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J'ai rencontré Xenthores, le lendemain, sur la route des temples divins. Il semblait... Perturbé.

-Tu sais où est Atherach, mec ?

-ça fait une journée et demie qu'on ne l'a pas vu quitter l'Underworld. Je l'ai vu dans le temple d'Insedious...

-MERDE ! MAIS C'EST PAS BON, ÇA ! Est-ce, comme je le pense, sa présence constitue un sacrilège pour le démon ?

-Oui, un sacrilège mineur... Mais tous les prêtres de l'Underworld sont au courant et personne ne l'approche. Y en a quelques-uns qui viennent avec curiosité, mais je sais pas qui c'est. Tout ce que je sais, c'est que je les avais jamais vus auparavant et qu'à chaque fois que je m'approche d'eux ils me brandissent leurs couteaux sacrificiels à la gueule.

-c'est pas vrai...

Je tombai fesses en premières sur la terre meuble.

-Mais qu'est-ce qu'il lui arrive, bordel ?

-Je me fais du soucis pour lui aussi, t'inquiètes.

-C'est pas tout...

Je lui expliquai notre découverte dans la chambre d'Atherach.

-Mais what ? s'étonna-t-il. C'est étrange à quel point il est... lié à ces deux symboles. Le couteau et le cœur...

-Et puis cette histoire de cage à oiseau... j'ai tellement l'impression de passer à côté de quelque chose ! Tu... Tu crois qu'on devrait prévenir l'Ancien ?

-Plutôt crever ! Si l'affaire doit être résolue, ça doit être par moi.

-Euh... Comme tu voudras. Mais, si la situation devient critique, comprends que je n'aurai pas le choix.

-OK d'acc.

Je me mis à jouer avec ma pierre électrique pour déstresser. Même mon habit de mage n'était pas assez furtif pour pouvoir camoufler ce genre d'émotion-là.

-si tu me cherches, lui ai-je dit, je suis dans l'Upperworld. Tu sais à quels sanctuaires me trouver...

-OK d'acc ! À toutes !

Je me mis à marcher rapidement vers la plus haute montagne de l'endroit, et, pour être plus rapide, j'y suis allé en volant. Au sommet de la "Montagne des dieux" se tenait un portail de technologie à la fois scientifique, arcanique et divine. Je traversai la blanche matière translatrice, puis je humai un bon coup l'air environnant.

L'Upperworld était entièrement contraire à l'Underworld. L'un était le royaume de la terre et des flammes, l'autre était l'empire de l'eau et des vents. On se serait cru dans une lande où toute terre se serait transformée en nuages solides et moelleux.

Des rivières serpentaient entre les temples de tous les dieux. Les seuls braseros enflammés étaient alimentés par du Limon Ardent, ce magnifique feu couleur émeraude... Enfin, si on excepte les feux dans les temples de tous les dieux thermiques. De la même manière, la plupart de la roche qu'on trouvait constituait de petites îles soutenant les sanctuaires des dieux de la terre.

Et puis, ce ciel d'un bleu infini... J'en ai presque oublié Atherach... Mais je restai tendu.

Je sacrifiai un taureau entre Zeus, Athéna, Héphaïstos mais aussi Hécate et Appolon. La première, titanide de la magie, pour mes entraînements, et Appolon, dieu de la médecine, parce que je n'avais pas trouvé de mieux dans l'immédiat pour porter une assistance divine à mon pauvre pote. Puis, je me dirigeai vers le dernier temple dans lequel je voulais aller, celui de Célestia et Hydunn.

Célestia avait, de base, décliné par pure modestie l'offre que les mortels lui avaient faite ; celle consistant à faire installer son sanctuaire proche de celui d'Arthus. Seulement, les bâtisseurs avaient pris le risque de la contrarier... Le bâtiment a donc pris sa place sur une montagne nébuleuse, à une position telle que tout le monde voyait qu'elle était plus importante que le reste des chefs de culte mais cependant moindre que le Couple Créateur. La déesse de la lumière avait aussi insisté pour faire un sanctuaire à Baal dans l'Upperworld, mais la réponse des mortels fut catégorique.

J'enlevai ma robe de mage et me mis sous forme demi-divine, puis gravis les dernières marches vaporeuses qui restaient avant de parvenir à destination. Une jeune elfe blonde emplie de grâce était là, assise sur les marches, promenant doucement ses doigts sur une lyre aux sons mélodieux.

-Bien le bonjour ! fis-je. Je ne vous ai jamais vue par ici... Seriez-vous une nouvelle prêtresse ? Je vous vois vêtue des symboles de ma mère.

-Nouvelle ? Assurément pas ! rigola-t-elle. Au contraire, je suis la plus ancienne des prêtresses de Célestia.

Un rai de lumière la frappa. Je dus mettre mon bras devant moi pour ne pas être aveuglé. Lorsque cela s'arrêta et que je baissai mon membre, c'était une grande dame que j'avais devant moi. Une dame assez similaire, mais tellement plus familière.

-Au fond, être divin commence directement par être son propre prêtre. Bien le bonjour, Thauroji.

-ET M... Pardon. Excusez, mère.

-Tu sais, tu n'es pas obligé de faire tant de chichis avec moi. Et tu n'as pas à t'excuser, quand je suis sous forme mortelle tout le monde me confond soit avec une de mes prêtresses, soit une ancienne reine, alors...

-Une... Ancienne reine ? Tu veux dire quoi par-là ?

-Sois patient. Je voulais parler avec toi, justement. Mais avant ça, j'aimerais arranger quelques petites choses.

-Comme... quoi ?

-Ton état, par exemple. Tu sais que ce n'est pas bon pour un enfant de la lumière de porter autant d'ombre ?

-Je...

-Je te rassure, je ne parle pas de cette charmante Alexandra. La côtoyer ne signifie nullement se faire corrompre. Je parlais de ton état mental. Il y a plusieurs choses qui te tracassent.

-C'est que je me fais du soucis pour Atherach.

-Oui, ce garçon est un cas inquiétant. Hydunn pense qu'une force maléfique est sur le point de sévir dans l'Académie. Nous n'avons pas forcément décelé quelque chose en Atherach, mais il se peut qu'il soit lié à l'affaire. Malheureusement, lorsque j'ai demandé à Baal ce qu'il s'y passait, il m'a répondu qu'il n'avait envoyé personne, et qu'il ne détectait aucune activité démoniaque dans le secteur. Deux cas s'offre à nous : soit il y a un serviteur d'un dieu maléfique dans les environs, soit il s'agit là d'une possession illégale.

-Une possession ? Atherach serait possédé ?

-Nous ne sommes pas certains qu'Atherach soit la source du problème. Il faut être certain du nom de l'entité qui l'a possédé pour certifier la chose, si tel est le cas, et dans l'autre situation, Summanus et Borée, ses deux dieux, ont entièrement nié avoir fabriqué quelque chose à son sujet. Et personne ne peut mentir à un dieu, pas même un autre dieu. Enfin... Sauf s'il s'agit de dieux comme Hermès ou Loki, mais ils sont hors de cause.

Je commençai à avoir la nausée.

-Si le problème est Atherach, alors c'est une possession. Mais, je te rassure, il est possible qu'un simple mage, qu'il soit serviteur divin, Chtonien ou corrompu, l'ait manipulé pour qu'il semble louche.

-C'est vrai ?

-Je peux te l'assurer. C'est Thot qui est chargé de l'enquête, et en tant que dieu égyptien de la connaissance, en plus d'être le plus érudit d'entre eux, il est sûr et certain que tout ce que je t'ai dit était vrai. Il continue à explorer les possibilités, à chercher des indices, mais pour le moment c'est tout ce que nous avons.

-Il y aurait donc un traître...

Je ravalai le vomi qui remontait dans ma gorge... Je sais pas pourquoi, j'avais une intuition ; la prochaine fois que je verrais mon prof de magie électrique, je lui poserai bien des questions. Lui qui savait si bien manipuler le mental, lui qui semblait tellement passionné de puissance qu'il aurait pu faire n'importe quoi, lui dont le cerveau potentiellement fou recelait des mystères.

Célestia posa sa paume droite sur mon torse blanc aux motifs bleutés. Tout mon mal-être, tout mon stress et toutes mes inquiétudes sont parties en fumée.

-Je te l'ai dit, c'est pas bon pour un fils de la lumière de receler autant d'ombre.

-Désolé, je peux pas m'en empêcher...

-Tu n'as pas à t'excuser. Tu ne pouvais rien prévoir. Laisse-moi t'apaiser le cœur.

Sur un mur du temple, un portail de lumière s'ouvrit. Ma mère entra en première tout en me faisant signe de la suivre, puis je me décidai à y aller.

Dès que je sentis que j'étais en suspension dans les airs, mon sang ne fit qu'un tour : je dépliai mes ailes et je me stabilisai. Puis je regardai tout autour de moi : tout n'était qu'immensité, vide et étoiles. J'étais dans l'espace. Sur ma gauche, ma mère souriait en me regardant, tranquillement assise sur une gigantesque branche... Mais la branche de quel arbre ? Je me retournai...

Le grand Yggdrasil se tenait devant moi. Le plus grand arbre jamais connu : l'Arbre-monde.

Etrangement, je pouvais me mouvoir dans cet espace vide comme je me mouvais dans l'air. Du coup, d'un battement d'aile, je rejoignis ma mère sur la branche.

-C'est beau, hein ? Me demanda-t-elle.

-C'est magnifique...

L'Arbre-monde n'était pas si grand que ça, en fait. La taille d'un système solaire, sans plus. Mais on voyait des portails dispersés çà et là, tels des fruits chargeant lourdement les titanesques branches d'Yggdrasil. Les portails vers l'ensemble des mondes. Vanaheim, Asgard, Midgard, Alfheim, et j'en passe... Je crois que j'en ai pleuré des larmes de joies.

-C'est ma vue préférée du Macrocosme entier. Regarde ce qui se trouve en-dessous de nous !

Une sorte de trou de ver s'accrochait à l'endroit désigné. A travers cette faille spatiale, je vis plusieurs lieux se succéder... Parmi eux, je reconnus l'Omphalos, le centre Grec du monde, situé au temple de l'Oracle de Delphes.

-Ce sont... Les différents centres de Midgard selon les cultures ?

-Plus que Midgard. Nous sommes sur la branche du Centre du Multivers. Mais je suis contente que tu aies remarqué l'essentiel !

-J'ai juste supposé en remarquant l'Omphalos, en fait.

-Ce n'est pas grave. Comment tu t'en sors avec 3L-3C-7R-0L : Y5 ?

-Que... Comment t'es au courant ?

-Les dieux voient tout. Je n'use pas souvent de ce pouvoir, mais je l'ai principalement utilisé pour te surveiller, toi. Voir si tu allais bien.

-En fait, ce projet me dégoûte peu à peu. A force d'imaginer des choses en plus pour elle, à force de n'arriver à rien et à force de recommencer tout le temps les même choses, je pense que je vais finir par abandonner le projet "Electrolys".

-Ce serait une énorme erreur.

-Pardon ?

-Tu n'es pas sans savoir que l'histoire s'est répétée maintes fois, ici. Tu es assez intelligent pour savoir que s'il y a eu plusieurs Nikola Tesla...

-Alors il y a eu plusieurs Thauroji, plusieurs Atherach, plusieurs Xenthores et plusieurs Witz ?

-Juste... Et faux en même temps. Pour une raison inconnue, Xenthores n'est né qu'une seule fois, à Anthropia. Sinon, Atherach et Witz, tels que tu les connais, ont tous deux divergé de leur temporalité personnelle en empruntant le portail vers Revaltia. Et toi aussi.

-Ça signifierait que tu m'as porté genre... quatre fois ?

-Une seule, en réalité. Lorsque tu es né, ton essence aurait dû se diviser en une infinité de parties qui se seraient transportées dans l'infinité des univers alternatifs qu'il existe... Mais là, cela a été différent. Pour une raison que j'ignore, tu t'es divisé seulement en quatre. 98% de ton esprit s'est incarné dans Revaltia, où tu as accompli des miracles. Les deux pourcents qui restent ont été envoyés à Anthropia, où, privé de la plupart de ton esprit, tu étais condamné à ne pas pouvoir utiliser ton plein potentiel.

-Tu es en train de me dire... Que je ne suis qu'une partie de moi-même ?

-Non. Tu es la meilleure partie de toi-même. Chaque être ayant vécu avant la Divergence temporelle entre Ataraxia, Ampéria et Arcania se trouve dans toutes les dimensions qui corrélaient avec son époque. Dans chaque univers alternatif, il y a des projections de son être : les incarnations. Lorsque les incarnations meurent, une autre reçoit leur pouvoir.
En traversant le portail vers Revaltia, tu as tellement transcendé la temporalité que, pour toi, toutes tes incarnations sont mortes, et tu as reçu leur puissance. Tu as reçu la totalité des âmes de tes différentes incarnations, devenant ainsi l'être que tu n'as jamais été. Aurelia aussi a traversé la même chose ; lorsque je l'ai "divinisée", son Essence même s'est réunie pour en faire le meilleur d'elle-même.

-Je commence à avoir mal à la tête...

-Ce n'est pas étonnant.

Je me suis couché sur la branche. J'eus l'impression de sentir la sève de l'arbre-monde parcourir ses veines végétales.

Un monstrueux cri d'écureuil parvint à mes oreilles, suivi de la voix tonitruante de Hydunn, mon père, gueulant "COUCHÉ, RATATOSK ! CETTE BRANCHE-LÀ EST RÉSERVÉE !"

J'admirai le sommet de l'arbre-monde. Deux majestueux oiseaux côtoyaient un somptueux palais, sans doute celui d'Aether et d'Arthus.

-Du coup, pourquoi ce serait une énorme erreur de ne pas faire Electrolys ? demandai-je à ma mère lorsque je fus reposé.

-Maintenant que je t'ai tout expliqué, je peux enfin te dire que cette "Electrolys" n'est pas une IA comme les autres. Elle fait partie de ton destin.

-Comment ça ?

-En tant que Mage, tu es à trois reprises né à l'Époque Ampérienne, au contraire de ta seule incarnation anthropienne, née à l'ère d'Internet.... où ta science était destinée à ne pas être utilisée à bon escient. Pourtant, généralement, il se peut que toutes les incarnations diffèrent légèrement temporellement, juste assez pour ne pas perturber les Timelines. En ce qui concerne tes incarnation Revaltiennes, je les ai longtemps observées, et j'en conclus que Electrolys sera la clef de ton existence.

-C'est-à-dire ? Qu'est-ce que tu as vu ?

-A chaque fois, tu étais un ingénieur incompris. Personne ne voulait de toi. Puis, en secret, tu concevais 3L-3C-7R-0L : Y5, et d'un coup ta popularité montait en flèche. Avec son soutien, sa force, sa puissance, son intelligence et son habileté, tu étais devenu un des hommes les plus reconnus de la terre entière, jusqu'à arriver de peu à devenir le tout premier Empereur. Tu étais là, pendant la révolte des Exos, et on a failli te choisir pour régler la crise... Mais, avant qu'on ait pu te sacrer empereur, tu as disparu. Envolé. Evaporé, tellement mystérieusement que même Thot n'a rien trouvé à ce sujet. Ni même les chrono-archéologues qui ont remonté le temps pour suivre ta trace.

-Ah...

-Fais confiance à ton ami Chirutll, ton intelligence est en ce moment même en train de recevoir à la fois l'énergie de développement cérébral fulgurique, et à la fois l'intelligence de toutes tes incarnations interdimensionnelles. Un jour, tu seras capable de finir ce projet, et cela sera peut-être plus tôt que tu ne le penses. En attendant, fais une pause. Arrête d'y penser. Tu as d'autres choses sur lesquelles te préoccuper.

-Comme Atherach ?

-Comme Atherach.

Je me relevai. Plus loin sur la branche, Hydunn menaçait un écureuil géant de son énorme épée. Mon père me protégeait de ce petit salopard. Ratatosk était un pauvre petit (enfin... pas si petit) écureuil sur Yggdrasil, menacé de se faire bouffer en même temps par Nidhogg, un dragon rongeant les racines de l'arbre-monde, et par Hræsvelg et Vedrfölnir, respectueusement l'aigle et le faucon de la cime du frêne cosmique. L'écureuil s'est arrangé, pour ne pas qu'il lui soit fait du mal, pour semer la discorde entre les trois créatures. Nidhogg lui faisait passer des insultes destinées aux deux oiseaux et Ratatosk transmettait le message. Les oiseaux rajoutaient à cela d'autre insultes destinées à Nidhogg, et cætera... De cette manière, les trois monstres étaient trop occupés à trouver des insultes encore plus fortes et à se plaindre pour se soucier du rongeur. Le côté négatif... C'est que toute personne s'aventurant sur Yggdrasil et rencontrant le rongeur doit se préparer à recevoir un échantillon des millénaires connaissances insultantes de Ratatosk, jusqu'à en perdre la volonté de vivre.

Ouaip... Bordel, ça fait du bien d'avoir un père dieu du courage pour contrer ce genre d'éventualités.

Je sortis ma pierre électrique et rejouai un peu avec, en faisant gaffe de pas la faire tomber.

-Et les autres ? Demandai-je. Ils étaient quoi ?

-Baal m'a parlé des origines de Xenthores. J'en ai déduit que Pyro était un cas exceptionnel incapable magiquement de donner naissance à plusieurs âmes. Elle n'en a produit qu'une seule dans tous les univers, mais une âme d'une grande puissance. Cette âme devait choisir une dimension aléatoire pour se matérialiser, et c'est tombé sur Anthropia, à l'Ère d'Internet. J'ai remonté son histoire, et j'ai vu que son corps s'est composé en plein dans les flammes de l'âtre d'un couple assez simple. Cela dénonce clairement ses origines surnaturelles.
Witz et Atherach étaient tous deux des gens normaux de l'Ère d'Internet. Le premier, un très bon archer fidèle à la culture traditionnelle japonaise, avait toujours un collier orné d'une tête de dragon. Tout le monde, chez les entités supérieures, se doutait que c'était un puissant Artéfact, mais il a utilisé son multi-élémentarisme principalement pour voiler son utilité. Lorsqu'il est mort, il envoya son collier on ne sait où, et personne ne l'a encore retrouvé. En 3000 ans, il faut le faire...
Atherach, lui, était un garçon hyperactif sans histoire, comme tu l'as connu. Bon ingénieur, son passe-temps favori était la sculpture de glace. Pour ça, il était fort malhabile de ses mains, voilà pourquoi il adorait sculpter directement par magie. Et pas seulement des bêtes statues, mais aussi de délectables chaos hivernaux.

-Cela me semble trop différent... Mes potes de maintenant ne devraient-ils pas adopter inconsciemment le caractère de leurs autres incarnations ? Parce que là, entre un honorable sculpteur sur glace et une source d'inquiétude...

-En fait, Dès que vous avez traversé le portail, vos "Timelines" ont entièrement divergé de la voie de leurs autres incarnations. Voilà pourquoi Atherach semble différent, et voilà pourquoi Witz n'a encore aucune idée qu'il possédait un grand artéfact. De la même manière, comment aurais-tu voulu suivre à la fois ta voie Revaltienne et tes voies Sans-Pouvoirs, vu que dans les deux univers tu es né à des époques différentes ?

-Tu as raison... Cela me casse tellement la tête...

-Je comprends. J'aurai pu attendre un peu avant de t'en parler, mais, malgré tout ce qu'on pense de nous autres, volontés supérieures, ni les dieux, ni les démons ne sommes parfaits. A l'époque, dans l'Ère Ampérienne, il m'était interdit d'interagir avec toi, vu que c'était Vincia la déesse principale. Et maintenant que les dieux peuvent totalement profiter de tout ça, tu comprends mon impatience !

-Je pense que j'aurais été aussi impatient, à ta place, rigolai-je.

-Tu es loin de la vérité. Pendant deux millénaires et demi j'ai attendu le moment où nous pourrions enfin nous réunir. Et maintenant... Tu es là.

Un flash lumineux m'aveugla un petit instant. Ma mère avait repris forme humaine... Ou plutôt elfique.

-Elle te plaît ? demanda-t-elle.

-Ta forme mortelle ? Je la trouve super belle, pourquoi ?

-Mais non ! s'esclaffa-t-elle. Ta pierre !

Elle désigna le caillou électrique avec lequel je jouais.

-Ah, oui... Il me rappelle quelque chose, en fait.

-Le mont Olympe ?

-Oui, c'est ça... C'est un cadeau de ta part, n'est-ce pas ? Tu m'as rendu la pierre que j'avais prise à son sommet, en amélioré ?

-Exactement. Le bâton que tu as reçu, c'était un cadeau de l'Académie. N'avais-tu pas droit de recevoir un cadeau de bienvenue venant de nous ? Elle a été bénie par Zeus en personne.

-WOAH, SÉRIEUX ?

-Je ne peux pas être plus sérieuse. Fais attention avec elle... Elle possède une volonté propre qui défendra à quiconque de s'en emparer sans ta permission, sous peine de se recevoir de grosses décharges dans les doigts.
En principe, elle a une énergie infinie, mais son débit énergétique est limité. N'essaie pas de l'utiliser pour amplifier ta magie, cela ne fonctionnera pas. Tout ce que tu ferais de cette manière, c'est risquer de la surcharger, donc de la faire exploser.

C'est le plus beau cadeau qu'on m'ait jamais fait jusqu'ici. Une authentique pierre du mont Olympe, bénie par Zeus, et à la capacité électrique infinie... Je fonçai vers ma mère et la serra très fort dans mes bras. Je pense avoir eu quelques larmes de joies, mais sur le moment je ne m'en suis pas soucié.

Après les usages, nous nous sommes quittés. Je repris forme humaine et fonçai, tout guilleret, vers le portail le plus proche.

J'ai adoré visiter Delphes une énième fois. Sauf que cette fois-ci, la Pythie était bel et bien vivante, que tout le décor était cent fois plus futuriste tout en restant assez sobre en technologie -à ce qu'il paraît, la vénérable Oracle avait demandé à ce que son temple reste dégagé et en contact avec la nature, cela l'aide dans ses visions-, et que beaucoup de personnes profitaient de l'ambiance mythique du lieu pour admirer quelques monstres grecs pacifiques, s'entraîner à la magie ou s'apaiser le mental. Parmi tous ces derniers, les mages de l'eau étaient les plus fréquents ; il y en avait des dizaines, flottant au-dessus du sol en position tailleur, les mains sur les genoux, les yeux fermés, le visage détendu, et des rubans aqueux gravitant autour d'eux.

Je me suis dit que j'allais demander une prophétie à l'Oracle, tant que j'y étais. Sauf que 1) je n'avais pas d'offrande, 2) la file d'attente était énorme vu qu'elle était considérée comme la plus grande source d'information de tout l'Archontinent et qu'elle recevait des centaines de personnes chaque jour, et 3) je n'avais pas trop envie de la déranger pour demander des infos au pif (Eh ouaip, j'avais rien à lui demander sinon ce que je deviendrais dans le futur, mais je m'en fiche).

Du coup je me suis promené dans les environs de l'Omphalos. J'ai admiré de mes propres yeux les monuments -et les trésors qu'ils contenaient- des plus grandes et des plus victorieuses batailles des Grecs de l'Antiquité, j'ai couru un peu dans le stade qui se trouvait plus haut sur la colline, admiré les sculptures antiques, tâté ces murs d'il y a cinq mille ans... TOUT, TOUT ÉTAIT ENTIÈREMENT RÉNOVÉ ! Je ne savais par quel miracle ils ont réussi à, d'une part, reconstituer ces trésors archéologiques, et d'autre part, à les maintenir en état, mais les plus frêles statues, le stade entier, l'ensemble complet du temple, TOUT... Semblait comme... NEUF ! Comme si cela avait été à peine construit !

J'appris plus tard que le peu de magie temporelle que les Mages utilisaient servaient pour rénover le patrimoine culturel trop endommagé, intemporaliser ces édifices importants, ainsi que pour opérer des recherches dans le passé (d'où ces chrono-archéologues dont ma mère a parlé). Le temple de Delphes était un des trois complexes les plus importants, avec la Tour de Clairvoyance à Arcania et la base de données de Centralis à Ampéria, ce n'était donc pas du tout illogique qu'il ait reçu une puissante bénédiction arcanique de ce genre.

En me promenant, je remarquai des portails à la base du temple. Des portails gardés par quelques statues -fixées à des piédestaux carrés- qui bougeaient, qui prenaient l'argent des gens, puis qui les laissaient passer... Elles me rappelaient un dieu, ces trucs. J'y allai, par curiosité.

-Excusez-moi ! interpellai-je une des statues.

-Salutations, demi-dieu ! m'adressa-t-elle. Que puis un dieu de ma trempe pour vous ?

je le savais.

-Seriez-vous Terminus ?

-Mais de quelle planète venez-vous ? Bien sûr que je suis Terminus, le grand, le fort, le... Euh... Le pas si beau... Terminus, dieu Romain des bornes !

-En fait je viens de la terre. Mais d'une autre dimension, Anthropia.

-Aaah, oui, Anthropia... C'était une époque tellement nulle pour moi... Non, à présent que j'ai atteint mon apogée, jamais je ne ferais un aussi grand retour en arrière !

-Que voulez-vous dire, par "Apogée" ?

-Vous venez à peine d'arriver ? Très bien.

Il baissa la voix et rapprocha son torse de moi, comme il ne pouvait en aucun cas bouger ses jambes car il n'en avait pas.

-Je vous souhaite de bonnes études dans l'Académie des Néomages. Je sais ce que ça fait, un de mes fils y est passé.

Puis il s'éloigna de moi et pris un ton informatif.

-En tant que dieu des bornes et des frontières, je suis en constante expansion. Je me trouve en ce moment même à des millions d'autres lieux différents, placé sur les centaines de planètes que les Mages possèdent, en surveillant les allées et venues de tout le monde sur l'ensemble de l'Archontinent. Vu que l'empire des mages est en constante expansion, via les colonies interstellaires, les frontières deviennent plus grandes, et, du même coup, on a de plus en plus besoin de mes services... Et des autres dieux des frontières, bien entendu. Parfois aussi ceux du voyage...

-Alors, pourquoi je ne vois pas Hermès par ici ? Dans ce territoire, c'est lui le plus qualifié. Ou encore Apollon, maître des Oracles !

-Je comprends que ce soit bizarre qu'un dieu romain assure l'ancestral territoire grec. Mais bon... Apollon n'en a que faire de surveiller les gens aller et venir de ses différents sanctuaires. Il a déjà assez bien à faire à diriger le soleil avec d'autres volontés supérieures dans sa course céleste ! Et puis, Hermès... On a dû le virer, il s'amusait trop à embrouiller les voyages de ses clients. Résultat, c'est moi qui limite les bornes de l'ancien empire grec.

-Merci de l'explication !

-Pas de problème, petit. Ce que tu vois derrière moi, c'est un portail. Delphes est le genre de lieu qui est relié à tous les grands points oraculaires ou magistraux du monde. Tous les oracles connus sont reliables de ces portails, mais aussi la Tour de la Clairvoyance et Centralis. Tu veux aller quelque part ?

-Pas maintenant, Terminus, merci. Je vais retourner à "tu sais où".

-Aucun problème, fils de Célestia ! En guise de cadeau de bienvenue dans ce monde, la prochaine fois que tu viendras vers moi, toi et tous ceux qui t'accompagnent bénéficieront d'une téléportation gratuite. Profites-en, les portails gaspillent beaucoup d'énergie, il est normal qu'on réclame de l'argent pour les passer. Et c'est assez onéreux, du coup... Bonne journée !

-Bonne journée !

Je me mis dans un endroit à part et j'accomplis le rituel de téléportation vers l'Académie. Mon électrolithe dans la poche, je passai la porte et demandai au premier venu où était Ferdinand ; j'étais loin d'avoir oublié cette affaire. J'obtins une réponse aisément, et je trouvai tout aussi facilement Ferdinand, qui s'entraînait à la manipulation du foudre dans sa propre salle de cours.

-Tiens ! Thauroji ! Comment ça va ?

-Qu'est-ce que tu as fait à Atherach ?

-Que... QUOI ?

sa posture désinvolte se transforma directement en une sorte de crainte. Je repris mon calme et lui expliquai.

-Alors tu comprends... concluai-je mon explication. Je te connais assez pour savoir que tu pourrais faire ça aisément.

Ferd' se détendit totalement.

-OUF ! J'ai eu peur qu'il y ait quelque chose de vraiment grave...

Puis, prenant un ton impérieux :

-Thauroji, entends-moi : je te jure sur le Styx, SUR LE STYX (!) que, si la manipulation mentale est ma spécialité, je ne suis absolument pas maître d'une telle manipulation CORPORELLE. Sur le même serment, je te jure que jamais je n'ai envoyé un seul sortilège sur lui, ni même en sa direction.

Je le regardai, perplexe.

-Cela signifie, en gros, que si je peux créer des illusions mentales, je suis très peu capable d'influer sur les actes de quelqu'un. Je vous avais manipulés corporellement durant ma démonstration, mais vos esprits ne tentaient aucune résistance et c'était de courte durée.

Je le fixais toujours.

-Bon, Thauroji Voltar, je ne vais pas le redire deux fois ; tu es plus croyant envers la mythologie grecque que moi. Mais, bordel, tu peux demander à Octave, un serment sur le Styx n'est pas à prendre à la légère, qu'on soit disciple Grec, Romain, Aztèque ou même bouddhiste !
Un serment sur le Styx qui est rompu, c'est comme le plus violent des cancers : une chose qui tue à petit feu, de la manière à te faire souffrir le plus possible. Je n'ai même jamais touché Atherach, et le peu de temps qu'on s'est vus je ne lui ai rien fait. Maintenant, je t'en prie, je suis du genre assez brusque quand on me dérange de cette manière en plein entraînement, alors si tu voulais bien te retirer...

Je sortis de la salle, convaincu. Je ne pouvais que le croire... La source du problème ne venait donc pas de lui.

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