Trou noir 3/3

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J’ai l’impression d’être dans cette chambre depuis une éternité et pourtant la hauteur du Soleil me dit le contraire. J’ai réussi à me remémorer une partie de ma soirée et même le prénom de la fille avec qui j’ai sûrement passé la nuit.

Adélaïde !

Quel merveilleux prénom. La simple évocation de ce souvenir met mon corps en ébullition. Je prends conscience que ce qui m’est arrivé la nuit dernière est intimement lié à un sentiment violent et nouveau qui m’a submergé tel un raz-de-marée. Est-ce ce qu’on l’appelle un coup de foudre et a-t-il été réciproque ?

Il me faudrait peut-être quitter cette pièce pour en avoir le cœur net, mais je n’en ai pas encore le courage. C’est un comble pour un militaire, ayant déjà participé à des OPEX en Afghanistan. Mais mon aptitude au combat ne me sera, en cet instant d’aucune utilité.

Pourtant, ma douleur à la main semble sûrement liée à une bagarre, car j’en reconnais les caractéristiques. Mais avec qui me suis-je battu ? Je me sens légèrement idiot à inspecter ma main sous toutes les coutures, pour y trouver cette réponse. Et plus je me concentre, plus mes phalanges me lancent. Quand enfin, je reconnais les prémisses d’un nouveau voyage temporel.

Je suis d’abord emporté par la peur avant de repartir dans mes souvenirs. Je suis dans cette boite de nuit, aux lumières bleutées et m’écarte des bras d’Adélaïde. Un molosse arrive vers nous, le regard noir et les poings serrés. J’ai la tête embrouillée par l’alcool et je sais que, même si du fait de mon métier, j’ai des aptitudes au combat, celles-ci sont nettement diminuées. Ce grizzli à deux têtes, pas moins, ne va faire qu’une bouchée de moi.

— Mikaël, la sortie de secours, suis-moi, hurle Adélaïde.

Mais il l’attrape par ses longs cheveux et l’attire violemment vers lui. Je le vois lui hurler dessus, sans en comprendre le moindre mot. Sa main se lève et il va de toute évidence la frapper, mais je bloque son coup en lui attrapant le bras. Quand il fait volte-face, je vois son regard noir, la transpiration qui fait briller son visage et lui donne un air porcin.

C’est maintenant moi qu’il veut cogner. Mon cœur déjà très agité, accélère encore et une poussée d’adrénaline me permet d’éviter le premier coup. Je riposte en lui assenant un violent coup de poing dans le ventre, qui s’enfonce mollement sans faire vaciller le moins du monde mon adversaire. Le deuxième coup que j’évite semble encore plus rapide et j’y réponds par un croquet dans le flan. Je n’ai pas plus de succès et ne fais qu’augmenter sa rage. Son visage, maintenant, est rougi par une rage folle. Il prend une grande inspiration et tente de porter un coup si violent qu’il risque de me tuer net. Je ne sais pas par quel miracle, je me penche en arrière, tout en m’agrippant à son col et me redressant, le frappe au visage.

Il n’est pas sonné, à peine interloqué, mais suffisamment pour me laisser le temps de prendre Adélaïde par la main et courir. Les gens nous ouvrent le passage et me retournant, je le vois s’affaler de tout son long, alors qu’un inconnu semble lui avoir fait discrètement un croche-pied. J’appuie sur la barre de la porte de secours et me retrouve au côté d’Adélaïde dans une ruelle sombre et froide.

J’analyse vite fait les opportunités et opte pour une ruelle étroite sur la droite.

Cela doit faire cinq bonnes minutes que nous courons maintenant en changeant continuellement de direction.

— On peut s’arrêter, dit Adélaïde qui semble à bout de souffle.

— Oui, excuse-moi. Je ne me suis pas rendu compte. Je cours presque dix kilomètres par jour.

— Non, mais c’était nécessaire. On pourrait juste se poser là, entre cette voiture et cette camionnette et attendre un peu.

Nous sommes là dans la nuit froide, sans le moindre manteau, que nous avons malheureusement laissé dans la boite de nuit. Mais étrangement, son regard tendre me réchauffe. Mon souffle est encore rythmé par notre course effrénée et ponctué par des battements de cœur qui se calment peu à peu. Un petit frisson ébranle Adélaïde et interrompt cet instant intemporel.

— Tu as froid ? lui demandé-je.

— Oui, mais malheureusement tu n’es pas plus couvert que moi.

— Mais je peux te prendre dans mes bras.

— Mikaël ? dit d’une voix toute douce Adélaïde.

— Oui ?

— Crois-tu que c’était un coup de foudre ?

— Sûrement. Car je suis incapable de m’expliquer cette soirée autrement, dis-je d’un rire léger et complice.

— C’est exactement ce que je me suis dit, avoue-t-elle, laissant en suite le silence s’emparer de nous quelques instants. Mikaël ?

— Oui ?

— C’est fou, j’adore dire ton prénom.

— Tu voulais juste dire ça ?

— Non ! J’ai très envie de toi, maintenant. Il fait froid, mais je brûle à l’intérieur.

Elle m’attrape par le col et m’attire à elle pour m’embrasser. Elle ne le sait pas, mais je suis à la fois dans un état d’intense excitation et d’effroi. Je n’ai aucune expérience, ayant toujours privilégié la raison aux sentiments. Mais d’instinct, mes mains trouvent le chemin de son corps facilement, mes lèvres se mélangent aux siennes naturellement. Mon sexe est déjà raide et à l’étroit dans mon pantalon. Sa main se pose sur mon épaule et d’une légère pression me fait me mettre à genou. Je la vois là, ses fesses sur le capot de la voiture et soulève sa jupe pour découvrir son intimité encore caché sous sa lingerie. Une odeur suave et crémeuse éveille mes sens.

— Mikaël, tu rêves, me dit Adélaïde, alors que je suis revenu dans la chambre.

Elle se tient devant moi, vêtue d’un simple tee-shirt gris.

— Excuse-moi ! Je crois que je n’ai pas vraiment dessoûlé d’hier.

— Ah, dit-elle déçue.

— Non… mais… je sais à peu près où je suis, où plutôt qui tu es et d’où je viens.

— Hahaha ! Nous sommes chez moi et plus exactement dans ma collocation. Nous sommes venus à pied, de à peine deux kilomètres. Tu t’en souviens ?

— Et bien, j’ai mis les pièces du puzzle, jusqu’à…

Je sens mes joues s’empourprer et j’ai très chaud tout à coup.

— Capot…, jupe… balbutié-je.

— Un très bon moment. Veux-tu que je te rafraîchisse la mémoire ? dit-elle en s’approchant de moi, pour finir par poser ses lèvres sur les miennes.

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