Chapitre 4 : Chasse

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 L’humain est encore loin, vous n’êtes pas encore dans son champ de vision. Sans réfléchir, vous saisissez le lapin par la peau du cou avec vos crocs en prenant garde de ne pas le blesser puis vous le jetez de toutes vos forces dans les hautes herbes à proximité. Vous lui grognez silencieusement « Ne fais pas de bruit ! », puis vous saisissez à son tour le loup qui gît au sol en le traînant vers la même cachette. Rapidement, vous recouvrez la neige ensanglantée par un autre tas de neige tombé depuis un arbre. Vous rejoignez ensuite les autres animaux à toute vitesse pour vous cacher. Au moment même où vous finissez par vous dissimuler, l’humain apparaît depuis l’autre bordure du chemin. Il n’a pas l’air de vous avoir remarqué.

 Le chasseur cherche pendant plusieurs minutes où est son gibier. Il remarque le tas de neige duquel un peu de sang est encore visible. Heureusement, vous avez réussi à entièrement dissimuler les traces laissées par le corps traîné jusqu’aux hautes herbes. Un humain ne s’attendrait probablement pas à ce qu’un animal ait un cerveau assez développé pour penser à des stratégies pareilles. Malheureusement pour lui, vous n’êtes pas un simple loup.

 Après avoir examiné les lieux pendant quelques minutes qui vous ont semblé être des heures, l’homme armé s’en va enfin, dépité de ne rien avoir trouvé. Une fois que son odeur est assez loin, vous sortez rapidement de votre cachette. Le lapin saute sur votre dos et commence à couiner :

— Merci, Monsieur le Loup, tu m’as sauvé ! T’es pas un loup comme les autres, tu fais pas peur, toi !

— Non c-c’est r-rien…

Vous observez le corps meurtri de celui qui vous attaquait sans relâche quelques minutes plus tôt. Soudain, vous le voyez souffler fort. Il n’est donc pas mort ?! Il a l’air de souffrir. Vous vous souvenez de ce que vous vous êtes promis : plus de cruauté, vous ne voulez plus jamais vivre dans la haine. C’est ainsi que vous levez la tête sans prévenir, en cognant celle du lapin au passage. Celui-ci tombe dans la neige et se relève en se plaignant.

  • Aïe ! Mais qu’est-ce qui t’as pris ?!
  • Désolé, j’ai pas fait exprès, mais tu connais un endroit pour s’abriter ? Ce loup est encore vivant, il faut le sauver !

Vous êtes surpris de ne pas avoir bégayé, l’adrénaline y est probablement pour quelque chose. Le lapin vous répond perplexe.

  • Quoi ?! Tu veux le sauver ?! Pourquoi ?! Il voulait notre mort à tous les deux !
  • Oui, mais je veux lui venir en aide ! rétorquez-vous en fixant votre interlocuteur dans les yeux.

Le lapin réfléchit quelques secondes puis se décide à répondre.

  • Bon… D’accord, je connais une grotte à quelques pas d’ici, suis moi, Monsieur le Loup…

 Vous vous exécutez, en traînant votre congénère par le cou. Le lapin ne vous a pas menti, la grotte se trouvait vraiment à quelques pas. Vous installez la victime sur le sol de pierre froid et sec qui gèlerait même un brasier. Le loup a été blessé au flanc, mais apparemment, ses points vitaux n’ont pas été touchés, sinon il serait déjà mort. Lorsque vous tentiez d'effacer vos traces, quelques minutes plus tôt, vous aviez remarqué que la balle de fusil était sur le sol, et non dans le corps de l'animal. C'est une chance pour vous, puisque la guérison sera plus simple. Vous réfléchissez à un moyen de le soigner, quand tout à coup, un souvenir éclaire votre esprit.

 Votre père a toujours aimé chasser. Lorsque vous étiez enfant, il vous avait emmené en forêt pour vous apprendre les rudiments du métier, et vous étiez tombé, vous ouvrant une plaie sur le front au passage. Pour vous soigner, il avait utilisé des feuilles et des baies provenant d’un arbre : le genévrier. Ce traitement vous avait bien servi, puisque vous aviez pu continuer votre apprentissage sans problème, bien que vous n’ayez jamais réussi à retenir la moindre leçon qu’il vous enseignait.

 À l’époque, vous aviez passé la journée avec cette mixture juste au dessus du nez, c’est pourquoi vous vous souvenez tout particulièrement de l’odeur. C’est grâce à ce souvenir que l’idée d’utiliser ce même remède sur le loup blessé vous est venue. Grâce à votre odorat sur-développé, vous pourriez facilement retrouver des feuilles et des baies de genévrier. Ainsi, vous vous exécutez. Tout d’abord, vous lavez la plaie grâce un tas de neige trouvé en dehors de la grotte. Vous laissez l’eau gelée refroidir la plaie et vous vous mettez en tête de trouver la fameuse plante. Le lapin vous regarde faire sans glapir un mot. Vous lui adressez quelques paroles.

  • J-Je vais trouver de quoi le soigner !
  • Tu es vraiment bizarre comme loup…

Vous sortez de la grotte en reniflant le sol à la recherche de votre ingrédient. Dans un documentaire animalier que vous aviez regardé lors de l’un de vos rares jours de repos, vous aviez appris que les loups peuvent sentir une odeur dans un rayon pouvant aller jusqu’à deux kilomètres. C’est pourquoi, plus que jamais, vous comptez sur ce sens pour vous en sortir.

 Après plusieurs dizaines de minutes à flairer sans relâche, votre narine droite détecte enfin l’odeur familière du genévrier. Vous tracez ce parfum, surpris de la facilité avec laquelle vous y parvenez. Après avoir marché quelques minutes, vous arrivez près de votre destination. Vous vous arrêtez sur une sorte de petit promontoire qui vous permet d’observer les environs. Le genévrier est à votre droite, il vous suffit de couper quelques fines branches avec vos crocs, mais quelque chose d’autre retient votre attention. Au pied de la colline sur laquelle vous vous tenez se trouve un village. Il n’est composé que de quelques chalets disposés autour d’un puits. Une énorme grange le surplombe un peu plus loin, comme un mur protégeant ses habitants des différentes bourrasques de neige. Cette petite bourgade pique votre curiosité, d’autant plus qu’elle pourrait représenter un danger si l’on considère que vous avez failli mourir une deuxième fois des balles d’un chasseur. Ainsi, vous prenez le temps de découper quelques branches de genévrier que vous cachez sous la neige, puis vous contournez le village. Vous avancez avec prudence et discrétion, et votre nouvelle forme de loup vous aide relativement bien. Les habitants sont réunis autour du puits, le soleil est à son zénith, ils doivent donc probablement recueillir de l’eau pour le déjeuner. Tout en avançant à tâtons, vous écoutez ce qu’ils disent.

  • Cette montagne est de plus en plus dangereuse, il y a trop de loups !
  • Ouais, c’est sûr ça fait peur aux enfants !

Vous reconnaissez alors l’odeur du chasseur que vous avez rencontré plus tôt. Il est là, un fusil dans une main, et un lièvre mort dans l’autre. Il s’avance près du puits et continue la discussion.

  • J’ai vu un loup tout à l’heure, il était gris et en bonne santé, je lui ai tiré dessus mais j’ai pas retrouvé le corps…
  • T’es sûr que tu l’as pas raté ? lui lance un autre homme.
  • Bah… Non normalement…
  • Ha ha, t’es une vieille branche maintenant !
  • Ouais… En tout cas faut qu’on s’occupe de ces vermines, en plus ça nous fera de la fourrure…
  • Ha ha, c’est sûr !

Vous avez appris des choses qui vous terrifient, ces humains cherchent à éradiquer les loups de la montagne. Vous en êtes un, ce qui n’est pas rassurant pour votre sécurité…

 Ayant pu récupérer les feuilles de genévrier et des informations intéressantes, vous décidez de revenir sur vos pas. Vous prenez les branches cachées au passage et continuez le chemin jusqu’à la grotte, en prenant garde de ne croiser personne. Heureusement pour vous, vous avez toujours eu un bon sens de l’orientation, c’est pourquoi vous arrivez sans encombre à destination.

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