CHAPITRE CLIII
Je n'ai pas vraiment eu conscience de ce qu'il s'était passé. J'ai très vaguement perçu un éclair de lumière puis un second comme quand quelqu'un allume et éteint immédiatement la lumière dans une chambre. J'ai grogné et j'ai tourné la tête. Quelques secondes plus tard, j'ai senti que quelqu'un remettait la couverture qui avait dû tomber et j'ai grommelé un vague merci.
-"Il n'y a pas de quoi !
-"Boris, c'est toi ?
-"Oui, rendors-toi !
-"D'accord..."
Et je me suis rendormi. Le plus difficile quand on voyage en car, c'est de réussir à s'endormir car la position est inconfortable et après par contre quand je suis parti dans ma nuit, je dors !
J'ai eu l'impression qu'il ne s'était passé que quelques minutes quand, à nouveau, la lumière m'a réveillé.
'Qu'est-ce qu'il se passe encore ? Ils peuvent pas nous laisser dormir !'
-"Bonjour à tous ! Nous venons de franchir la frontière allemande et nous allons nous arrêter pour prendre notre petit déjeuner dans une vingtaine de minutes. Nous ferons une pause d'une heure environ."
Des grognements se sont élevés de partout témoignant que je n'étais pas le seul à avoir un peu de mal à me réveiller.
-"Guten Morgen ! Ich hoffe dass ihr gut geschlafen habt. Wir sind gerade in Deutschland angekommen so ich wünsche euch einen guten Früschtück !" Bonjour ! J'espère que vous avez bien dormi. Nous sommes arrivés en Allemagne et je vous souhaite un bon petit déjeuner ! reprend monsieur Zeiger d'une voix alerte.
Ah cela fait bizarre d'entendre de l'allemand au saut du lit, enfin si je puis m'exprimer ainsi ! J'ai souri et un peu par défi et pour plaisanter, je lui ai répondu.
-"Guten Morgen, Herr Zeiger. Vielen Dank !" Bonjour monsieur Zeiger. Merci beaucoup !
Il a rigolé et a répondu.
-"Danke Diego, vielleicht bist du ein bisschen mehr als die anderen aufgeweckt !" Merci Diego,on dirait que tu es un peu mieux réveillé que les autres !
-"Qu'est-ce qu'il a dit ?
-"Rien, rien il te chambrait parce que tu n'étais pas capable de lui dire bonjour !"
Thibaud m'a regardé en ne semblant par comprendre de quoi il s'agissait. Il avait les yeux encore ensommeillés et cela m'a donné envie de l'embrasser tellement il était mignon avec ses cheveux ébouriffés.
Lentement les élèves autour de nous ont émergé de leur sommeil et ont commencé à parler, doucement d'abord et puis rapidement le car a retenti d'un joyeux vacarme.
-"Ca va, bien dormi ?" reprends-je.
-"Oui pas trop mal et toi ?
-"Oh moi j'étais bien puisque j'étais avec toi..."
Thibaud a rougi et cela m'a encore plus donné envie de lui témoigner ce que je ressens pour lui ; j'ai souri et lui ai murmuré.
-"Pas maintenant, espèce de petit cochon lubrique !"
Nous avons éclaté de rire mais je crois qu'il a vu dans mes yeux la même excitation que j'ai perçu dans son regard.
Le car s'est arrêté un quart d'heure plus tard dans une aire d'autoroute et nous nous apprêtions à nous lever quand Léa s'est adressée à nous.
-"Heu faites semblant de ne pas être prêts et laissez passer la troupe, j'ai quelque chose à vous dire, les gars !"
Quelque chose dans sa voix a retenu mon attention mais comme il y avait déjà des élèves debout dans l'allée, l'appel pressant de la vessie sans aucun doute, je n'ai pas pu en savoir plus.
Quand, enfin, le dernier élève est passé devant nous, elle a repris la parole.
-"Il s'est passé un truc bizarre pendant la nuit...
-"C'est-à-dire ? Explique !" lui répond Thibaud.
-"Le car s'était arrêté pour une pause pipi et j'étais descendue. Vous, vous dormiez et il y a quelqu'un qui a pris des photos et je crois que c'était de vous !
-"Ah oui, à un moment j'ai cru voir de la lumière, deux fois !" interviens-je.
-"Oui, c'est ça, ça devait être le flash. J'étais assez loin alors je suis pas sûre mais par contre j'ai vu Boris s'arrêter à votre niveau et se pencher pour faire je ne sais pas quoi et puis il a continué jusqu'à sa place. Quand je suis arrivé, je n'ai rien vu de spécial, vous dormiez comme des bienheureux et Boris était en train de discuter avec quelqu'un. Comme il y avait du monde derrière moi, je me suis rassise et je n'en sais pas plus mais ça m'a paru un peu bizarre..."
Nous nous sommes regardés, inquiets, Thibaud et moi, ne sachant pas quoi lui répondre.
-"Ah oui... heu... bon, on descend et on va au p'tit déj''' ?"
J'ai réussi à parler seul à seul avec Thibaud pendant que nous étions aux toilettes.
-"Je crois qu'il faut qu'on leur dise pour nous...
-"Aux filles ?
-"Oui, sinon on ne pourra pas discuter de cette histoire.
-"Oui d'accord. De toute façon, Marine sait déjà pour moi."
-"Et moi, je fais totalement confiance à Léa !" acquiescé-je content de constater qu'il ne réagissait pas mal à ma suggestion.
-"Tu crois que quelqu'un nous a pris en photo ?
-"Je sais pas... j'irai demander à Boris avant de remonter dans le car..."
Sur nos gardes et un peu inquiet, nous nous sommes dépêchés d'aller rejoindre les filles. Nous avons salué les profs en passant devant leur table avec notre plateau et nous sommes allés nous installer à la table des filles.
-"On a quelque chose à vous dire, Thibaud et moi..."
Elles ont échangé un regard en coin qui m'a convaincu qu'elles avaient déjà tout compris.
-"Alors voilà, Thibaud et moi..."
Je me suis interrompu ne sachant pas exactement comment formuler ça tout à coup. Thibaud était rouge pivoine mais il m'a fait signe de continuer d'un mouvement de tête.
-"Thibaud et moi, on est plus que des amis, en fait, on est amoureux !"
Elles ont crié avant de se reprendre et de murmurer plus discrètement.
-"On en était sûres !
-"Oh c'est génial, félicitations, les gars !"
-"Merci !
-"Oui, merci, mais ça doit rester secret !
-"Tu aurais pu me le dire, Thibaud ! Depuis le temps..." déclare Marine en souriant.
-"Et toi Diego, tu comptais me le dire quand, que ce n'était pas la peine que j'espère ?"
-"T'inquiète pas Thibaud, c'est du Léa tout craché ! Eh bien non, faudra que tu te fasses une raison et que tu restes avec ton copain !" réponds-je en lui faisant un gros clin d'œil.
-"Tant pis, je vais me faire une raison ! reprend-elle faussement déçue.
-"Je suis tellement contente pour vous, les gars ! Ca fait combien de temps ?" intervient Marine
-"Merci Marine ! C'est depuis samedi matin. Quand je pense qu'il y a une semaine, j'étais complètement désespéré... c'est dingue, je n'en reviens pas !" déclare Thibaud.
-"Par contre, pour le secret, ça me parait compromis, regardez ce que je viens de recevoir !"
Léa nous montre alors l'écran de son téléphone. J'aperçois une photo où je nous reconnais sans peine. Nous sommes dans le car, j'ai la tête contre l'épaule de Thibaud qui sourit dans son sommeil et surtout j'aperçois les doigts de nos mains entremêlés. Les doigts de deux amoureux qui dorment paisiblement et ne se doutent pas que leur secret vient d'être mis à nu aux yeux de tous...
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