CHAPITRE CXLIX

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Après cette entrevue, pas très agréable, j'ai regagné le hall et je suis allé au bureau des éducateurs. J'ai appris que j'étais consigné au rez-de-chaussée dans la salle de travail numéro 3 jusqu'à l'heure du repas et jusqu'à nouvel ordre.

-"Heu non, je ne veux pas y aller, est-ce que je ne pourrai pas plutôt travailler ici ?

-"Pourquoi ? Elle est très bien cette salle !

-"Oui, et il n'y a jamais personne comme ça quand Kevin et Karim me tomberont dessus, ils seront tranquilles...

-"Quoi ?"

J'ai donc expliqué à Régis et Magali, les deux éducateurs, ce que m'avait dit Jimmy, à savoir qu'il ne fallait jamais traîner seul dans une des petites salles. Ils ont paru surpris mais finalement ils m'ont permis de rester travailler dans leur bureau. Il y a quatre postes informatiques donc, j'ai pu m'installer sans les déranger.

J'ai commencé par envoyer des messages à Sébastien, Thibaud et David, notre avocat, pour leur expliquer que la directrice ne s'opposerait pas à mon départ en Allemagne. Puis j'ai envoyé un message à Léa pour la prévenir que je ne serai pas en cours demain matin mais qu'il n'y avait pas de problème et lui demandant une nouvelle fois de prévenir madame Faure.

'Bon, ça c'est fait, maintenant au boulot !'

Le conseil de classe du 2ème trimestre aura lieu à la rentrée des vacances et je crois que plusieurs profs se sont subitement rendu compte qu'on partait dans deux jours donc les devoirs pleuvent, un demain après-midi, et deux mercredi matin !

J'ai photocopié les cours de Léa de la fin de semaine dernière et j'ai donc du travail pour les comprendre, refaire les exercices en maths et en physique et puis apprendre tout le vocabulaire en allemand et en anglais. En allemand, monsieur Zeiger nous a donné une liste de plus de cent mots et expressions à connaître sur le bout des doigts pour pouvoir bien nous débrouiller à Sarrebruck. Je sais que j'en connais la plupart mais j'ai envie d'encore m'améliorer. J'ai décidé de garder ça pour le soir, juste avant de me coucher comme cela je vais bien les mémoriser.

J'étais en train de terminer la préparation de mon interro de maths, quand Jimmy est arrivé.

-"Salut Régis, tu sais si Diego est revenu ?

-"Oui, regarde qui est là !

-"Oh génial, salut Diego !

-"Salut Jimmy, on dirait que je t'ai manqué ?

-"Ha ha c'est bon j'ai survécu mais heu je suis content de voir que t'es rentré... heu je peux te parler ?"

J'ai jeté un œil vers Régis qui m'a fait signe que oui.

-"Cinq minutes. Tu restes devant le bureau pour que je te voie..."

Jimmy m'a demandé comment s'était passé mon voyage et je lui ai raconté quelques anecdotes, mon téléphone volé, ma nuit dans la cave de l'immeuble...

-"Et toi, avec Clarisse ?

-"Heu c'est justement pour ça que je voulais te voir... mais pas seulement, je te jure...

-"Oui d'accord, j'ai compris... vas-y, qu'est-ce qu'il faut que je fasse ?

-"Ben voilà, elle a un devoir de maths mercredi sur le théorème de Thalès, tu pourrais nous expliquer ?

-"A toi aussi ?

-"Heu oui si ça te dérange pas...

-"Non, pas de problème mais plutôt demain parce que ce soir, j'ai plein de boulot, et après le repas parce que je suis consigné...

-"OK super, merci Diego !"

Mathéo et Maxime sont venus me saluer et j'ai discuté un peu avant que Régis ne me rappelle à l'ordre et que je doive rentrer dans le bureau.

-"A plus les gars, je suis puni..."

...

Ce matin, j'ai fait une demi grasse matinée. Je me suis levé juste avant la fin du service du petit déjeuner puisque je ne vais pas au lycée. J'étais le seul jeune et j'ai pris mon petit déjeuner avec les éducateurs mais je me suis assis à une autre table. Régis m'a dit de me tenir prêt pour 9 heures et je suis remonté me préparer.

J'étais en train de refaire un exercice sur les fonctions, déterminer le sens de variation, en faire la représentation graphique, franchement, je ne trouve pas ça bien compliqué donc je ne stresse pas pour le devoir de cet après-midi, quand j'ai entendu du bruit derrière moi.

-"Diego, voici monsieur Goulard et madame Krepinski des services sociaux..." entends-je soudain dans mon dos.

Je me suis retourné et j'ai vu un homme aux cheveux gris et une jeune femme qui accompagnaient la directrice.

-"Ah oui, bonjour..."

Nous nous sommes installés dans une des petites salles de travail.

-"Bien, tu sais que nous sommes là dans le cadre d'une enquête diligentée par le juge Le Dreff donc nous avons beaucoup de questions à te poser." commence le plus expérimenté.

-"Il est important de nous dire la vérité et de ne pas essayer d'embellir la réalité ou de nous cacher des choses. Nous savons que rien n'est parfait et tu peux nous parler de tout sans crainte et sans jugement de notre part."

-"De votre part peut-être pas mais de la part du juge, oui !

-"Heu oui bien sûr... c'est à partir de tous les éléments recueillis que le juge prendra sa décision." reprend l'homme très cordialement.

-"Vous êtes homophobes, vous aussi ?

-"Pardon ?

-"Mais enfin, qu'est-ce que c'est que cette question ?

-"Oh c'est parce que la seule personne avec qui j'ai été en contact qui travaille dans votre domaine est l'assistante sociale de mon lycée et elle est homophobe donc je me demandais..."

Je crois que le mot qui qualifie le mieux leur réaction est choqués ou plutôt indignés et le début de l'entretien n'a certainement pas pris le tour habituel qu'ils devaient attendre. Pour ma part, j'étais assez satisfait de les avoir déstabilisés et je les ai laissés jurer leurs grands dieux qu'ils n'étaient absolument pas homophobes.

Et en même temps, je crois que c'était indispensable, comme ça ils ont compris exactement ce qui est en jeu.

'C'est ma vie et c'est ma famille !'

Ils m'ont ensuite posé effectivement beaucoup de questions sur mes parents, sur notre vie de famille, sur l'école, mes activités, bref tout ce à quoi je m'attendais. J'ai trouvé qu'ils étaient plutôt agréables, la femme a montré de l'empathie par moment et je ne me suis jamais senti en danger. Ils m'ont paru objectifs ou en tous les cas, leurs questions ou remarques ne m'ont pas semblé biaisées comme cela a été le cas à chaque fois avec Madame Leclerc. Ils connaissaient bien le dossier et je n'étais visiblement pas la première personne qu'ils interrogeaient.

-"La directrice nous a dit que tu avais fait une fugue de plusieurs jours la semaine dernière, peux-tu nous dire quelles en étaient les raisons ?

-"La principale raison est que je voulais parler à quelqu'un d'important pour moi et la seconde c'est que je ne me sens pas en sécurité ici et que j'étais content de pouvoir passer quelques jours sans stress...

-"Qui voulais-tu rencontrer ?

-"Heu je ne répondrai pas à cette question, désolé...

-"Une petite amie ?

-"Non désolé, je préfère ne rien dire..."

Il n'a pas insisté et c'est la femme qui a repris la parole.

-"Qu'est-ce que tu entends par le fait que tu ne te sentes pas en sécurité au foyer ? Tu as été menacé ou battu ?

-"Battu non et je n'ai rien à dire des éducateurs qui sont des personnes très bien mais je ne me sens pas à ma place ici et certains résidents parmi les plus âgés me font peur..."

Là encore, ils ne s'attendaient pas à ça et nous avons parlé de longues minutes des problèmes de vie que l'on pouvait rencontrer dans des lieux comme les foyers. J'étais assez content de moi de les avoir amenés à réfléchir si cet endroit était le meilleur pour moi et j'espère bien que dans leur for intérieur, ils sont arrivés à la même conclusion que moi...

On a terminé vers 11 h 30 et j'étais assez satisfait de l'entretien. Je les ai vus partir vers le bureau des éducateurs et je me suis dit qu'ils allaient prendre des informations auprès de Régis. Cela ne m'inquiète pas, je pense qu'il m'aime bien et puis de toute façon, je ne vois pas ce qu'il pourrait dire contre moi.

J'ai pris mon sac et je suis allé chercher mon vélo. Je suis assez pressé parce que je voudrais voir Stéphane avant d'aller en cours. Je ne l'ai pas vu depuis lundi dernier et je ne le verrai pas pendant plus d'une semaine et j'ai envie de lui raconter tout ce qu'il se passe. Je sais que je pourrai lui parler au téléphone quand Sébastien sera près de lui mais ce n'est pas pareil.

'Et puis, je vais lui dire que j'ai un petit copain !'

Et ça c'est vraiment quelque chose que j'ai envie de partager avec lui !

'Même s'il ne peut pas me répondre...'

...

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