CHAPITRE CLV
-"Ca va, Thibaud ?
-"Oui, je crois...
-"Tu as peur ?
-"Un peu mais ça va, je sais que tu es là alors ce ne sera pas pareil !
-"Exactement ! Et puis les profs sont au courant...
-"Oui madame Ravier et madame Gourvenec sont venues me parler et je leur ai raconté...
-"Tu as bien fait ! Et qu'est-ce qu'elles ont dit ?
-"Qu'elles ne tolèreraient pas le moindre comportement homophobe et qu'on devait venir les voir s'ils y avaient des élèves qui nous harcelaient...
-"Tu vois, on sera protégé mais je suis sûr qu'on aura pas besoin de tout ça !
-"Pourquoi ?
-"Parce que je pense que dans deux jours, ça paraîtra normal et que plus personne n'y pensera.
-"Oh, tu crois ? Ce serait super...
-"On verra... Ecoute, puisque pour le secret c'est foutu, alors autant qu'on en profite...
-"Comment ça ?"
Je lui ai souri et je l'ai enlacé. Pendant quelques secondes, je l'ai senti tendu n'osant rien faire et puis il s'est relâché et a participé à notre étreinte. Je l'ai embrassé doucement en murmurant de petits mots d'amour et nous avons oublié quelques instants cette nouvelle mésaventure.
Un coup de klaxon nous a fait sursauter, mais non, il ne provenait pas de notre car comme nous l'avons cru mais cela nous a ramené à la réalité.
-"On ferait mieux de retourner au car...
-"Oui, tu as raison et puis d'ailleurs se serait mieux de monter au début plutôt que de sentir le regard de tout le monde si on est dans les derniers...
-"Oui, bien vu !"
J'ai pris sa main et je l'ai tenue fermement dans la mienne. Il m'a jeté un regard surpris mais il n'a pas protesté et nous avons marché vers le car.
Il y avait peut-être la moitié du groupe qui attendait qu'un chauffeur ouvre les portes et j'ai senti les conversations s'interrompre et tous les regards se porter sur nous. C'était impressionnant de voir plus d'une vingtaine de personnes nous dévisager tout d'un coup.
-"Allez, c'est maintenant qu'il faut être costaud. Tête haute et on sourit !
-"Je suis trop crispé pour sourire..."
Je me suis penché vers lui et lui ai déposé un petit baiser sur la joue.
-"Et comme ça, ca va mieux ?
-"Ha ha ha tu parles, moi qui espérais encore passer inaperçu !"
Nous nous sommes rapprochés et tout le monde nous regardait, même les profs mais eux, contrairement aux élèves, ils souriaient. J'ai attendu que nous soyons tout près d'eux et j'ai lâché dans le silence, avec une désinvolture étudiée, la réplique que j'avais préparé dans ma tête.
-"Ah non désolé, ce n'est pas nous qui avons les clés !"
Monsieur Zeiger a éclaté de rire entraînant à sa suite madame Ravier et une partie des élèves.
'Yes, ça a marché !'
L'attention étant en partie détournée, nous en avons profité pour nous rapprocher de Léa et Marine et nous fondre dans le groupe sans donner l'impression de prêter la moindre attention à l'intérêt que nous suscitions...
...
Je n'ai pas senti d'hostilité, plutôt de la surprise et beaucoup de curiosité. Nous avions regagné nos places et tous ceux qui remontaient l'allée nous ont regardés. J'avais dit à Thibaud de s'installer à ma place près de la vitre pour pouvoir mieux faire face à d'éventuelles remarques narquoises ou à des plaisanteries de mauvais goût mais il n'en a rien été. Des regards, oui, des sourires, ironiques, malicieux, bienveillants aussi et quelques commentaires amicaux qui nous ont fait chaud au cœur. Corentin m'a fait un gros clin d'œil et il souriait affectueusement. Il s'est arrêté quelques secondes.
-"Petit cachotier !"
-"Je t'expliquerai...
-"J'espère bien. Heu salut Thibaud, moi c'est Corentin." reprend-il en tendant la main à Thibaud.
-"Salut Corentin ! Il ne faut pas en vouloir à Diego, c'est moi qui voulais que ça reste secret.
-"Il va falloir passer au plan B, alors !
-"Heu oui... c'est sûr !"
Enzo s'est aussi arrêté brièvement pour discuter.
-"Je suis pas gay, mais bravo Diego ! Tu as prouvé à tout le monde que tu as des couilles même si tous les gars de la classe le savaient déjà littéralement depuis la piscine !
-"Ah heu oui..."
-"Et je peux te dire que j'ai envoyé un message plutôt cash à celui qui a balancé la photo !
-"Ah super, merci !
Je crois que c'est un élément fondamental, montrer qu'on a des soutiens et que ceux qui se risqueraient à des comportements homophobes seraient remis à leur place par les autres élèves, voire mis à l'écart du groupe avant d'être sanctionnés par les profs. J'en ai profité pour lui demander s'il pouvait essayer de savoir si c'était un élève de première qui avait posté la photo.
-"Oui, je vais me renseigner.
-"Merci, tu comprends maintenant ici tout le monde sait pour Thibaud et moi, et on fera avec, mais si on pouvait éviter que cette photo circule au lycée...
-"Oh oui, bien sûr..."
Avec les retours indignés, et pour certains sans prendre de gants, je pense que l'auteur de la photo a compris le message et que les risques de dérapage homophobe sont presque écartés.
'Bon, il ne faut pas crier victoire trop vite mais je pense qu'on a réussi à éviter le pire !'
Je regarde Thibaud qui a suivi notre conversation avec attention tandis qu'Enzo regagne sa place à l'arrière.
-"Ca va aller, Thibaud ! Tu vois, on a plein d'amis qui vont nous aider !
-"Oui... merci Diego, heureusement que tu es là !
-"Mais non, c'est plus une question d'âge, les lycéens sont quand même plus mûrs...
-"Espérons-le !"
Je me suis tourné vers l'avant du car en entendant la voix de monsieur Zeiger retentir et j'ai aperçu Bérangère qui regardait dans notre direction. Elle a aussitôt détourné la tête.
'Merde, Bérangère ! Il va falloir qu'à un moment ou un autre, j'aille lui parler...'
-"J'espère que votre premier Frühshtück vous a plu ! Nous allons nous diriger vers le centre ville de Saarbrücken pour aller y visiter le château et nous balader dans le centre historique."
J'ai pris la main de Thibaud dans la mienne et je l'ai serrée doucement. Pour l'instant je suis avec mon amoureux et je compte bien que nous profitions ensemble de notre séjour...
...
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