Effroi

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Je m'avance dans la nuit, dans cette sombre atmosphère qui m'est, à la longue, devenue plus que familière.

Je contemple mon ombre qui me montre le chemin, qui se détache de ma silhouette et qui part en éclaireur.

Elle me montre de nombreuses choses, et me rapporte tout ce que la perte de ma vue m'empêche de voir.

Oui... Je suis aveugle. Enfin, c'est ce que j'ai décrété. Aucun monde n'existerait avec des ténèbres aussi profondes que le noir le plus profond, si dense qu'il vous en oterait la vue.

Alors je ne vois rien. Strictement rien. Alors je ne peux être qu'aveugle. Il n'y a pas d'autres solutions.

Mais je me souviens de tant de choses. Je me souviens de toutes les époques que j'ai traversées, de toutes les vies que j'ai vécues, tous les sentiments que j'ai pu ressentir. Tout cela est gravé dans ma mémoire, gravé en couleur derrière mes paupières.

Et dans cette grotte sombre qui est mon univers, je me souviens. Je vis. Je revis. Et je respire. Je respire la vie, je respire mon existence.

Contrairement à toutes les autres fois, Ombre ne revient pas aussi vite.

Ombre ne revient pas.

Une première secousse ébranle mon monde, puis une deuxième, et une troisième.

Une sensation fort désagréable m'envahit, et je m'écroule sur le sol. Avec peine, je me relève, et m'élance vers le fond de ma grotte, espérant de tout mon coeur que tout cela se sera arrêté et que tout reviendra à la normale...

Mais alors, pour la première fois du fin fond de mes souvenirs, je vois la lumière. Une lumière dangeureuse et aggressive. Une lumière intrusive, intruse, et désagréable qui perce dans mon dos, par des petits trous, par l'effrittement de mes murs, par l'effondrement de ma forteresse.

J'ose jeter un regard en arrière, et ce que je vis m'horrifia de tous points...

Je vis.

Je voyais la lumière comme je voyais Ombre. Je vis la lumière s'emparer de mon foyer.

Je vis deux grandes mains pénétrer ma grotte, et me poursuivre.

Je cours à en perdre haleine, je cours encore et encore, mais je ne fais que du sur-place. Mes yeux glissent sur mes bras, sur mes mains sur mes jambes, et celles-ci rapetissent. Elles deviennent minuscules et gonflées... Mes mains et mes longs doigts fins ont, eux aussi, perdu leur taille et leur forme, et bientôt, c'est tout mon corps qui est métamorphosée en larve humaine.

Je fis un énième effort pour regarder la lumière en face, et ce que je vis m'horrifia de tous points.

Les deux mains s'emparèrent de mon petit corps.

Et ce que je vécus m'horrifia de tous points, me glaça le sang et me répugna.

Je naquis.

Et ce fut alors le jour le plus déchirant de mon existence, cette femme qui me mis au monde m'offrit le plus terrible des cadeaux empoisonnés...

Elle m'arracha mes vies antérieures en me donnant ce qu'ils appellent "la Vie".

Alors j'hurlai de douleur, je criai de rage de désespoir et de tristesse.

Car on m'a ôté le choix, car on m'a imposé ce monde, ce corps si fragile, car on a enfermé mon âme dans une enveloppe corporelle...

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