CHAPITRE CLXXVI

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Ce matin, Edouard est venu me réveiller pour aller à la pêche. Il était 8 h 15 ! Certes, je suis toujours content d'aller à la pêche mais franchement à cette heure indue, j'ai grogné avant de réussir à me lever.

'C'est pas des vacances, c'est pire qu'à l'école !'

Nous sommes allés à la plage de Parry-Pierre, un coin de pêche que je ne connaissais pas. Le temps était couvert mais il n'y avait pas de vent. Comme toujours en cette saison, nous étions seuls sur la plage. Aujourd'hui, nous avons apporté les épuisettes pour pêcher les crevettes grises. La marée était basse et nous sommes allés de trou d'eau en trou d'eau pour traquer les petits crustacés. Le résultat a dépassé mes espérances mais il nous a tout de même fallu plus d'une heure pour avoir de quoi faire une belle entrée. De temps en temps nous trouvions quelques huîtres qui venaient compléter notre plateau de fruit de mer. Ensuite, nous avons pris nos crochets et nous avons cherché des crabes mais la récolte fut maigre, quelques étrilles et seulement deux tourteaux.

-"On va s'arrêter là, la mer remonte et ce n'est pas trop la saison." déclare Edouard.

-"D'accord, on a quand même fait une belle pêche !

-"Attends, ce n'est pas fini. On va aller relever les casiers que j'ai mis il y a deux jours.

-"Les casiers pour le homard ?" l'interrogé-je en me souvenant de notre conversation lorsque nous étions allés à l'île d'Ars.

-"Eh oui, pour le homard !"

Il a souri devant ma surprise ; je suis sûr qu'il est allé spécialement les poser quand il a su que je venais à Locmariaquer.

Edouard a pris une douzaine d'huîtres et quelques crevettes et les a mises à part et a laissé le reste de notre pêche dans la voiture puis nous sommes dirigés vers une jetée où étaient amarrés plusieurs bateaux.

-"Tu as acheté un bateau, Papy ?

-"Non, mais j'ai des amis !"

Il m'a fait signe d'embarquer dans un petit bateau bleu et blanc, le Pennec. Je l'ai regardé libérer habilement le bateau du quai et le mettre en route et quelques minutes plus tard nous faisions route vers le large.

Il n'y avait pas trop de vagues et cela m'a rassuré mais de toute façon je sais qu'avec Edouard, je n'ai rien à craindre ; il n'aurait jamais pris la mer s'il y avait le moindre risque et puis maintenant, je suis un bon nageur ! On a du faire un crochet parce que nous sommes revenus vers la côte et j'ai soudain aperçu les flotteurs des casiers.

-"Allez, on va voir, s'il y a du monde !"

Il a commencé à remonter le filin et après un certain temps, j'ai vu apparaitre le casier vide.

-"Rien, mais par contre l'appât a disparu !

-"Comment ça se fait ?

-"Oh ben ça doit être les crevettes ou d'autres petits poissons qui ont su retrouver la sortie une fois leur repas pris ! Allez, à toi d'essayer ; je te préviens, c'est assez lourd !"

Effectivement, ça pèse son poids et il faut remonter une bonne dizaine de mètres de filin avant de voir apparaitre enfin le casier.

-"Oh, il y a quelque chose !

-"Ah oui mais c'est un tourteau ! Ce n'est pas grave, c'est très bon aussi !"

Nous avons remonté une douzaine de casiers et à ma plus grande joie, nous avons remonté trois homards. Enfin, nous n'en avons gardé que deux, l'un d'eux était trop petit et Edouard, l'a remis à l'eau. Je n'en revenais pas et j'étais super content et impatient de pouvoir déguster le fruit de notre pêche. D'ailleurs, je commençais à avoir faim et j'ai demandé à Edouard, quelle heure il était.

-"Presque midi, moi aussi j'ai faim ! Allez cap sur St Pierre ! On va aller manger sur le port et après on ira voir Stéphane !

-"Oh oui génial ! On va lui faire la surprise. Merci Papy !

Il a relancé le moteur et s'est installé à la barre et je me suis assis à côté de lui.

-"Et sinon, comment vont les amours ? Tu as une nouvelle copine ?"

J'ai sursauté à ses paroles et il a du voir que je n'étais pas très à l'aise.

-"Heu je suis un peu indiscret, t'es pas obligé de me répondre !

-"Ah heu si... mais..."

C'est vrai que ça m'a surpris mais finalement ce n'est pas plus mal. De toute façon, je voulais leur en parler mais je crois que j'aurai préféré commencé avec Marie qui m'a l'air plus ouverte...

-"Heu non j'ai pas de copine et en fait j'ai compris quand j'ai rompu avec Bérangère à la Toussaint que... enfin voilà, j'ai compris que les filles ne m'attiraient pas..."

J'ai relevé la tête pour voir sa réaction. Il n'a rien dit mais j'ai vu une grimace sur son visage.

-"Tu as vu que j'étais malheureux, c'était pas parce que j'avais rompu avec ma copine mais parce que je ne comprenais pas pourquoi j'étais comme ça...

-"Tu es comme Sébastien, alors ?

-"Oui..."

Le silence s'est fait et j'ai détourné mon regard pour regarder la mer. J'avais des larmes dans les yeux et je luttais pour ne pas me mettre à sangloter. Nous sommes restés ainsi de longues minutes l'un à côté de l'autre mais sans nous regarder. Je ne savais pas quoi faire et je pense que lui non plus.

'Il doit être déçu ! Mais ce n'est pas ma faute, c'est comme ça !'

J'ai vu progressivement la côte se rapprocher ; d'abord une ligne sombre au loin puis progressivement des petites tâches blanches jusqu'à ce que je distingue les maisons au toit d'ardoise.

-"On arrive !" m'interpelle Edouard en pointant la côte.

-"Oui, c'était rapide !"

A nouveau nous nous sommes tus jusqu'à ce qu'il nous fasse entrer dans le petit port. Un marin est venu sur la jetée et Edouard lui a lancé un bout pour nous amarrer. Il l'a remercié, a pris le petit sac rempli d'une partie de notre pêche et puis il a sauté souplement à terre.

-" Vas-y, donne-moi ta main et saute !

J'ai pris appui sur le bord du bateau et il m'a saisi la main. J'ai sauté et j'ai atterri dans ses bras mais à ma grande surprise il ne m'a pas relâché. Au contraire, il m'a enlacé très fort.

-"Excuse-moi Didi, j'ai un peu de mal avec tout ça, mais on s'en fiche, je t'aime pareil !

-"Merci Papy, je sais, merci !"

Nous sommes restés plusieurs minutes ainsi enlacés ; je pleurais à chaudes larmes et quand il m'a enfin relâché j'ai vu que ses yeux étaient rouges...

-"Allez viens, on va manger !"

...

Assis à la terrasse ensoleillée d'un petit restaurant où Edouard semble avoir ses habitudes, nous avons apprécié un bon repas. Des huitres, du poisson et un super gâteau au chocolat pour terminer. Je me suis régalé. Edouard a commandé un café et s'est levé.

-"Je vais faire un tour en cuisine, je reviens dans dix minutes ! Le café, c'est pour toi !"

Il a pris le petit sac avec notre pêche et il a filé le sourire aux lèvres. Je n'ai pas compris ce qu'il allait faire mais ce n'est pas grave, ça m'a donné le temps de réfléchir un peu.

Je suis content parce qu'il n'a pas mal réagi à l'annonce de mon homosexualité ; certes il a été surpris et il a mis un peu de temps à me dire que ça ne changeait rien mais bon, une dizaine de minutes, ce n'est pas grand-chose compte tenu des difficultés qu'il a eu avant dans le cas de Sébastien.

'Pauvre Papy, il ne manquerait plus que Sophie lui dise qu'elle est amoureuse d'une fille et la coupe serait pleine !'

Il est revenu un bon quart d'heure plus tard, toujours avec le sourire.

-"Qu'est-ce que tu es allé faire en cuisine, Papy ?

-"Oh trois fois rien, j'ai cuit les crevettes et le homard. Je pense Stéphane appréciera quelques améliorations à son ordinaire !

-"Waouw ! Ah oui, il va adorer !"

Stéphane faisait sa sieste alors nous sommes partis nous promener ; Edouard m'a montré le village et puis nous sommes avons marché sur la plage. Il m'a posé des questions sur le voyage en Allemagne, sur mon expérience au foyer et puis on a fini par reparler de mon homosexualité. Je lui ai expliqué comment j'avais compris que j'étais gay, je lui ai parlé de Thibaud et je lui ai montré des photos de nous à Heidelberg.

-"Tu sais, Diego, je ne comprends pas pourquoi il y a des homosexuels et je sais que ça n'a pas de lien avec les parents mais par contre je suis heureux que Sébastien et surtout toi, vous soyez nés à une époque un peu plus ouverte...

-"Oui, c'est vrai que ça s'améliore même si en ce moment avec la Manif pour tous...

-"Oh ceux-là, je ne peux pas les sentir ! Qu'est-ce que ça peut leur faire que les homosexuels puissent se marier ? Des bigots et des fachos !"

Je l'ai regardé s'énerver contre la Manif pour tous et j'ai rigolé intérieurement.

'Oui, même si ce n'est pas facile pour lui, je n'ai pas le moindre doute, Edouard nous aime et il apprend petit à petit à nous le montrer...'

...

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