Chapitre 33 - VP Laetitia
Nous nous installons devant l’ordinateur et elle googlise mon nom. Elle clique sur le premier article, qui a été lu 300 000 fois, et qui titre « Laetitia Delacre, l’image de la jeunesse Française qui avance ». Quoi ? Je lis l’article qui raconte toute ma vie, façon Sœur Emmanuelle en fait. Deuxième article, idem. Je ressens une grande fierté. Comme le jour où Il a fait son discours sur moi. Je me dis que c’est vrai, que je l’ai quand même plutôt réussie ma vie, et que finalement je me suis débrouillée presque sans mes parents. Marie semble ensuite chercher autre chose, elle hésite un peu puis me montre un article intitulé : « Pourquoi Benjamin Fortet ne pourrait pas épouser Laëtitia Delacre ?» et l’article me paraît particulièrement technique, d’un point de vue financier et juridique. Il n’y a rien par contre que je ne sache déjà, la seule différence c’est que le monde entier le sait aussi maintenant.
- Tu vois, tu es une star ! Tu pourrais t’en servir pour chercher du travail !
- Je crois plutôt que ça va me desservir !
- Bon de mon point de vue, tu n’as qu’à monter ta boîte ! Tu pourrais aussi lancer une marque de t-shirts de hand !
- Ou de strings !
- Haha tu as fait une blague, c’est que ça va mieux, allez on va boire un coup au Beave’s !
- Il est 11h du matin.
Marie va voir sur Google trend et nous voyons que mon nom devient un peu moins populaire dans les recherches. Ce qui veut dire qu’il y a réellement des gens qui ont googlisé mon nom !
Le midi, ma mère apporte à manger. Elle apporte aussi mon père. Je ne sais pas comment les mères peuvent savoir ce genre de choses mais je suis contente de le voir. Comme si c’était le bon moment ou comme si l’eau avait assez coulé. Peut-être aussi parce que je suis en train d’apprendre que la vie n’est pas si simple et que tout n’est pas noir ou blanc, même mon père. Lui aussi me tient longtemps dans ses bras et je me dis que je retrouve mes proches depuis trois jours. Pendant 6 mois j’ai vécu dans une bulle où il n’y avait que Lui. Nous mangeons dans une ambiance presque normale et l’après-midi, mon père me parle. Il me dit à quel point il est fier de moi depuis toujours, que nous n’avons jamais eu la même idée des choses mais que je suis une visionnaire. Il m’avoue aussi qu’il pense toujours que je ne serais pas heureuse si je devais diriger son entreprise et il me demande si je me suis déjà posé la question. Bien sûr que je ne serais pas heureuse, je ne serais plus jamais libre. Il me demande pardon d’avoir un peu forcé la main avec Thomas Maillot. Il me dit qu’un de ses amis cherche quelqu’un comme moi et qu’il m’enverra plus d’information demain. Marie raconte que NF est venu le soir d’avant et qu’il faut que je trouve un endroit où loger pendant quelques temps. Mon père dit que nous exagérons et qu’il ne va quand même pas me harceler mais ma mère lui rétorque que s’il m’avait vu vendredi matin, il ne dirait pas ça et qu’il me protégerait de ce monstre. Je ne dis rien mais il me semble que le terme est exagéré : ce n’est pas vraiment de sa faute si je vais mal. En tous cas, il n’a pas voulu me faire mal. Lui-même doit souffrir en ce moment vu sa lettre. Je repense à une de ses phrases « Je m’intéresse à vous », ça ne veut rien dire. « Depuis toujours ». Encore moins.
En une demi-heure, je me retrouve dans un hélicoptère. Ma vie d’avant. Finalement, elle est toujours mieux que celle de maintenant.
Pendant plusieurs jours je me repose, je ne pense pas trop à Lui et je mange bien. Le bonheur quoi. Mes parents ont quitté Paris il y a cinq ans pour acheter ce manoir magnifique perdu dans la campagne vallonnée du Perche et je m’y plais beaucoup. J’ai l’impression d’être Elizabeth Bennet. Surtout que le comportement de mes parents est un peu similaire, il me manque seulement les quatre sœurs. Mais elles me manquent vraiment.
Je commence à chercher du travail dans des petites entreprises lorsque je reçois mon bulletin de paie. Il est similaire aux autres mois, ce qui signifie que je suis toujours officiellement embauchée chez Monsieur et que je ne peux pas travailler pour quelqu’un d’autre. J’envoie ma démission avec accusé de réception mais je ne reçois rien du tout. Un autre mois passe et je reçois de nouveau mon salaire. J’appelle Mathieu pour aller boire un verre et lui donner ma démission directement. Il paraît content de me voir. Je lui demande des nouvelles de mon équipe, sans parler de la fillette qui me remplace. Quand il me demande comment moi je vais, je manque de pleurer, comme à chaque fois qu’on me pose la question. Je me contrôle et il me raconte les préparatifs de son mariage. Mon cœur ne fait qu’un bond. Le mariage est dans seulement cinq mois.
- Il sera là, n’est-ce pas ?
- Qui ça, Benjamin ?
- Oui.
- Oui il sera là, c’est mon témoin !
- Ah.
- Qu’est-ce qui s’est passé entre vous pour que tu ais l’air aussi déçue, c’est vraiment à cause de lui que tu es partie ?
- Oui.
- Tu es un peu dure, il t’a quand même embauchée en prenant des risques pendant plus de trois ans non ?!
- Mais il ne savait pas qu’il en prenait puisqu’il ne savait pas qui j’étais.
- Bien sûr que oui Laetitia, il savait très bien qui tu étais, qu’est-ce que tu crois, que je lui aurais caché un truc pareil ?!
- Quoi ? Mais tu m’avais dit l’inverse !
- Avant l’entretien je lui ai caché mais après, je lui ai dit tout de suite !
- Il savait depuis le début ?!
- Oui.
- Il savait tout...
Je suis complétement abasourdie.
- Mais pourquoi tu ne me l’as jamais dit ?
- C’était Benjamin qui devait te le dire pendant un entretien pour ton premier jour. Je pensais qu'il l'avait fait.
- Alors quel risque prenait-il en m’embauchant ?
- Celui que tu balances tout à ton père quand même ! Hé ! Ça va Laetitia ? Pourquoi ça te perturbe autant ?
- Pour rien… presque rien.
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