Je vois d’ici la mine réjouie de mes confrères et consœurs en littérature, avec leurs clins d’œil entendus qui claironnent « moi, j’en ai vendu beaucoup plus »

Hé bien ils mentent, pour la plupart. Ou s’ils ne mentent pas, ils confondent « vendre » et « écouler »

Untel annonce fièrement en avoir vendu cinquante. Cuisinez-le bien, vous apprendrez qu’il en a vendu douze et distribué les 38 autres à sa famille et à ses amis !

Première règle à observer : ne donnez pas vos livres, vendez-les. Y compris à papa, maman et au cousin Gaston.

Petite réserve : Vous n’osez pas l’avouer, mais bien que « jeune auteur(e), vous n’êtes plus un perdreau de l’année : vous avez la cinquantaine bien tassée, voire plus, je vous imagine même retraité(e). Donc oublions papa et maman qui ne comprennent plus ce qu’ils lisent, s’ils ont la chance d’être toujours vivants…

Attendez ! J’ai dit une bêtise ! Au contraire, ils seront toujours prêts à ouvrir leur porte-monnaie pour vous et serons d’autant plus indulgents pour vos œuvres qu’ils n’y voient plus depuis belle lurette.

C’est bien, mais ça ne fait jamais que deux clients potentiels. Elargissez donc le cercle de famille aux enfants, aux neveux, nièces, petits cousins, à l’oncle perdu de vue, voire à votre ex (qui risque de voir confirmé par écrit pourquoi il ou elle vous a quitté(e), mais peu importe).

Et si l’on essaie de vous fermer la porte au nez, bloquez- la en introduisant votre chaussure de chantier dans l’interstice !

Si vous travaillez encore, il y a les collègues de bureau. Alors, bien sûr, si vous avez une position dominante, profitez-en ! :

« - Un avancement, mon petit Lambert ? Vous voyez la pile de livres sur le coin de mon bureau ? Vous avez compris ce qu’il vous reste à faire ? »

Vous devez avoir un carnet d’adresse bien garni, une liste de contacts longue comme le bras. Ne soyez pas timides, Foncez !!!

Vous avez vu ? Vous en avez vendu 45 les doigts dans le nez !

Bien sûr, si vous récidivez l’année suivante, vous courez le risque de ne plus être invité à Noël dans votre propre famille. Quant à vos contacts, ils auront probablement changé de numéro de portable sans vous le dire.

Mais, après tout, qui ne risque rien n’a rien.