Épisode 6. Charlotte

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Tristan et Roxane avaient maintenant un but plus précis : retrouver la boîte du gardien pour éviter une catastrophe. Sur le court chemin qui les menait à la place d’Amay, Tristan marmonnait dans sa barbe. Rechercher des personnes disparues était sa spécialité, pas les reliques. Face à l'air contrarié de Tristan, Roxane prit la parole.

  • Au moins, nous savons quoi chercher.
  • Mais pas où,” répliqua Tristan. “La ville n’est certes pas très grande, mais cette foutue boîte peut se trouver n’importe où. En espérant, bien sûr, que Doolin ne l'ait pas déjà en sa possession.
  • Et si je te disais que j’ai une idée d'où chercher ?
  • Je te demanderais où ?
  • Suis-moi, on y est presque.

Roxane prit donc les devants. Après avoir traversé la place, ils arrivèrent devant une petite enseigne sur une maison : « Aux Objets Perdus ».

  • C’est une blague ?
  • Fais-moi confiance. Ce n’est pas ce que tu crois.
  • Ah bon ? Parce que ça ressemble vraiment à ce que je crois.

Le duo poussa la porte, qui était entrouverte. Partout, des étagères débordaient de livres et de bibelots en tout genre.

  • Un brocanteur ? dit Tristan en regardant autour de lui.
  • Je t’avais dit que ce n’était pas ce que tu croyais.
  • Et quoi, tu penses que quelqu’un a retrouvé la boîte et l'a déposée ici ? Ce serait quand même très facile.
  • Attends une minute.

La jeune femme s'approcha d’une table servant de comptoir et agita une petite clochette. Une halfeline sortit de derrière une armoire, les bras chargés d’assiettes multicolores. C’était une jeune femme qui devait faire un mètre de haut, avec des oreilles pointues et des cheveux roux bouclés.

  • Oh, des clients ! dit-elle en lâchant la pile d’assiettes.
  • Bonjour, commença Roxane. Nous avons perdu un objet.
  • Eh bien, vous êtes au bon endroit. Qu’avez-vous perdu ? Attendez, ne me dites rien.

Elle monta sur un tabouret de l’autre côté du comptoir et plongea son regard dans celui de Tristan.

  • Oh, vous avez perdu un membre de votre famille. Un frère ? Oh là là, je n’ai rien de tel en magasin, et puis, s’il est aussi charmant que vous, je ne le mettrais sûrement pas en vente, si vous voyez ce que je veux dire, dit-elle en adressant un clin d’œil à Roxane.
  • Ce n’est pas pour ça que nous sommes là.
  • Bien sûr que non. De plus, le monsieur sait déjà où il est.

Roxane regarda Tristan, qui observait attentivement la brocanteuse.

  • Mais par contre, vous n’avez perdu rien d’autre à part votre temps et le mien.
  • Nous recherchons une boîte qui appartient à son frère.
  • Oh, j’ai plein de boîtes : boîtes à tartines, boîtes à biscuits en fer presque pas rouillées, j’ai même… Elle chuchota avec une main devant sa bouche. Une boîte noire provenant d’un avion.
  • Ce n’est pas la boîte que nous recherchons.
  • Je le sais, mais je ne peux pas faire grand-chose pour vous, puisque ce n’est pas vous qui l'avez perdue.
  • Je vois,” dit Tristan. “N'empêche que vous avez un don assez particulier. Vous vous appelez comment ?
  • Ça t'intéresse, hein, mon mignon ? Disons que de nos jours, on m’appelle Charlotte.
  • Une minute, Charlotte, intervint Roxane avec un grand sourire. Vous ne pouvez pas faire grand-chose, mais vous pouvez faire quelque chose, n’est-ce pas ?
  • Toi, je t’aime bien, ma cocotte. Tu connais les halfelins et tu sais que les mots ont de l'importance.
  • Et donc, que pouvez-vous faire pour nous, “cocotte” ?

Charlotte fit glisser un bloc de post-it multicolores sur la table, le plaçant entre elle et Roxane.

  • Je pourrais vous en vendre un, mais ça coûte cher.
  • Quoi, les post-it ? interrogea Tristan.
  • Mon mignon, ce ne sont pas de simples post-it.
  • Ce sont des boussoles.
  • Eh bien, mon coco, ne la lâche pas. En plus d'être canon, elle en a dans le cerveau.
  • C’est quoi, le prix ? demanda Roxane.

Charlotte fixa son regard dans celui de la jeune femme.

  • Oh… Intéressant. Disons que je te l'échange contre un service, mais avant ça, je vais demander à ce monsieur de bien vouloir nous laisser deux minutes entre femmes.

C’est ainsi que Tristan fut prié de quitter la boutique de Charlotte. Quelques instants plus tard, Roxane sortit à son tour, tenant entre ses doigts le petit morceau de papier.

  • Ça fonctionne comment ? demanda Tristan en regardant leur nouvelle acquisition.
  • C’est assez simple, on note ce que l’on recherche d’un côté.

Tristan fouilla les poches de sa veste et en sortit un stylo qu’il tendit à Roxane.

  • Merci. Donc “Ce que les gardiens d’Amay doivent protéger”. C’est plus sûr que “Une boîte noire”.

Elle nota la phrase, puis chiffonna le morceau de papier en une boule. Devant le regard de Tristan et Roxane, le papier commença à rouler sur lui-même dans la main de la jeune femme, un peu à gauche, un peu à droite, puis il se déplia en formant un petit papillon blanc qui s’envola doucement.

  • Il n’y a plus qu'à le suivre.
  • Eh bien, suivons-le.

***

Après une bonne quinzaine de minutes à suivre le papillon de papier, le duo se retrouva devant la tour romane.

  • Retour à la case départ ! Ça n'a pas fonctionné, on dirait.
  • Je ne sais pas, c’est la première fois que j’utilise ce genre de post-it, dit Roxane sans perdre de vue leur boussole.

Le papillon tournait en rond autour d’un gros rocher perdu dans la pelouse entourant la tour. Tristan et Roxane s'approchèrent, examinant le rocher sous tous les angles, puis Roxane s'exclama :

  • Là, par terre !

Dans les herbes hautes qui entouraient le rocher, elle était là, la boîte contenant l'œil de basilic. Elle n'était pas très grande, et son couvercle était gravé de runes semblables à celles des livres dans les profondeurs de la tour.

  • Oui, c’est elle, dit Tristan.
  • On a réussi.
  • Oui, mais ce n’est pas fini, je dois aller récupérer mon frère.
  • Charlotte a dit que tu savais où il se trouve, c’est vrai ?
  • Oui, depuis un peu moins d’une heure.
  • Où ?
  • Roxane, j’ai un service à te demander. Prends la boîte et pars, quitte la ville le temps que je mette Doolin hors d'état de nuire. Donne-moi ton numéro de téléphone, je te contacterai quand tout sera fini.
  • Mais…
  • Pas de mais, c’est mon frère et je ne vois pas pourquoi tu te mettrais en danger pour lui. Je dois régler ça seul.

***

Après s'être quittés, Tristan se rendit à la gare et de là, il prit un bus pour Ampsin. Ampsin était un village qui faisait partie de la commune d’Amay. Une heure plus tôt, alors que Drumlin racontait son histoire, Tristan avait remarqué les armoiries sur le peignoir du vieux nain : un marteau et une massette croisés. Le détective connaissait ce symbole puisqu’il figurait sur tous les camions et bâtiments de l’ancien four à chaux de la carrière minière d’Amay. Tristan sourit intérieurement en se disant que cette infrastructure minière appartenait à des nains.

  • Comme quoi, ils ont vraiment ça dans le sang.

Il arriva près d’une verrière et lut le nom sur le bâtiment : « Les Maîtres du Feu ». Se déplaçant silencieusement, le détective était de retour, scrutant le moindre détail. La piste était facile à suivre, car qui dit four à chaux dit traces blanches, et les empreintes menaient toutes dans la même direction.
Tristan entra dans l’ancien bâtiment en ruine, monta un escalier en fer qui grinça légèrement sous son poids et pénétra dans une pièce.
Il était là.
Attaché à une chaise, un bâillon autour de la bouche.
Le détective s'approcha, il enleva le tissu du visage de son frère et dit en s'attaquant à la corde qui le maintenait sur la chaise :

  • Salut, frérot.
  • Qu'est-ce que tu fais là ? dit Pierre, surpris.
  • De rien, c’est un plaisir de te secourir.
  • Il y a plus important, Tristan…
  • Ne t'inquiète pas, je connais l’histoire.
  • Bon sang, attention derrière toi !

Le coup de pelle à l'arrière du crâne fit voir des étoiles à Tristan. Un peu sonné, le détective fit face à son attaquant : un nain avec une grosse barbe noire se tenait devant lui.

  • Attention, Ivan, ce ne sont pas des manières de traiter nos invités.

Un autre nain se tenait derrière Ivan. Il portait un costume sur mesure avec un marteau et une massette croisés sur la poche avant.

  • Je suppose que vous êtes Doolin ? dit Tristan.
  • En effet, et voici les deux frères Renard réunis. C’est merveilleux, la famille, vous ne trouvez pas ? Vous êtes doué, monsieur Renard : en une journée, vous avez trouvé la boîte et votre frère.
  • Tu as trouvé la boîte ? dit Pierre, effrayé.
  • Oui, mais t’inquiète, elle est loin.
  • Comment ça, loin ?
  • Ne t’inquiète pas.
  • Ah, vous l’avez laissée à la femme ! dit Doolin.
  • Quelle femme ?
  • La nièce de Marcel, c’est elle qui est venue me chercher pour te sauver.
  • Tristan, imbécile, Marcel n'a pas de nièce.

Le détective écarquilla les yeux quand Roxane entra dans la pièce et tendit la boîte à Doolin le nain.

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