CHAPITRE CLXXI

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La directrice a accepté, et sans que j'ai besoin de la supplier !

Je suis sorti de son bureau sur un petit nuage et j'ai aussitôt appelé Sébastien et puis Thibaud pour lui faire partager ma joie. Il m'a dit de venir manger demain midi chez lui, Sonia avait beaucoup insisté. J'ai l'impression qu'elle veut savoir tout ce qui s'est passé en Allemagne !

Je suis remonté dans ma chambre et j'ai eu l'impression qu'il n'y avait personne à l'étage.

J'ai eu un appel de Quiberon, Edouard et Marie voulaient avoir de mes nouvelles et partager la joie du réveil de Stéphane. On a beaucoup discuté, on a pleuré aussi mais c'était plus une soupape qui laissait s'échapper un trop plein d'émotion pour une fois positive. Edouard m'a dit qu'il espérait que je viendrais pêcher avec lui bientôt car c'est la saison de la pêche au homard et je lui ai promis que je viendrais dès que je pourrai.

'Il va falloir que je leur dise que je suis gay... j'espère qu'Edouard va bien l'accepter...'

J'ai laissé un message à Gabriella pour lui annoncer que Stéphane était sorti du coma et qu'il allait bien, que je le verrai cet après-midi et je l'ai encore remerciée pour tout ce qu'elle avait fait pour moi.

La sonnerie de midi m'a surpris et même si je n'avais pas très faim, je suis descendu au self. Il n'y avait presque personne mais j'ai été accueilli par les cris de joie de Mathéo et Maxime qui m'ont fait signe de venir à leur table.

-"Salut Diego, t'es revenu quand ?

-"Hier soir, tard.

-"Ca fait plaisir de te revoir ! Alors c'était bien ton voyage ?"

Je leur ai raconté tout ce qui était racontable et puis surtout que Stéphane était sorti du coma et que j'allais rentrer chez moi bientôt. J'ai senti qu'ils étaient contents pour moi mais qu'il y avait comme une ombre qui était passée sur leur visage.

'Ben oui, t'es con ! Toi tu pars, mais eux, ils restent !'

On a discuté d'un peu de tout et puis ils m'ont expliqué pourquoi ils étaient au foyer. Ici, la dernière part d'intimité qu'il te reste, c'est ton histoire. Il n'y a que ça qui t'appartient, le reste, tu l'as souvent perdu et en parler à quelqu'un, je veux dire en parler sincèrement, c'est lui signifier beaucoup.

Ils ont presque la même histoire, des parents qui boivent ou qui se droguent, violents parfois, incapables de prendre soin d'un enfant. Ils ont connu des allers et retours entre chez eux et des familles d'accueil selon les périodes de sevrage ou de rechute.

-"Vous êtes ici depuis longtemps ?

-"Depuis septembre pour moi et presque pareil pour Maxime.

-"Et vous allez rester longtemps ?

-"On a demandé à être placés dans la même famille d'accueil alors ça prend plus de temps...

-"On veut pas être séparés !

-"Oh je comprends les gars !"

Ca m'a touché de voir le lien qui les unissait et je me suis demandé si c'était seulement une forte amitié ou davantage.

'Ca ne me regarde pas. L'important c'est qu'ils soient heureux ensemble !'

...

Sébastien est passé me prendre à 15 heures et après avoir prévenu les éducateurs, nous sommes partis pour l'hôpital. J'étais à la fois excité et anxieux. J'attends ce moment depuis tellement longtemps et en même temps je redoute que Stéphane soit diminué. C'est d'ailleurs ce que m'a dit Sébastien.

-"Il ne faut peut-être pas s'attendre à ce qu'il ait complètement récupéré, surtout physiquement...

-"Oui je sais... mais déjà rien que de le voir réveillé, de pouvoir parler avec lui...

-"Oui ça va nous faire du bien à tous !"

La personne de l'accueil nous a accueillis avec un grand sourire mais en nous précisant que la visite était limitée à une demi-heure pour que Stéphane ne se fatigue pas trop. On n'a pas pris l'ascenseur, nous étions trop impatients ; nous avons dévoré les marches avant de nous arrêter fébriles devant la porte de la chambre. Sébastien m'a regardé, a souri et a frappé à la porte.

-"Oui, entrez !"

Rien que le fait d'entendre sa voix, j'ai eu les larmes qui me sont montées aux yeux. Sébastien a ouvert la porte et nous l'avons découvert assis dans son lit, une revue à la main. Il regardait dans notre direction et un immense sourire s'est dessiné sur son visage.

-"Oh bonjour !"

Je crois que pendant quelques secondes nous étions tous les deux incapables de parler et puis nous nous sommes précipités vers lui pour l'embrasser.

-"Oh Stéphane !

-"Papa !"

Il nous a serrés contre lui tandis que nous l'embrassions avec ferveur. Il s'est mis à rire et à protester.

-"Hé je viens juste de me réveiller, alors n'essayez pas de m'étouffer !

-"Oh pardon..." dis-je en essuyant les larmes qui avaient coulé sur mes joues.

-"C'est que je ne suis pas encore très vaillant !

-"Mais tu vas bien ?" demande Sébastien.

-"Oui, je vais parfaitement bien mais je me sens comme un nouveau-né qui passe son temps à faire la sieste et qui est incapable de se lever ! Allez, asseyez-vous sur une chaise que je vous regarde un peu...

-"Oui, bien sûr...

-"Tu as grandi, Didi !

-"Peut-être, je ne sais pas...

-"Et tu as l'air d'avoir la forme, Séb !

-"Oui, ça va mieux maintenant...

-"Alors, racontez-moi parce que j'ai raté quelques épisodes..."

Sébastien a fait un rapide résumé de ces presque trois mois sans entrer dans le détail des problèmes que nous avions rencontrés. On en avait discuté et d'ailleurs le médecin avait recommandé de ne pas brusquer le malade en lui faisant des révélations difficiles.

'On a le temps et tant pis si je dois passer quelques jours de plus au foyer. Tout ce qui compte, c'est qu'il aille bien !'

Ce qui m'a frappé c'est qu'il n'avait pas l'air de se rendre compte qu'il avait été dans une situation critique pendant si longtemps. C'était presque comme s'il se réveillait après une bonne nuit de sommeil et qu'il nous demandait de lui raconter ce que nous avions fait la veille parce qu'il était absent.

'Oui, pour lui c'était différent, il n'avait pas conscience du temps qui passait...'

-"Vous savez ce que j'ai dit quand je me suis réveillé, les premiers mots que j'ai prononcé ?" demande-t-il avec un petit sourire.

-"Non...

-"Passe-moi le sel ?" répond Sébastien en plaisantant.

-"Non ! C'est une infirmière qui m'a entendue. D'après elle j'ai dit : Seb, wo ist Didi ? Seb où est Didi ?

-"C'est de l'allemand !"m'écrié-je.

-"Oui, c'est fou, non ?

-"Oh peut-être que c'est parce que quand j'étais à Sarrebruck, je commençais toujours par te dire bonjour en allemand !

-"Oui, c'est vrai !"confirme Sébastien.

-"Alors ça doit être ça, c'est incroyable !"

Il m'a regardé avec beaucoup d'intensité et je me suis mis à pleurer. Ca m'a fait un choc d'apprendre qu'il s'était peut-être passé quelque chose et qu'il m'avait entendu...

-"Est-ce que tu sais si tu vas bientôt sortir ?

-"D'ici, oui. Je vais rester encore quelques jours mais le médecin m'a dit que tout était en ordre et qu'il fallait passer à la rééducation.

-"Tu vas pouvoir revenir à la maison ?" lui demandé-je.

-"Non, pas tout de suite. Il faut que je récupère et que je me remuscle, je suis incapable de sortir tout seul du lit pour l'instant !

-"Ah oui, bien sûr...

-"Il m'a parlé de thalasso ou d'un établissement spécialisé pendant quelques semaines...

-"Tu pourrais aller à Quiberon ?" propose Sébastien.

-"Et nous, on irait te voir le weekend !

-"Oui, pourquoi pas ?"

Une infirmière est venue nous dire qu'il fallait partir et laisser Stéphane se reposer. Il a protesté mais elle est restée ferme. Bien sûr, c'était frustrant, on avait tant de choses à se dire mais elle avait sûrement raison.

Sébastien lui a dit qu'il reviendrait demain matin.

-"Et moi, je viendrais après ta sieste dans l'après-midi !"

Nous l'avons embrassé une dernière fois, heureux et rassurés. A partir de maintenant, je sais que nous allons enfin pouvoir tirer un trait sur ce tragique épisode et reprendre notre vie ensemble.

Enfin !

'Mon Dieu, que je suis heureux !'

...

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