En dehors de ceux qui estiment avoir véritablement quelque chose à cacher, les gens n’hésitent pas à livrer beaucoup de leur vie privée sur le net. De même, contrairement à ce qui est conseillé, rares sont ceux qui changent de pseudos et d’adresses mail comme de chemise. L’intérêt pour eux, même avec une identité numérique de leur invention, est de se faire reconnaître partout où ils vont sur le web. 

            De ce fait, avec quelques outils, pas toujours très légaux mais, dont beaucoup à disposition de monsieur tout le monde,  il est facile de collecter toutes les informations (plus ou moins) publiques d’un internaute. Cela va des photos, en passant par les dates de naissance rarement fausses, les lieux d’habitation, la profession, les goûts et les commentaires plus ou moins indiscrets postés sur les réseaux sociaux. A la vitesse des mises à jour des différentes applications, certaines données auparavant privées peuvent même se retrouver d’un coup publiques sans que l’utilisateur n’en soit informé. Toutes ces informations mises à disposition volontairement par les internautes sont collectées et traitées par des programmes de « big data ».  Le but ultime étant de leur vendre des trucs auxquels ils n’auraient jamais pensé. En effet, la machine en recoupant leurs « like » et toutes les traces de leurs navigations sur internet en déduit leurs besoins non assouvis. Et ce n’est là que le côté le plus avouable de ces outils.  Dans d’autres mains, les données peuvent être analysées par des individus ou des officines bien moins intentionnés.

        Alors quand on écrit sur le net, il faut se dire que tout y est public et partir du principe de base que lorsqu’une application est gratuite c’est qu’il y a de grandes chances qu’on en soit le produit.  A chacun, et beaucoup le font, de n’y afficher que ce qu’on veut y montrer. Une image bien lisse, une version améliorée de soi mais, attention, certaines publications peuvent en dire bien plus qu’on ne le pense…  

       Fort de ces considérations, je scrutai, sans états d’âme, le sillage laissé par les contradicteurs d’@laddin.  Facebook était le lieu privilégié de ces analyses. Parfois, je rebondissais de là vers un blog ou un site. Nombreux y avaient positionné des liens vers leur compte Twitter ou Google+. D’autres publiaient aussi des photos sur Instagram ou Pinterest. Mais, le plus intéressant restaient les commentaires qu’ils laissaient sur les journaux en ligne ou les blogs. 

C’était comme chercher et trouver une à une les pièces d’un puzzle. Réunies, elles formaient une image plus ou moins floue, celle de la personne derrière le pseudo. Même lorsqu’un internaute contrôlait strictement son avatar, il y avait toujours un moment où, au détour d’une phrase, on devinait un tout autre individu. Bien que très prenant, je ne ressentais aucune fatigue à m’adonner à ce jeu.  Il y avait bien longtemps que je n’avais connu une telle passion pour l’investigation. 

En parallèle, en surfant sur l’ abondante production numérique de certains, j’en découvrais aussi de plus en plus sur le blogueur assassiné. De nouvelles facettes de sa vie remontaient à la surface, générant de nouvelles hypothèses de la plus simple à la plus originale. De mon imagination fertile fusait des montagnes d’hypothèses que je m’évertuais à noter sur un document présent sur une petite clé USB qui ne me quittait jamais. En effet , en dehors de mes consultations sur le net, je travaillais hors ligne et je ne laissais rien sur mon ordinateur. Je me doutais qu’à un moment où un autre, il y aurait bien quelque chose ou quelqu’un qui souhaiterait en savoir plus sur mes recherches...