Chapitre 2 : Nature sauvage
Les étoiles brillent haut dans le ciel nocturne illuminé par les trois lunes du Wolfo. Une étoile filante passe tandis que les astres scintillent de mille éclats. Une lointaine étoile faiblit et s’éteint dans l’immensité des cieux.
Au sol, un soupir et un grognement de félin se font entendre, un étrange animal assis dans les hautes herbes contemple la nuit paisible. À la lueur nocturne, il devient plus visible. L’étrange félidé possède ses yeux oranges, un pelage de couleur fauve-blanchâtre et une apparence de vieux puma anthropomorphe. En effet, il a le dos voûté avec de grandes moustaches et quelques poils blancs. Il est bien musclé et mesure à peu près un mètre quatre-vingt-cinq. Il porte un habit noir et bleu lumineux avec une ceinture nouée à la taille. Sa longue queue nue s'agite au gré du vent pendant qu'il regarde une dernière fois le ciel. Sa tête, ses bras et le bas de ses pattes postérieures sont dépourvus de vêtement.
Derrière lui, il y a un village qui doit être le sien. Les ouvertures des habitations en peau claquent au vent et un feu grésille au loin, pendant que les tours en bois et gardes dans la pénombre veillent sur les autres fauves endormis.
Le vénérable félin interrompt sa contemplation, se lève et se dirige vers les tentes. Il avance à travers des allées, tout en ruminant et en repensant à sa vision. Il s’approche du centre du campement où le grand feu brille. Près de la source de lumière crépitante, il y a un cercle de rocher pouvant faire office de banc. Un félin assis regarde l'élément.
Celui-ci paraît plus jeune et plus aguerri que son aîné, il est presque de même couleur. Sa queue semble danser au rythme du vent et des flammes vives. Ses yeux brillent comme deux torches et ses muscles saillants lui donnent l'aspect d'un fier guerrier. Ses habits sont presque les mêmes que le fauve âgé, mais en légèrement plus clairs. Et il possède en plus des mitaines noires aux bouts des pattes antérieures. Il hume l’air et, sortant de ses pensées, remarque la présence de l’ancien. Il grogne amicalement et s'écarte un peu. Le vieux félin s'assoit et entame la discussion d'une voix calme et polie dans une langue trop animale pour la compréhension humaine. Le vent caresse doucement leurs poils et fait voler quelques feuilles et étincelles.
– Hurf, alors, on ne dors pas Fland ? On a encore fait un cauchemar ? Interroge-t-il en mettant étirant ses muscles assagis vers l'élément flamboyant et en pivotant la tête vers son pupille.
– Si ce n'était que cela, grand-père Flavron, je crois que ça irait. J'ai d'autres soucis, comme mon ambition de devenir un élite et de faire honneur à elle…Et à notre famille. Répondit le dénommé en projetant de la terre avec sa queue et en fermant les poings avec nervosité.
– C'est vrai que ton cas est particulier, mon petit-fils. Ce n'est pas tous les jours que ça arrive d'avoir de forts sentiments pour quelqu'un. Surtout chez nous autres, nous les Fauvars qui ne sommes pas très réputés pour aimer notre prochain ou même notre partenaire. Prononça Flavron calmement en passant deux griffes dans ses moustaches.
– Si je pouvais vivre comme un Fauvar normal de seconde classe, ça pourrait convenir. Mais je me suis amouraché de Taïga. Pff, la propre nièce de notre chef. Ajoute le jeune Fauvar en passant un bras derrière sa nuque.
– Ah là, là ! C'est une véritable tornade et il faut en plus que vos sentiments soient réciproques. Une chose est sûre, tu n'as rien à lui prouver, mais tu dois le faire pour montrer que tu vaut plus qu'un simple seconde classe. Conseilla-t-il en jouant encore avec ses moustaches et en appuyant ses paroles par des gestes.
– Je suis prêt à tout pour elle, et même défier les lois ne fait pas peur ! Je saurais montrer au chef que le rang, les origines et les différences ne nous définissent pas. Il faudra bien plus que du temps, un entraînement et des épreuves pour nous empêcher de vivre Taïga et moi ! Affirma-t-il en montrant sa forte détermination par de grands mouvements vers le feu comme pour le saisir.
– Ah, ah ! Comme dirait ton père sang-mêlé, Fresno : ça, c'est un gaillard comme je les aime ! Prononça en ricanant, Flavron tout en tapotant sur l'épaule de Fland.
– Eh bien que de volonté, mon cher ! Je me demandais justement, quand tu aurais le cran de prononcer une chose pareille. Dit une voix douce et féminine qui venait de derrière eux.
Ils retournèrent tous les deux et distinguèrent une féline, Fauvar femelle. Elle se tenait dans l'ombre à côté d'un haut piquet et semblait avoir échappé à leur perception. Elle a les bras croisés et son visage, ainsi que ses yeux pétillants montrent sa joie de trouver assis deux personnes qu’elle affectionne. Elle est légèrement mince, au pelage fauve et grand avec quelques muscles raisonnables. Elle porte de longs habits d'un bleu ciel très pur et argenté.
Ceux-ci sont conçus pour laisser libres de tout mouvement. Seul le bout de ses pattes, sa tête et sa queue sont nus. Bien que son rang ne fasse pas de doute, elle ne porte qu'un simple pendentif en os brillants et quelques bracelets richement fabriqués. On sent qu'elle se veut simple tout en montrant sans artifice qu'elle est fort jolie même pour une féline. À son approche, Fland paraît un peu surpris, mais se lève pour se tenir en face de sa compagne. Les deux intimes se reniflent, se touchent mutuellement le front de leur crâne et s'entrecroisent les mains.
– Taïga ! Ça fait plaisir de te voir. Mais je n'allais pas rester éternellement assis là. J'ai justement une dernière chose à entendre de la bouche de ton jeune et fougueux ami. Dit jovialement Flavron en se levant péniblement
Il traversa les flammes sans se brûler pour se retrouver de l’autre côté en des jeunes tourtereaux.
– Sans le pouvoir qui est le nôtre, un tel prodige ne serait pas possible, grand-père. Prononça posément Fland en détournant à peine son regard de Taïga. Il savait ce qu'on lui demandait, il n'y avait pas à hésiter.
Le couple s'assit près du feu tandis que Flavron resta se rassit en face pour écouter et éviter de faire trop de mouvements brusques. La féline passa un bras sur l'épaule gauche de son comparse en posant sa tête contre ses muscles. Leurs queues se croisèrent et il inspira un grand coup. Il commença alors à parler sous l'attention de deux Fauvars qui lui sont chers.
– Un Fauvar est un fauve anthropomorphe capable de sécréter sur son pelage une substance, du fluide. Celui-ci procure à son utilisateur : force, vitesse, résistance et endurance. Rares sont les créatures pouvant utiliser cette capacité pour doubler leurs capacités et ainsi obtenir une seconde forme de combat. Elle est appelée chez nous : le mode Sauvage. Et il se manifeste en contractant nos membres et en développant une légère aura de la couleur bleu-lumière.
En temps normal, un Fauvar peut avec ou sans contact projeter, broyer un crâne ou percer une armure d'un seul coup de patte. Nous pouvons avec le fluide attaquer frontalement comme à distance. Les déflagrations sont très violentes, surtout en seconde forme. Il permet aussi de nous rendre imperceptibles à presque tout type de détection.
Les meilleurs d'entre nous peuvent prétendre vouloir acquérir un pouvoir encore plus grand. Pour ce faire, il faut être majeur, suivre un dur entraînement d'au plus trois ans, éveiller instinctivement le mode Sauvage et réussir de difficiles épreuves.
Seuls les Fauvars d'élite y ont droit et il leur permet d'obtenir par lègue d'énergie, une forme ultime et très redoutable : c'est le mode Extrême. Avec cela, notre puissance normale est presque multipliée par quatre. Nos yeux deviennent entièrement blancs et une aura plus prononcé et étincelante recouvre l'entièreté de son corps. De plus, nous gagnons en adrénaline et en endurance. Tenter sa chance est possible à chacun d'entre nous, à condition d'avoir l’âme d'un guerrier et le cœur d'un survivant.
– Bien dit, mais il ne faut pas oublier qu'un Fauvar atteint sa majorité à vingt-cinq ans en âge humain. Et que tout Fauvar ayant raté son ascension, devient un potentiel maudit et peut être banni de son clan à cause de sa possible dangerosité et incompatibilité sociétale. Mais je ne me fais aucun souci pour toi-même si tu n'es pas entièrement Fauvar. Sur ce, je vous laisse jeunes gens. Prononça amicalement Flavron en se relevant.
– Il ne fait aucun doute que Fland réussira. Vous pouvez avoir confiance en lui. Il prouvera à tous qu'il mérite d'hériter par cérémonie de la force de sa famille et d'avoir mon propre soutien contre l'avis de mon tuteur d'oncle-chef des Griffes de rages. Il n'y aura pas une barrière qui se dressera entre Fland et moi, qui que je sois ou que je choisis d'être. Affirma Taïga en assumant pleinement sa condition au sein du clan Fauvar.
Flavron laisse les deux jeunes à leur relation raisonnable. Tant qu'ils n'ont pas franchi le cap, il n'y a rien à craindre de la fureur du clan. Les lunes éclairent le jeune couple pendant que l'ancien Fauvar rejoint sa tente avant qu'un nouveau jour ne se lève.
*
Au petit matin, Taïga sort de sa tente. Elle avance entre les habitations et croise d'autres Fauvars du clan des Griffes de rages. Chacun est unique, appartient à une classe spécifique et peut exercer toutes sortes de métiers quel que soit sa classe ou son sexe. Taïga sillonne entre apprentis, chasseurs, tisseurs... Qui peuvent tous apprendre à utiliser le fluide sous toutes ses formes.
Les vêtements des femelles sont de couleur unie avec des variantes de bleu. Tandis que ceux des mâles, sont bleu et noir. La majorité des Fauvars ont un pelage fauve, mais l'on peut aussi noter des nuances de gris ou de noir.
Le rang se reconnaît grâce à l'habillement, l'âge et l'expérience. La jeune et noble femelle s'approche doucement d'un terrain fait de terre et de bois entouré par des hauts piquets. Il se trouve à la lisière d'une dense forêt qui sépare les Fauvars d'autres civilisations. De jeunes Fauvars dont Fland s’entraînent. À côté, des enfants fauves tentent de faire comme les grands. Certains des guerriers rigolent de cela tout en frappant contre des troncs ou des rochers.
Néanmoins, un Fauvar semblable à Fland, en mentor avisé corrige les mouvements des futurs apprentis et s'amuse à leur apprendre les bases. Il est grand, bien musclé et de couleur fauve légèrement argentée. Il porte des habits semblables au jeune, preuve qu’il appartient à la même classe sociale. Il semble fier de transmettre son savoir aux générations futures.
– Que les griffes de la Félinova soit avec vous Fresno. Lança Taïga pour saluer le maître et donc père de Fland.
– Que la grande féline vous protège aussi Taïga ! Répondit l'interpellé en se retournant brièvement, puis il reprit son enseignement.
La féline s'appuie un moment à la barrière et échange un regard discret avec Fland. Celui-ci lui répond par un clin d’œil avant de se concentrer à son entraînement. Puis elle part vaquer à ses occupations.
Tout en tapant vivement dans le vide et en soulevant des poids, Fland pense à son avenir familial avec Taïga et espère pouvoir un jour être comme son père Fresno avec les gosses. En attendant, il doit tout faire pour réveiller d’instinct son mode sauvage. Car avec cela, après s’être entraîné durement, il pourra prétendre au poste de Fauvar d'élite et participer à la cérémonie de passage pour obtenir le pouvoir du mode extrême.
Tout paraît calme, quand soudain un cri masculin dans le ciel se fait entendre. « Attention en dessous ! » Des Fauvars s'écartent tandis qu'un être vêtue de noir s'écroule au sol. Fland le ramasse et l’empoigne pour lui faire comprendre qu'il n'est pas le bienvenu. L'étranger, un humain, ne touche alors plus terre du fait de la posture dans laquelle il se trouve.
Il est athlétique et grand pour un homme, mais un Fauvar le dépasse de bien deux têtes. Il est vêtu d'un habit noir sans manche et d'une capuche cachant presque entièrement son visage. Ses bras sont recouverts d'une substance noire bleutée. Son cache-visage tombe le long de son dos et révèle un jeune de couleur bronzé, métisse aux cheveux très courts et bruns.
L'homme fixe Fland qui le tient toujours au-dessus du sol. Le curieux individu sourit et en une fraction de seconde, ils se retrouvent quelques centaines de mètres plus loin, hors du village, près d'une plaine vallonnée. Fland est projeté dans l'herbe par le choc du voyage. Néanmoins, il paraît troublé et a un léger spasme. L'humain se tient à quelques pas en face et semble entretenir une discussion avec une personne invisible. Il a la main droite à son oreille et parle d'une voix suave avec un léger ricanement.
– Oui, ça va, ne t'inquiète pas Tenjie. Je contrôle, il faut juste que j'arrive à repartir. Ce fichu disque m'a lâché en pleine nature sauvage. Le spécimen que j'ai sous les yeux n'a pas l'air commode. Dès que j'en ai l'occasion, je disparais.
Fland récupère, se relève, se secoue et avance d'un pas décidé vers l'individu qui tente de calmer la situation. Celui-ci ne semble pas chercher le conflit, de toute façon, il n'a pas l'avantage physique.
– Ok, on peut discuter. Je ne suis pas une menace, je réactive mon objet et je repars. Demande l'individu en implorant presque pour sa vie.
– Va-t’en, humain ! Ce n'est pas ton monde ici ! Grogna Fland en s’efforçant d'être compréhensif, il ne maîtrise pas bien la langue humaine de ce monde.
– Oui, Tenjie ? Quoi, tu es sérieuse ? Je ne fais pas le poids contre lui. C'est du suicide ce que tu proposes. Répondit l'humain à son mystérieux interlocuteur, tout en ignorant Fland.
– Je te dis de partir ! Tu es sourd ?! Grogna de plus belle, Fland qui commençait à perdre patience.
– Si c'est le seul moyen, alors soit. L'étranger hausse les épaules, stoppe sa conversation à distance et marche vers Fland tout en décrochant de son dos, un étrange disque orange et bleu.
– Je t'aurais prévenu. Au nom du clan des Griffes de rages, tu vas payer pour ton impertinence. Grogna Fland passablement irrité et sortant ses griffes pour en découdre avec l'effronté.
Fland attaque le premier d'un coup de patte droite, mais l'autre esquive en pivotant son buste. Son disque frôle la peau du fauve et un poing serré orné d'une plaque tente d’atteindre l’animal au plexus. Cependant, celui-ci perçoit le mouvement et réplique très vite en agrippant au col son adversaire avec sa patte gauche. L'humain décolle du sol et se retrouve propulsé qu'un coup de patte postérieure sur le torse.
L’objet circulaire lui échappe des mains et se met à léviter à l'horizontale entre les deux combattants. Son propriétaire tend la main tout en se relevant avec difficulté. Fland balance ses bras en arrière et les ramène, ce n'était qu'un échauffement.
Toutes dents et griffes dehors, il charge l'imprudent en ne se souciant guère de l'objet planant à quelques mètres. D'un geste de main à distance, l'homme fait tourner le disque à la verticale. Celui-ci s'immobilise et s'active à l'approche de Fland. Un liquide bleuté et brillant apparaît au centre et des triangles s'illuminent sur les contours.
Le Fauvar sent son énergie le quitter pour partir vers l'objet. Il résiste, le saisit et tente de le briser en deux tout en évitant de perdre son calme.
Le jeune humain se déplace alors en un éclair pour récupérer son bien. Ses bras doublent de volume pour lui offrir plus de force. Au contact des deux adversaires, une hallucination ou vision d'un autre temps apparaît devant les yeux de Fland. Son adversaire à l'air d'avoir aussi vu quelque chose. Fland se sent en train de se transformer sans l'avoir voulu, tandis que l'autre tente de résister à la pression.
La brève vision montre un Fauvar bien batit en habit communs et à un humain en noir et armure grise. Ces deux individus rassemblent beaucoup à Fland et à son adversaire. Sous le coup de la surprise et de l'étonnement, Fland laisse échapper un « Grand-père ? ».
Le contact se brise et ils sont tous les deux propulsés en arrière. Le jeune récupère son disque et prononce : « On en discutera en meilleurs termes » avant de disparaître dans un nuage de poussière.
Fland redevient normal, mais des Fauvars ont été témoins de la scène.
Fland a éveillé par instinct sa deuxième forme. Il ne sait pas trop ce qu'il s'est passé, ni ce qu'il a vu, mais il comprend qu'il devra un jour partir à l'aventure pour prouver sa valeur à son peuple et de Taïga.
Le monde dans lequel il vit est le sien, mais une autre voie s'ouvre désormais devant lui. Il a la possibilité de trouver un combat à sa hauteur et pourra utiliser la forme extrême. De plus, il a des questions auxquelles son grand-père, Flavron n'a peut-être pas toutes les réponses.
*
Le lendemain, Fland part dans la forêt, chasser avec trois camarades. Soudain, ils entendent des rugissements. Ce sont ceux d'un Fauvar mêlés à ceux d'un autre félin, il s'agit sûrement d'un affrontement. Les Fauvars s'approchent prudemment et croisent un groupe d’humains en train de fuir. Les compagnons de Fland haussent les épaules face à la lâcheté et faiblesse des hommes et repartent à travers bois.
Mais le jeune ne les suit pas et préfère aller voir le combat, car la curiosité le pousse à découvrir qui est ce félin qui a assez de courage pour faire face seul à un semblable de Fland. Ce n'est peut-être pas le combat qu'il recherche, mais le destin l’a mené là et il veut savoir pourquoi. Il s'engouffre alors dans les bosquets. Les rugissements redoublent et des bruits de lames et de griffes viennent s'y mêler.
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