Chapitre 10: Isgal vs. S'Garon

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Aujourd’hui, j’ai rendez-vous en ville avec Kirah. Elle veut absolument m’emmener dans l’une des boutiques en ville de son styliste préféré, le célèbre Vésoviah.

Cet homme est d’une réputation incomparable et toutes les femmes distinguées de la cité s’arrachent ses créations. Tout le monde connait le grand Vésoviah et bien évidemment, Kirah fait partie de ses plus fidèles admiratrices.

Toutes les toilettes qu’elle porte viennent bien entendu de cet homme et sans le savoir, je porte également ses créations, car Kirah qui s’est chargée de composer ma garde-robe s’est assuré que je sois vêtue à l’image des femmes raffinées de Nosfuria.

    Je viens de quitter la villa et j’emprunte le chemin menant vers la cité. Thraän n’habite pas très loin de la ville, sa maison se situe dans les hauteurs à proximité des collines, mais l’endroit n’est pas si éloigné du cœur de la cité.

J’arrive par le flanc nord et je commence à traverser les habitations. Les villageois me saluent et je prends même le temps de discuter avec certains d’entre eux.

Je me dirige vers la galerie d’Alphée, située à l’Est et menant au quartier dédié à l’habillement et la beauté, car il faut savoir que pour les habitants de Nosfuria, l’apparence physique est une caractéristique essentielle.

Les femmes distinguées, quel que soit le jour ou l’endroit, demeurent toujours élégantes et tous les hommes prennent également soin d’eux. Pour les Fératih, la beauté est un élément primordial et aucun d’eux ne peut tolérer de quelconques imperfections.

    Une fois, là-bas, je m’arrête devant cette magnifique demeure très fleurie sur deux étages. C’est là que Kirah habite.

Elle me surveille par le balcon et elle descend me rejoindre aussitôt. Nous sommes reparties.

    Nous traversons ce grand quartier et arrivons devant ce grand bâtiment, assez haut et plutôt somptueux. Nous pénétrons.

Je suis à l’intérieur de l’une des boutiques de ce fameux styliste. Il s’agit là de sa boutique principale. Il y a un monde fou : une majorité de femmes, mais également beaucoup d’hommes !

Une femme nous aborde et nous demande si nous souhaiterions voir ou essayer la nouvelle collection de Vésoviah. Kirah accepte sur-le-champ.

Je me rappelle pourtant que sur Terre j’étais très coquette et que je prenais soin de moi, mais je crois qu’il y a pire que moi, car Kirah est bien plus qu’une passionnée de mode, au point qu’elle vit même dans ce quartier !

Elle essaye toutes les robes, tous les vêtements…rien ne lui échappe, tandis que moi, je l’observe d’un air amusé. Elle est comme une enfant gâtée qui veut tout ce qu’elle voit.

Alors qu’elle est en train d’essayer l’une de ces robes, elle demande à la femme qui nous a accueillies de s’occuper de moi. Je suis toute de suite confrontée à une multitude d’essayages sans avoir mon mot à dire !

Elle m’autorise à prendre tout ce qui me plait, mais je n’ose pas, car je ne sais pas comment je vais faire pour payer. Ce qu’elle me dit ensuite est assez surprenant… : « Ne t’en fais pas pour l’argent, Thraän est là pour ça ! » dit-elle spontanément.

Je suis à la fois mal à l’aise par ce qu’elle vient de dire, car je ne considère pas du tout Thraän comme mon portefeuille, d’ailleurs, si mes souvenirs sont exacts, je me rappelle que sur Terre, j’avais un travail et que j’étais totalement indépendante. Mais en même temps, j’éclate de rire et je la traite de folle, car elle a dit cela d’une façon tellement naturelle. Ça sortait directement du cœur !

En même temps, sur Nosfuria, ils ont beau être très avancés du point de vue technologique, mais leurs pratiques et façons de faire me paraissent un peu archaïques, car très clairement, les hommes dominent ! Les femmes n’ont pas le droit de travailler. Les hommes en contrepartie sont obligés de subvenir à leurs besoins et cela leur convient parfaitement.

Thraän se comporte exactement de la même façon avec moi. Je ne manque de rien !

Pour moi qui viens d’une autre planète et d’un pays où les femmes étaient indépendantes et revendiquaient leurs droits en tant que tels, leur façon de faire me dérange un peu, mais je n’ai pas vraiment mon mot à dire, alors je n’ai pas d’autre choix que de m’adapter…

    Pendant que cette femme prend mes mesures, je jette un œil sur tous ces gens qui sont aux petits soins pour d’autres. Ils les conseillent sur les tailles, au niveau des couleurs en fonction de leurs teints, sur les accessoires…

L’endroit est bondé de monde et Kirah a déjà sélectionné une bonne dizaine de robes alors que je n’en ai choisi qu’une seule ! Nous passons un bon moment dans cette boutique, après quoi, Kirah a enfin fini ses achats !

    Nous quittons l’endroit, avec au total, dix-neuf robes dont la mienne, puis nous repassons chez Kirah pour les déposer, car ce n’est pas fini…

    C’est reparti ! Direction de la grande place, côté marché, cette fois-ci car Kirah n’a évidemment pas terminé ses emplettes !

Cette fille est quand même incroyable ! Elle passe son temps à dépenser ses éclats de pyps, la monnaie sur Nosfuria, des fragments de minerai très précieux que l’on obtient dans les mines de kupryon après les avoir extraits de la roche. Ces petites pierres sont extraites sous haute surveillance du fait de leur usage, puis transportées au palais de l’empereur afin que ceux qui gèrent les finances du royaume puissent les comptabiliser.

Pour en revenir à Kirah, elle veut tout ce qu’elle voit ! Personnellement, je ne suis pas comme ça, alors son attitude m’impressionne et puis elle est si imprévisible, excentrique et un tantinet prétentieuse ! Je me demande même comment elle peut être la meilleure amie de Thraän, lui qui est plutôt calme, réservé et froid. Je suis sûre qu’il n’aurait pas pu la supporter longtemps si elle était sa dame !

Malgré cela, je l’apprécie et au fil du temps, nous sommes devenues amies… Elle est même un peu comme une sœur qui prend toujours soin de moi.

    Sur la grande place côté marché, nous commençons à appréhender les nombreux étalages où il y a toujours des nouveautés.

Nous sommes là depuis un bon moment déjà et Thraän et Edhän qui nous ont repérés viennent de nous rejoindre.

Kirah part dans son coin avec Edhän nous laissant seuls Thraän et moi. J’ai l’impression qu’elle le fait exprès, car dès que Thraän est avec nous, elle s’éclipse tout le temps pour me laisser seule avec lui !

À vrai dire, j’apprécie beaucoup cet homme, mais il est si froid que lorsqu’il est à mes côtés, je ne suis pas très à l’aise.

Nous discutons en observant chaque étalage et lorsque nous nous approchons du stand où il avait ce petit poa-moah, je constate qu’il a disparu, car c’est exactement à cet endroit que Thraän l’avait acheté à ce marchand. Sora m’était donc bel et bien destiné…

    Quatre hommes arrivent dans notre direction. Ils viennent de s’arrêter juste devant nous. Parmi eux, je reconnais cet homme que je suis persuadé d’avoir déjà vu quelque part, mais où ? Il a le visage assez fin, des yeux d’un bleu magnifique, des cheveux fins d’un noir très intense qui lui arrivent au niveau des épaules. Il porte un vêtement en cuir noir et parait un peu plus jeune que Thraän. Il me sourit et m’observe d’un air plutôt agréable. J’ai vraiment l’impression de le connaitre...

À sa droite, se trouve un homme beaucoup plus âgé que lui. Il doit avoir l’âge de l’homme que j’ai rencontré dans le bois de Panfuria avec le même physique, mais il a de longs cheveux très noirs qui lui arrivent aux omoplates. Il est vêtu un peu de la même façon que le plus jeune, cependant, celui-ci me regarde très curieusement. Je ressens de la noirceur dans son regard...

Deux soldats appartenant à un autre clan que celui de Thraän ou Bragg les accompagnent.

Les cinq hommes se saluent, mais je sens clairement que cela n’est pas franc. Une certaine tension est palpable...

Le plus vieux fait à Thraän un petit signe de la tête.

    — Seigneur Thraän, quelle surprise de vous voir ici !

    Thraän lui répond en lui faisant le même geste accompagné d’un petit sourire déguisé.

    — Seigneur Vorania, c’est toujours un plaisir de vous voir !

    — Je pensais que le Commandant de notre grande armée n’avait pas le temps de flâner en ville et encore moins d’y déambuler aux côtés d’une strangus ! dit Vorania en me fixant étrangement.

    Là, je crois qu’il a un tantinet énervé Thraän. D’ailleurs, c’est bien la première fois qu’il ne m’a pas présenté les personnes qui se trouvent face à moi comme il l’avait fait pour le Seigneur Bragg lors de notre première rencontre. Du coup, je n’ai aucune idée de qui peuvent bien être ces deux hommes.

Le plus âgé reprend et s’adresse à moi, cette fois-ci : « Anna, n’est-ce pas ? Tu es sans doute celle dont tout le monde parle en ville, la protégée du Seigneur Thraän ? »

Je hoche la tête pour lui faire comprendre que je suis bien celle dont il parle, mais je n’ose pas lui adresser la parole, car clairement le courant ne passe pas avec cet homme. Sans même le connaitre, je ne l’aime pas !

Je n’aime pas comment il s’adresse à Thraän. Il est si présomptueux et cette façon de s’exprimer avec une telle arrogance me dérange fortement. Et puis, il y a une telle tension entre ces hommes, que je n’ai pas envie de m’éterniser plus longtemps dans cet endroit.

    Je tourne la tête vers Thraän et je lui propose gentiment de partir.

    — Seigneur Thraän nous devrions rejoindre Kirah et Edhän, ils doivent nous chercher.

    — Tu as tout à fait raison ! Ne nous éternisons pas ici ! me répond-il tout en fixant Vorania dans les yeux. Puis il leur fait un signe de la tête tout en ajoutant : « Seigneur Vorania… Novëh ». Il finit par me dire : « Partons maintenant ! »

    Nous leur tournons le dos directement et nous nous apprêtons à partir, mais ces hommes n’ont pas l’intention d’en rester là…

Edhän et Kirah observent la scène de loin. Ils ne veulent pas intervenir, mais Edhän sait bien ce qui est sur le point de se produire. Il demande à Kirah de l’attendre où ils sont et il se précipite aussitôt vers Anna et Thraän.

    Nous venons à peine de leur tourner le dos que le Seigneur Vorania se met à provoquer Thraän.

    — Seigneur Thraän, pardonnez-moi, mais j’ai tout de même une interrogation…quelle raison pousserait un seigneur d’une telle envergure à protéger une créature si peu évoluée ? Ce n’est même pas une Fératih !

    Alors là, je crois que Vorania a touché une corde sensible, car Thraän, en entendant ce qu’il vient de dire, vient de se stopper directement. Il lève la tête, regarde tout droit face à lui et d’un seul coup, il se retourne et repart furieux vers Vorania.

Je tente de l’en empêcher en criant son nom pour le retenir mais il est incontrôlable : « Non ! Thraän…noon ! »

    Il arrive en face de l’homme et s’adresse à lui d’une façon plutôt impressionnante en haussant le ton très fortement : « Seriez-vous en train de me manquer de respect ? Dois-je vous rappeler qui je suis et qui vous êtes ? » hurle-t-il d’un air furieux.

    Edhän déboule de nulle part et tente de l’empêcher de commettre l’irréparable. Il place sa main sur l’épaule de Thraän et tente aussitôt de le calmer : « Thraän, mon ami, calme-toi ! Je t’en prie Thraän, allons-nous en maintenant ! »

Et moi terrorisée, j’observe la scène de loin, car je n’ose plus m’interposer.

Mon regard se pose sur cet homme à côté de lui, le plus jeune, qui parait plus sympathique.

« Pourquoi ne fait-il rien ? »

Il ne lève pas le petit doigt et n’essaye même pas de calmer les deux hommes.

Je le fixe dans l’espoir qu’il intervienne et tente, lui aussi, de calmer le jeu tout comme Edhän, mais à vrai dire, il semble plus occupé à me veiller. Je n’ai pas l’impression qu’il ait envie que les choses se calment, alors je lui lance un petit regard qui en dit long, car je ne comprends pas son indifférence.

    Il jette un œil à terre. J’ai l’impression qu’il hésite, puis il me regarde à nouveau et soupire avant de se rapprocher de l’homme plus âgé. Il place sa main sur son épaule gauche et tente de raisonner l’homme, enfin !

    — Allons, allons, Seigneur Vorania, en quoi la vie du Seigneur Thraän pourrait-elle bien nous intéresser ?

    Il y a un grand silence…

    Les hommes l’observent, moi également, puis il rajoute : « Je suis convaincu que la protégée du Seigneur Thraän, celle que vous venez de traiter malencontreusement de créature si peu évoluée…Anna (il la regarde en souriant à ce moment précis) sera tout à fait capable de s’intégrer sur Nosfuria. Elle me parait tout à fait charmante et d’après ce que j’ai pu entendre à son sujet, elle est très appréciée dans Avraska. Porter un tel jugement à son égard serait tout à fait malheureux, alors pour une fois, faisons preuve d’un peu d’indulgence envers elle et au lieu de s’acharner sur cette pauvre jeune femme, souhaitons-lui la bienvenue… »

    Je ne connais pas cet homme pourtant, je l’apprécie déjà ! Il a une façon si amusante de s’exprimer, entremêlée à cette pointe d’ironie que j’en ris intérieurement.

Je n’ai pas l’impression qu’il pensait un mot de ce qu’il était en train de dire, mais sa façon de s’exprimer m’amuse. D’ailleurs, je n’aurais jamais pensé que cet homme aurait pris ma défense à ce point et encore moins celle de Thraän !

    — C’est cela, vous avez sûrement raison Seigneur Novëh, faisons preuve d’indulgence… répond Vorania, puis il rajoute : « Seigneur Thraän… », tout en lui faisant un bref signe de la tête.

    Mais bien sûr, celui-ci ne lui répond pas.

    Vorania part seul et en arrivant à mon niveau, il me dévisage, le regard rongé par la colère et l’amertume.

Novëh, le plus jeune, qui est toujours face à Thraän et Edhän, croise ses bras derrière son dos et regarde Vorania s’éloigner. Il semble plutôt réjoui par tout ce qui vient de se produire et avant de partir pour rejoindre Vorania escorté de ses gardes, il lâche d’un air moqueur : « Waouh ! Messieurs… ce fut un plaisir ! »

Au passage, il ne manque pas de me faire un petit sourire amical.

Edhän tente de raisonner Thraän. Il lui fait remarquer qu’il aurait dû se contrôler davantage, car cela pourrait porter préjudice à Anna.

Et en effet, tout le monde dans la cité se doute bien qu’Anna n’a pas subi l’épreuve du rituel et si cela venait aux oreilles de l’empereur, il n’aurait pas été très enchanté de l’apprendre...

    Moi, je n’ose pas m’approcher de Thraän, car lui qui est habituellement d’un calme légendaire, aujourd’hui, c’est bien la première fois que je le vois dans un tel état de furie.

    Edhän s’approche de moi et me demande si je vais bien puis il insiste pour que je rejoigne Kirah et que je rentre à la maison.

Avant d’y aller, je lui demande tout de même si Thraän va bien, car il est resté là-bas. Il ne s’est pas retourné vers moi. Il me demande de ne pas m’inquiéter pour lui, car il se calmerait vite et il m’assure que tout rentrerait dans l’ordre.

Je continue d’observer Thraän en espérant qu’il se retourne et me regarde, mais rien, alors je fais ce qu’Edhän m’a demandé. Je rejoins Kirah et nous sommes en route pour la villa.

    En chemin, j’étais très silencieuse et je ne lui avais pas adressé un seul mot, alors elle tentait de détendre l’atmosphère à sa manière... : « Ne t’en fais pas pour Thraän, il a l’habitude de leurs provocations. C’est une grande histoire d’amour entre eux ! », me faisait-elle savoir avant de partir.

Ce qu’elle avait dit ne me rassurait pas plus que ça, à vrai dire et j’avais bien raison, car ce n’était pas le dernier de nos soucis.

Encore une fois, j’étais seule dans cette grande demeure et je m’inquiétais pour Thraän.


© Tous droits réservés

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(Anna R.Kane: Chroniques d'une jeune terrienne)

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