Mélusinia
Les ifs montent aux cieux tels des épis de glace courant au plafond des grottes d'Alaska.
Je déambule dans ce labyrinthe végétal sans chercher où poser le regard. Les vents d'hiver décrochent l'opiniatreté des dernières feuilles. Jetées dans l'humus qui recouvre le sol, elles rejoignent leurs compagnes tombées plus tôt dans la saison.
La boue monte le long de mes chaussures, tâchant le bleu de leur cuir devenu terne.
Le soleil, frileux et fébrile, réchauffe à peine l'air de la forêt endormie par le froid. Les troncs dénudés et tordus hachent en rayon sa lumière.
Avançant au gré du chemin qui emprunte la rive d'un cours d'eau, ma course s'arrête enfin au gué qui s'enfonce dans les eaux limpides. Les pierres s'agencent de telle sorte que le pied, agrippé aux cailloux plongés dans l'onde, conduit le marcheur de l'autre côté sans encombre...
Fascinée par l'eau qui court, je m'absorbe dans l'observation de ses ondulations et les éclaboussures lumineuses du soleil qui frappe ce miroir dont les mouvances colorées portent à l'infini.
Par endroit, les vagues moussent, avançant sur l'eau comme des chevaux en furie, mangeant la surface avec frénésie.
Dans ce chavirement d'eau et de lumière, la vapeur d'eau qui s'élève, laisse apparaître dans sa dissipation, une élégante silhouette armée d'ailes ouvragées de dentelles translucides. Dans ce décor illuminé tel un écrin, flotte un être singulier. Je contemple la Merveille, dressée dans l'air à hauteur de mon regard, ailes déployées. Leurs ondes délicates frôlent ma joue et soufflent sur mes cheveux.
Rouvrant les yeux, clos dans un ravissement d'esprit, je la vis disparaître en une poussière lumineuse au coeur de la forêt silencieuse.
Ce fragment d'éternité est fiché dans ma mémoire tel un éclat de conscience. Le songe dont la réalité s'est évaporée depuis, reste blotti dans mon jardin d'Eden, telle une grâce confiée par les cieux, ouverts à cet instant rien que pour moi !
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