"Heu non c'est pas ça...

-"C'est quoi alors ?

-"Je ne sais pas si je vais y aller...

-"Oh... à cause de ton père ?

-"Oui. Je pense qu'il vaut mieux que tu demandes à quelqu'un d'autre, c'est plus sûr...

-"OK... j'espère que tu viendras...

-"Oui, peut-être... on verra..."

A la fin de l'heure Monsieur Zeiger m'a demandé de rester.

-"Merci Diego. Je voulais prendre des nouvelles de ton père et puis savoir si tu comptes tout de même venir, j'aimerais bien que tu viennes !

-"Ah oui... en ce qui concerne mon père, son état est inchangé, il est toujours dans le coma et justement je ne sais pas ce que je vais faire... mais même si je ne viens pas, on ne va pas demander le remboursement de ce qu'on a payé, ne vous inquiétez pas. C'est juste que s'il se passe quelque chose pendant qu'on est à Sarrebruck... vous comprenez...

-"Oui bien sûr, je comprends tes réserves ; ce n'est pas facile de partir dans ces circonstances mais cela te ferait du bien et on peut trouver une solution pour que tu puisses revenir en urgence comme une assurance rapatriement ou alors un accompagnateur qui prendrait le train avec toi. Tu sais, en quelques heures tu serais de retour à Nantes !

-"Ah oui, c'est une bonne idée, heu je vais en discuter avec... avec ma famille...

-"Oui bien sûr. Vous y réfléchissez et on en reparle jeudi avant ou après la réunion ?

-"D'accord. Merci Monsieur, bonne fin de journée.

-"Merci, à toi aussi Diego !"

...

J'avais prévenu Thibaud que je n'irai pas nager ce soir, j'étais encore un peu enrhumé et je ne voulais pas prendre le risque de reprendre froid ce qui m'aurait obligé à repousser encore ma visite à l'hôpital. Je suis donc rentré tranquillement à la maison mais en partant je suis passé à l'administration pour prendre rendez-vous avec le proviseur. Sa secrétaire m'a reconnu et m'a gentiment salué.

-"Bonjour Diego, que puis-je faire pour toi ?

-"Bonjour madame, je voudrais prendre rendez-vous avec Monsieur Lefoll.

-"Oui bien sûr, à quel sujet ?

-"Heu... il y a plusieurs choses mais vous pouvez noter projet du Geography Club.

-"D'accord. Il n'est pas là et il a pris son agenda mais dès son retour, je regarde ses disponibilités. Cette semaine ce sera difficile mais la semaine prochaine, on trouvera un créneau. Je te fais tenir au courant par l'intermédiaire des CPE ?

-"D'accord, merci beaucoup. Bonne fin de journée !

-"Bonne fin de journée à toi aussi, Diego !"

En sortant du lycée, j'ai vu deux élèves qui s'embrassaient près de la grille. Il n'y avait personne, ils étaient seuls ou presque. Ils étaient assis sur un banc et se sont interrompus alors que je m'approchais d'eux mon vélo à la main. J'ai pressé le pas pour ne pas les importuner trop longtemps. Le garçon, un première, m'a souri, je crois qu'il était fier de s'afficher.

'En tous les cas, c'est clair que ça ne me manque pas !'

De toute façon, en ce moment, je n'ai ni le temps, ni le cœur à tout ça, j'ai d'autres choses auxquelles penser !

Par contre, compte tenu de tout ce qui s'est passé récemment, je sais qu'il faudra que j'y pense très sérieusement...

'Dès que Stéphane ira mieux !'

Procrastination, quand tu nous tiens !

...