Épisode 12. Le chaos d'Amay
Tristan traversa la rue et se plaça aux côtés de son ami orc, face à la collégiale et au basilic rugissant de fureur. Il fit coulisser les petites plaques noires pour former son épée.
- Eh bien, nous y voilà. Je suis vraiment désolé que tu sois impliqué dans toute cette histoire.
- Ce n’est pas de ta faute, humain, si les problèmes te suivent comme ton ombre.
- Peut-être que je les cherche un peu quand même, répondit Tristan avec un sourire en coin.
Pierre, comprenant que son frère était prêt à en découdre avec le serpent géant, s'interposa :
- Mais tu es fou, tu vas te faire pétrifier !
- Tu sais, frérot, si on ne tente rien, on n’y passera à coup sûr. Autant y aller sans regret.
Garry traversa la rue à son tour.
- T’as raison, détective. Tu peux compter sur ma hache, déclara-t-il avec un clin d'œil.
Roxane haussa les épaules et, tout en prononçant une phrase en sindarin, fit apparaître ses deux dagues.
- Je te préviens, Tristan, si on s’en sort vivants, tu oublies cette histoire avec Doolin !
Le détective regarda Roxane, remarquant ses phalanges blanchies sous la pression qu’elle exerçait sur ses armes.
- Si on s’en sort, en plus d'oublier, je t'invite à manger une pizza. D’ailleurs, je vous invite tous, ajouta-t-il en se tournant vers le groupe.
- Sérieux, tu penses à une pizza en ce moment ? intervint Pierre, incrédule.
- À ça et à une bière, pour être honnête, répondit Tristan.
- Fais gaffe, humain, j’ai un appétit d’orc, lança Benoît, un sourire amusé sur les lèvres.
- Mais vous êtes tous cinglés ! renchérit Pierre. « Vous allez tous y rester. »
- Moi, il me laisse de marbre ! s’exclama Garry, un sourire malicieux aux lèvres.
Tout le monde éclata de rire à cette plaisanterie, sauf Pierre, qui regardait le groupe, hagard.
- Vous êtes tous fous !
- Eh, frérot, mets-toi à l’abri. Et si on ne revient pas, trouve quelqu’un qui lui réglera son compte, dit Tristan en posant une main rassurante sur l’épaule de Pierre.
Les quatre compagnons avancèrent ensemble vers la collégiale et leur destin.
***
- Et toi, là-bas ! Ça ne te dirait pas les quatre plus belles statues de ta carrière ? lança le détective au basilic.
Le monstre tourna la tête vers le groupe. Tous fermaient les yeux pour éviter de croiser son regard, mais il hurla et projeta son corps vers le sol. Arrivé en bas, Benoît, sentant le mouvement du serpent, l'accueillit d’un grand coup de marteau de guerre, déviant sa trajectoire.
Roxane ouvrit un œil en entendant le choc et se retrouva face à la masse écailleuse du basilic, loin de sa tête et de son regard fatal. Elle bondit sur son dos et se mit à courir le long de l’échine du monstre, frappant de ses dagues et faisant jaillir des étincelles à chaque coup.
Garry ouvrit lui aussi les yeux au bon moment. Il attendit que le monstre passe devant lui et, au dernier mètre, sauta pour asséner un coup de hache qui sectionna la queue du basilic. Le cri de douleur du serpent résonna alors qu’il se retournait furieusement vers le nain.
C’était le moment qu'attendait Tristan. Il planta son épée dans la gorge du serpent, et Benoît, sans perdre une seconde, frappa la garde de la lame noire de son marteau, l’enfonçant profondément comme un clou.
Le basilic, blessé, s’enroula sur lui-même et fouetta l’air de sa queue raccourcie. L’orc vit le danger venir et poussa Tristan hors de la trajectoire, mais fut lui-même projeté à une trentaine de mètres, finissant sa course dans les toits d’une maison au loin.
Le serpent, sentant son adversaire éliminé, reprit confiance. Il se lança sur Garry, plongeant sa tête comme un bélier, et l’écrasa contre le mur de la collégiale, laissant le nain sonné pour un moment.
Il n’en restait plus que deux.
Le basilic, toujours redoutable, attaqua Tristan, dont l’épée était toujours plantée dans sa gorge écailleuse. Le monstre rampa en zigzag pour se positionner face à lui, prêt à lui lancer un regard fatal. Tristan, acculé, cherchait désespérément un moyen de récupérer son arme sans rouvrir les yeux.
- SAUTE ! MAINTENANT ! hurla une voix.
Roxane, toujours perchée sur le dos du basilic, avait remonté jusqu'à l’orbite. Tristan obéit, et à ce moment, il vit un objet scintillant venir vers lui : l'une des dagues de Roxane. Il la planta dans le coin de l'œil du monstre, et Roxane fit de même avec sa deuxième lame. Ensemble, ils forcèrent de toutes leurs forces pour faire levier, réussissant à éjecter l'œil hors de sa cavité.
Le détective retomba au sol, enleva sa veste et la lança sur le globe oculaire qui roulait sur le sol.
Le serpent hurlait, fou de rage. Roxane sauta à son tour et rejoignit Tristan, tous deux exténués.
- Eh bien, mince alors, j’espérais qu’en lui retirant son œil, on l’aurait vaincu, mais on dirait bien que ça n’a pas suffi, dit Tristan, essoufflé.
- Je suis vraiment désolée, Tristan, pour tout, murmura Roxane.
- Allez, on ne va pas partir fâchés, répondit-il avec un sourire fatigué.
Le détective regarda Roxane, qui n'était encore ce matin qu'une simple cliente. Il s’approcha, lui sourit et l’embrassa. Roxane, d'abord surprise, répondit finalement à son baiser.
- C’est donc comme ça que tu te fais payer ? lança Pierre en arrivant, un sourire amusé sur le visage.
Tristan abandonna les lèvres de Roxane pour se tourner vers son frère.
- Je t’avais dit de te mettre à l’abri, grogna le détective.
- Je suis le gardien de la boîte, le gardien de cet œil. C’est moi qui dois en finir avec ce monstre, répondit Pierre, déterminé.
Les trois humains fixèrent le serpent géant, maintenant aveugle, enroulé sur lui-même, sa gueule grande ouverte dévoilant des crocs de pierre acérés.
Pierre retira sa cravate et s'approcha de la veste posée sur le sol. Les yeux fermés, il découvrit l’œil, le souleva et le plaça devant son visage. Le globe disparut.
- NON ! cria Tristan.
Son frère hurla vers le basilic, attirant son attention. Le monstre plongea droit sur lui, prêt à attaquer. Pierre ouvrit les yeux et, d’un simple regard, pétrifia le basilic.
Tristan et Roxane coururent vers lui, mais Pierre leur fit signe de s'arrêter. Il prit sa cravate qu’il avait toujours en main et se la noua sur l'œil gauche, comme un bandeau.
***
Au moment même où le serpent se transforma en statue de pierre, une lumière intense jaillit des vitraux de la collégiale.
- Qu’est-ce que c’est encore ? demanda le détective, épuisé.
- J’en ai pas la moindre idée, répondit son frère.
- Allons voir, proposa Roxane.
- Sans moi, je... je... balbutia Pierre.
- T’inquiète, frérot, on revient. Ne bouge pas, le rassura Tristan.
Tristan et Roxane se dirigèrent prudemment vers le bâtiment, l'air méfiant.
Pendant ce temps, Garry et Benoît arrivèrent chacun d'une direction différente et se postèrent aux côtés de Pierre.
On fait quoi de ce truc ? demanda le nain, en désignant le basilic pétrifié.
Moi, j'ai une idée, répondit l'orc en levant son marteau de guerre et en se dirigeant résolument vers la créature.
***
La lumière provenait du sol, au fond de l’église. Tristan et Roxane avancèrent prudemment, sur leurs gardes.
Ils arrivèrent à l'endroit d'où émanait la source lumineuse. C'était un sarcophage, celui de Sainte Ode, aussi connue sous le nom de Chrodoriel Odile de son vivant.
Sur le sol pavé, Tristan, qui percevait clairement la réalité au-delà du voile, remarqua une dalle gravée d'un marteau et d'une massette, rappelant les armoiries du vieux nain. Il posa sa main sur la dalle, et aussitôt, quelque chose se produisit.
Les cloches commencèrent à sonner, mais ce n'étaient pas celles du clocher. Non, c’étaient celles du petit parc devant la collégiale qui résonnaient.
DONG... DONG... DONG...
Le détective et Roxane se précipitèrent dehors pour voir ce qui se passait.
C’est alors que cela se produisit. Il se mit à pleuvoir, et à mesure que les gouttes d'eau tombaient, les statues commencèrent à s'effriter et à retrouver leur forme vivante.
Roxane, émue par ce spectacle, murmura :
- Les larmes d’Odile...
***
Deux jours plus tard, au Mordor.
- Tu es sûre que tu dois partir ? demanda Benoît, l'orc, en regardant Roxane, déjà prête à franchir la porte.
- Je n’ai pas le choix.
- Tu pourrais attendre qu’il se réveille, juste pour lui dire au revoir, suggéra-t-il.
- C’est mieux comme ça. Vraiment.
- Comme tu voudras.
Roxane sortit.
- Elle reviendra, dit Tristan en descendant les escaliers menant à sa chambre.
- Comment tu le sais ?
- Je lui dois une pizza.
- Et tu crois que c’est suffisant ?
- Personne ne dit non à une pizza.
- Ça, c’est bien vrai, intervint Garry en entrant dans le bar, accompagné de Pierre, vêtu d’un costume noir impeccable avec un cache-œil assorti.
- Tu vois. Comment ça va, frangin ? demanda Tristan en s'approchant de Pierre.
- Ça va comme quelqu’un qui a un œil pétrifiant. On est vivants, et c’est déjà pas mal.
Benoît s'avança vers les deux nouveaux arrivants. Garry le regarda et demanda :
- Tu lui en as parlé ?
- Parlé de quoi ? demanda Tristan en se servant un mug de café.
- Eh bien, on se disait que… commença l’orc. Tu vois, j’ai une autre pièce libre en bas, juste sous ta chambre, et on pensait que…
- Un détective d’entre les mondes pourrait y installer son bureau, termina le nain.
- Sérieusement, Benoît ?
- Ben ouais, après tout, on s’est bien marrés, répondit l'orc.
- Vous êtes vraiment tous fous, conclut Pierre, secouant la tête.
- Silence, voilà des clients pour le bar, annonça Benoît en se redressant.
Sophie, Étienne et Marc entrèrent dans le Mordor, saluant tout le monde. La jeune fille gratifia le grand barman d’un sourire.
***
Winchester, Angleterre.
L’homme en costume noir faisait les cent pas dans son bureau, au dernier étage d’un immeuble qui lui appartenait. C’était un homme séduisant, avec des cheveux bruns légèrement bouclés et bien coiffés.
Quelqu’un frappa à la porte.
- Entrez !
Un homme encapuchonné entra, se dirigea vers le bureau et ouvrit une longue mallette d’un mètre et demi. Il retira sa capuche, révélant son visage : il avait la peau bleu-noir, de longs cheveux blancs et portait une paire de lunettes rondes aux verres rouges sur le nez. C’était un Drow.
Il ouvrit la mallette.
- Maître, voici l’épée de Boggis, petit-fils de Bors le Jeune.
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