Épisode 7. Dans la fosse

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  • Hahaha, vous devriez voir votre tête, monsieur Renard, c’est hilarant !

Tristan regarda Roxane à côté de Doolin. Il n’avait rien vu venir. La femme, quant à elle, évita brièvement le regard du détective avant de s'adresser au nain.

  • Vous avez la boîte, maintenant donnez-moi mon argent. Je suis attendue ailleurs.
  • Mais bien sûr, très chère. Ivan, donne donc à la demoiselle son dû, dit Doolin avec un sourire carnassier.

À ces mots, le nain à la grosse barbe noire prit sa pelle et poussa la femme vers les deux frères Renard.

  • Qu'est-ce que ça signifie ? s'exclama Roxane.
  • Ma chère, vous m'avez demandé une somme... disons rondelette pour cette boîte, mais vous me coûteriez moins cher une fois que vous aurez disparu de ce monde. Ce sont les affaires, rien de personnel. Ivan, occupe-toi de ces indésirables, et ne laisse aucune trace.
  • Bien, Monsieur.

Doolin partit avec la boîte en riant, tandis qu’Ivan sortit un pistolet et le pointa vers les trois humains.

  • Avancez !

Le nain barbu mena le trio à travers le vieux four à chaux. Ils descendirent des escaliers qui grinçaient sous leurs pas, passèrent dans des couloirs blanchis, et finirent leur chemin devant une grande trappe. Ivan l'ouvrit tout en menaçant le trio de son arme à feu.

  • C'est la fin du chemin, humains. Descendez !

Tristan sauta le premier. Le trou n'était pas très profond, à peine trois mètres. Il se réceptionna facilement, soulevant tout de même un nuage de chaux. Pierre arriva juste après. Moins agile, il tomba à genoux, salissant son beau costume.

  • Bon sang ! Il est fichu.
  • Tu sais, frérot, il y a de grandes chances qu’on meure dans ce trou.
  • Et si ma volonté était de mourir bien habillé ?
  • Dans ce cas, c’est raté. Et dire qu’on dit que c’est moi le fou dans cette famille.

La conversation prit fin avec l'arrivée de Roxane, qui atterrit en douceur derrière les deux frères.

  • Et maintenant, c’est quoi la suite du programme ? demanda Tristan à Ivan.
  • Maintenant, c’est l’heure du dîner.
  • Pas très faim pour l’instant, mais c’est gentil de proposer.
  • Tu feras moins le malin quand il arrivera. Il aime l’odeur du sang.

À ces mots, Ivan tira une balle qui se logea dans la cuisse du détective, le projetant à terre.

  • Bor… tu me le paieras, le nain.
  • Ouais, c’est ça. Je vous souhaite une mort rapide, mais je ne promets rien, hahaha.

Ivan referma ensuite la trappe, plongeant la fosse dans une obscurité oppressante.

Dans le silence pesant, des bruits de pas résonnèrent, suivis d'un grognement guttural.

  • C’est quoi ce bruit ? murmura Pierre.
  • Je te le dirai quand je les verrai. Pour l’instant, je peux juste te dire que ce ne sont pas des lapins, répondit le détective.
  • Ce n'est pas le moment de plaisanter.
  • Je plaisante pas. Il y a peu de chances que ce soit des lapins, je te jure. Arrête de stresser.
  • C’est quoi vos histoires de lapins ?

Roxane n'eut pas sa réponse. Une énorme masse noire se jeta sur Tristan, son souffle chaud et fétide envahissant ses narines.

  • Mais qu'est-ce qu'un drake fait ici ? s’écria Tristan en tentant de repousser la créature.

Les drakes sont des créatures souterraines ressemblant à des lézards de trois à quatre mètres de long. Celui qui s'était jeté sur Tristan avait une tête aplatie couverte d'épines, comme un pogona.

  • Tolon i’megilnîn !

Roxane réagit avec une rapidité fulgurante. Après avoir prononcé ces mots, deux dagues apparurent dans ses mains : l'une blanche et étincelante, l'autre noire avec des reflets mauves. Elle frappa la bête, mais le drake bondit dans l’ombre pour éviter le coup.

  • Impressionnant ! dit Tristan.
  • Merci.
  • Oh, je parlais de l’accent.

Roxane esquissa un sourire, mais le moment fut de courte durée. Le drake rôdait toujours, invisible dans l’obscurité. Pierre s'agenouilla près de son frère, l’aidant à se remettre sur pied.

  • Tiens, appuie-toi sur moi.
  • Merci, frérot.

Tristan dégaina la garde de son arme, et d’un mouvement vif, la lame scintillante se déploya.

Le drake tournait dans la fosse, son écho rendant sa position impossible à déterminer. Tout à coup, un coup de queue surgit des ténèbres et frappa Roxane dans le dos. Elle perdit l'équilibre et ses lunettes en passant.

  • Mes lunettes !
  • Pierre, aide-la, vite !
  • Pourquoi, elle est myope ?
  • Elle ne voit pas à travers le voile sans ses lunettes.
  • Ok, ok, je les cherche.
  • Dépêche-toi, je ne vois rien.
  • Oui, je les cherche, elles doivent être par ici.
  • Roxane, écoute-moi. Je vais être tes yeux, d'accord ?

La panique montait. Tristan, blessé, peinait à tenir debout tandis que Roxane, dagues en main, restait vulnérable, sans voir d'où viendrait le prochain coup. Le drake bondit, frappant Roxane sur le flanc et l’écrasant au sol, sa langue visqueuse caressant son visage.

  • C’est dégoûtant.

Elle tenta de frapper, mais ne toucha rien.

  • Plus haut !

Nouveau coup, sans succès.

  • Encore plus haut ! dit Tristan en bondissant vers le drake sur une jambe.

Cette fois-ci, la lame trouva sa cible, entaillant la joue du drake. La créature hurla de rage, recula, puis se lança de nouveau, gueule béante.

Splack !

Un liquide chaud et poisseux coula sur le visage de Roxane. Elle ouvrit les yeux et vit Tristan au-dessus d’elle, son épée tendue. Puis, avec un choc, une masse lourde tomba sur la femme allongée au sol. Tristan s'effondra à son tour, mais réussit à faire rouler le corps du monstre sur le côté.

  • C'est ce que je pense sur mon visage ? demanda Roxane.
  • J'en ai bien peur.
  • C’est vraiment dégueulasse !

À quelques mètres, Pierre cria :

  • Voilà, je les ai ! Puis, se retournant : Oh bon sang... Où est passée sa tête ?

***

Dans son salon de marbre, Drumlin était agité. Toute cette histoire avançait beaucoup trop vite. Si le détective ne réussissait pas sa mission, le cauchemar du passé risquait de se reproduire, et ses conséquences n'épargneraient personne. Un bruit le sortit de ses pensées : quelqu’un venait d’entrer dans la pièce sombre.

  • Qui est-ce ?
  • C’est ainsi que tu accueilles ton fils ?
  • Doolin... Doolin, c’est bien toi ? Oh, mon fils, par la sainte enclume, cesse cette folie !
  • Quelle folie ? La vraie folie serait de rejeter le pouvoir qui est venu à vous. Vous avez préféré rester un simple nain alors que vous aviez la possibilité de devenir un seigneur respecté, avec un pouvoir immense.
  • Le pouvoir n’est jamais une chance, mon fils. Il y a toujours un prix à payer.
  • Mais je le paierai, père.
  • Je t’en prie, n’en fais rien. Accepte la requête de ton vieux père.

Doolin fit le tour de la pièce en parlant. Il contourna son père, assis dans son fauteuil roulant, et s’arrêta devant une vitrine où était exposée la garde d’une épée brisée. Il souleva le couvercle et prit le morceau d’arme. Il l’éleva au-dessus de son visage pour l’observer, puis, se tournant vers son père, il déclara :

  • Non, je ne laisserai pas passer ma chance.

Doolin partit sans ajouter un mot. En passant par le couloir, il croisa Garry, qui se hâta de rejoindre le salon où le vieux nain aveugle suppliait encore son fils. Garry prit une chaise et s’assit près de son maître, dont les larmes inondaient les joues ridées. Il posa une main réconfortante sur celle de Drumlin. Les deux nains restèrent ainsi un long moment, jusqu’à ce que le vieil aveugle cesse de pleurer... et de respirer.

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