XI. Le métro et la cigarette
Il fut une époque où j’avais vingt ans.
Je vous entends déjà chantonner du Charles Aznavour, un peu de tenue.
Mes cheveux étaient colorés en violine car c’était la mode.
Outre ces petits détails, rien n’a changé.
Ma peau est toujours ivoire et mes yeux onyx ne m’ont jamais quittée.
Je vais vous conter une histoire.
Un récit qui se situe en plein mois de novembre.
Un lundi plus exactement.
Ou alors était-ce un vendredi.
Je ne sais plus.
En tout cas, l’air était glacial, je portais un pull.
Il était six heures du matin ou peut-être sept heures.
Permettez-moi d’être parfaitement honnête avec vous, mes chers lecteurs.
Je dirais que je me souviens simplement avoir pris la ligne douze du métro parisien.
Sa tête contre la vitre tremblait, ses cheveux violine virevoltaient dans l’air.
Elle regardait un paysage à base d’obscurité et de rails, tournant parfois la tête pour regarder l’immensité d'une masse grouillante.
Soudain, elle sentit un regard.
Qui peut bien me contempler alors que je suis si fatiguée, pensa-t-elle.
Des yeux de faucon se posant sur sa proie, il ne la lâchait guère.
Alors, elle se mit à faire le faucon, elle aussi.
L’homme était assis sur l’autre rangée et n'avait de cesse de la contempler.
Il avait les cheveux couleurs épis de blé, des yeux bleus perçants.
Non loin d’être gêné par le fait qu’elle l’avait remarqué, il continuait.
Est-ce moi qu’il regarde ou la vitre ? Vue ma dégaine, je pense que c’est la vitre.
Elle se rendormit tout aussi tôt.
Un visage cerné contre une vitre tremblante, elle était si fatiguée.
Après tout, les insomnies ne m’ont jamais quittée.
Soudain, un signal sonore.
Elle prit son sac à main, se redressa.
Elle passa devant lui, lui adressa un dernier regard.
Il lui sourit. Il avait des dents blanches, un sourire hollywoodien.
Alors, elle tomba.
Non, ce n’est guère une métaphore.
Certes, elle était tombée sous son charme, et ce, depuis qu’elle avait posé ses yeux sur lui, mais à ce moment précis, elle oublia simplement de se raccrocher à la barre et partit précipitamment.
Plus tard dans la matinée, alors qu’elle expliquait à ses copines d’université sa honte intense, elle se décida à prendre une pause.
Un paquet de Lucky strike dans une de ses poches arrière de son jean, elle en sortit une cigarette, la porta à ses lèvres et s’énerva contre elle-même d’avoir encore perdu un de ses briquets fêtiches.
« Fais chier, il doit encore être au fond de mon sac à main.
— Tenez. »
Une voix masculine lui tendit l’objet tant convoité.
Toujours aussi préoccupé, par l’accident qui s’était produit plus tôt, elle l’alluma instinctivement.
Ses yeux clos, un écran de fumée, quelques instants de silence.
Elle n'ouvrit les yeux que quand elle se rendit compte qu’elle le tenait encore dans sa main.
Alors elle adressa un regard vers ce sombre inconnu.
Je ne pourrais décrire aussi facilement la scène alors voici un dialogue qui retranscrit de la manière la plus réelle ce qui s’est produit à cet instant.
« Merc… OH PUTAIN, LA VACHE, MAIS VOUS AVEZ DES YEUX MAGNIFIQUE MA PAROLE ! »
Il avait des yeux gris métallisé, des cheveux ébène.
Il lui adressa un sourire timide et elle…
Elle partit précipitamment.
Non, elle ne marchait pas d’une démarche gracieuse et féminine.
Ce qu’il faut savoir, c’est que depuis le métro, ses pas étaient robotiques.
Sa main encerclant son front, elle se répétait inlassablement la phrase suivante :
« Oh misère de misère de misère, la honte.
Non mais la honte, franchement.
Mais qu’est-ce qui m'a pris ? »
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