Chapitre 4

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Le lendemain, après une soirée bien arrosée, à laquelle je ne participai pas, je me levai à 7h. Le spectacle qui fut donné me plongea dans un sentiment partagé entre l’amusement et la colère.

Clara étant la seule qui s’était couchée en même temps que moi, elle n’était pas dans la salle principale. D’ailleurs, elle arriva en même temps que moi. Elle éclata de rire et retourna se coucher, le corps secoué de tremblements.

Thibault, Lionel et Alex étaient allongés par terre. Lionel était plus précisément la face contre le bureau, un filet de bave dépassant d’un coin de sa bouche. Thibault était par terre, deux bouteilles de champagne serrées contre lui. Alex avait la tête collée contre la porte de la quatrième salle, celle contenant tout l’argent, comme s’il en avait rêvé toute la nuit.

Alex commençait d’ailleurs à émerger tout doucement. Il grogna :

  • Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

C’était plus tôt, tant sa bouche était empâtée à cause de l’alcool :

  • Gnnn... Qu’e’qui passe ? J’é mal à l’tête...
  • Tu m’étonnes ! Vu la nuit que tu viens de passer, il doit y avoir un mammouth dans ta tête !
  • Pas un seul... un troupeau. Evit’ de crier stp.
  • Non, je vais même peut-être hurler, si ça peut t’aider à te réveiller. Oh oh ! Alex ! Reviens à la vie !

Alex se détacha de la porte en vacillant, m’adressa un doigt d’honneur, puis tomba lui aussi face contre terre. Je soupirai :

  • Eh bien... Ce n’est pas gagné !

J’allai chercher un verre d’eau, puis le jetai à la figure d’Alex. Celui-ci grogna, mais ne répondit pas. Je soupirai de nouveau, puis je les laissai tranquille en pensant :

  • Ils souffriront bien plus avec la gueule de bois, pas besoin d’en rajouter.

Je sortis dehors faire un petit tour, puis reviens à 10h. La situation n’avait peu ou presque pas évoluée. Lionel ne s’était toujours pas réveillé, Thibault vomissait dans les toilettes, et Alex se tenait la tête dans les mains. J’ironisai :

  • Ça se voit que vous n’avez pas fait la fête souvent ! Vous ne savez du tout tenir l’alcool !
  • Parce que toi, tu as de l’expérience dans les fêtes, peut-être ? lança Lionel, relevant soudain la tête.

Je l’avais sous-estimé. Il ne dormait pas. J’acquiesçai :

  • Non, et c’est pourquoi je n’ai pas participé à votre nuit de beuverie.
  • Alors, les bourrés ? lança Clara. Ça se remet ?

Lionel pointa son doigt vers elle, avant de glisser de sa chaise et tomber par terre. Je l’aidai à se relever et accompagnai les autres dehors. Je leur conseillai, après m’être assuré qu’ils n’allaient pas s’évanouir :

  • Ne vous approchez pas trop près du bord ! Dans l’état où vous êtes, vous êtes capable de tomber.

Aucun d’eux ne répondit, sans doute trop occupé à se concentrer pour oublier leur mal de tête. Je retournai dans la base, et préparai le prochain plan. Je voulais faire un peu un même plan que notre première attaque, qui avait bien marché.

J’indiquai les cibles à Clara, qui commença à s’introduire dans les caméras et les centres informatiques pour avoir plus d’informations. Vers 12h, comme je commençai à m’inquiéter de ne pas voir les autres revenir, j’allai voir dans la forêt.

Alex et Lionel s’étaient rendormis, quant à Thibault, il semblait aller mieux. C’est du moins ce que je croyais avant de le voir vomir brusquement par terre. Je demandai :

  • Ça va ?
  • Je me suis purgé, répondit simplement Thibault.
  • Tu te sens capable de manger ?
  • Non ! Je ne pense pas manger aujourd’hui. Je vais juste descendre pour boire un peu, sinon je vais me dessécher.
  • Et les autres ? demandai-je en indiquant les deux frères d’un signe de la tête.
  • Ça fait une heure et demie qu’ils dorment. Laisse-les tranquille, il vaut mieux qu’ils se reposent.
  • Comme tu veux. C’est toi l’expert.

J’entendis soudain la voix d’Adam qui m’appelait de l’intérieur de la base. Je disparus pour réapparaître dans la base. Je m’inquiétais :

  • Quoi ? On va être découvert ?
  • Non. L’un des témoins a émis l’hypothèse qu’un point commun entre les attaques était la forêt.
  • Aucun problème, cette hypothèse ne tiendra jamais la route. Tu crois qu’il en sait trop ?
  • Il pourrait peut-être nous causer des ennuis, en effet.
  • Et en plus, vu qu’Alex est momentanément indisponible, je vais devoir m’en charger tout seul.
  • On parle de moi ? cria une voix.

Je me retournai et découvris Alex, qui marchait à grands pas vers moi. Il me dit très sérieusement :

  • Je suis parfaitement capable de tuer quelqu’un !
  • Dans l’état où tu es, tu es plutôt capable de rater un éléphant coincé dans une maison, oui ! En plus, ton haleine empeste toujours l’alcool !
  • Effectivement, tu as peut-être raison, dit Alex en se tenant le ventre. Je vais suivre tes bons conseils et me coucher immédiatement. Tu sais, Edward, je t’ai toujours dit que je détestai, mais c’est faux ! Tu es le meilleur patron que nous avons jamais eu ! Bien mieux que Claude et ses petits plans foireux ! La preuve, je ne me suis jamais fait attraper dans l’un de tes plans !
  • Je te rappelle que nous n’avons fait qu’une attaque, observai-je. Qui s’est bien passé, certes, mais...
  • Faux ! On n’en a fait trois !
  • Oui, c’est vrai. Allez, va te coucher, on n’en reparle demain.
  • Quelqu’un peut m’expliquer ce qu’il s’est passé hier soir ? demanda Adam une fois qu’Alex fut parti.
  • Non, dis-je sèchement. Pas la peine. Pour en revenir à ton témoin, regarde sa déposition. Si effectivement elle est trop dangereuse, on pourra le tuer. Mais là... je ne fais pas confiance à Alex.
  • Et toi alors ?

Je ne répondis pas. Alex lança, de l’autre bout de la pièce :

  • Il vient de se rendre compte de ce que c’est, de tuer quelqu’un !
  • Tu ne devais pas aller te coucher ?
  • Non. Je ne vois pas de quoi tu parles.

Alex eut un haut-le-cœur et dit, dans un filet de voix :

  • Ah oui, effectivement, je ferais mieux de me coucher.
  • Je pense que c’est mieux, oui. Prends un seau, au passage.
  • On pourrait revenir à notre conversation ? intervînt Adam. Je dois être de retour au poste pour 13h.
  • Je préférerais que l’on soit deux pour ça. Pour vérifier que l’autre ne fait pas d’erreurs. Mais de toute façon, on ne fait ça qu’en dernière extrémité, pas vrai ?
  • Oui, bien sûr, acquiesça Adam.
  • Essaie de revenir demain soir. Et ne te rend pas trop suspect, à partir tout le temps comme ça. Ça va finir par attirer les soupçons.
  • J’ai dit que j’allai manger dehors ! Ce n’est pas suspect.
  • Je ne parlais pas de la police, mais des journalistes. Tu es connu des journaux, maintenant. Tu connais la capacité des journalistes à créer des ragots. Tu devrais te faire discret.
  • Comme tu veux.

Je regardai Adam partir, puis allai chercher Lionel, toujours endormi dehors, pour l’installer à côté de son frère, sur son sac de couchage.

Puis je finis de préparer mon plan pour notre prochain projet. Les deux frères se réveillèrent pour le dîner. Malgré un vague mal de tête, ils réussirent à manger un peu.

Ils me promirent de ne jamais recommencer une telle soirée. Nous nous réunîmes autour de la table habituelle pour que je leur explique mon nouveau plan :

  • On va faire un plan exactement pareil. La seule différence, c’est qu’on va faire quatre attaques, avec tout le monde, et non pas séparés.
  • Ce ne va pas être un plan exactement pareil, s’il y a une différence, objecta Alex.
  • Je vois que tu as retrouvé le sens de la répartie, toi, dis-je.
  • L’alcool ne le fera jamais disparaître, précisa-t-il.
  • Mais pour ça, je vous demande quelques innovations, pour améliorer mon plan, ou pour envoyer la police dans différentes pistes, toutes fausses, bien sûr.
  • A part attaquer en simultané, je ne vois pas trop quoi faire, dit Alex en haussant les épaules.
  • Et si nous faisions une autre tactique, pour faire croire que nous sommes une autre équipe ? suggéra Lionel.
  • Hmmm, pas mal, effectivement. Mais quelle est cette autre tactique, alors ?
  • Et bien, par exemple, attaquer une banque par jour, dit Lionel.
  • Les témoignages des différents témoins prouveront que nous sommes les mêmes personnes, entre les attaques, et entre les attaques d’hier, fis-je remarquer. Donc, mauvais plan. Autant faire tout le même jour.
  • Tu es méchant, dit Lionel. Moi au moins, je propose quelque chose, pas comme...
  • Et si.., l’interrompit brusquement Alex, et si nous ne faisions pas de braquages ?
  • C’est un peu le but de notre équipe, ironisai-je. Ça y est, tu veux tout arrêter, juste à cause d’une soirée qui est mal passée ? Tu me déçois, Alex.
  • Non, je voulais dire que nous jouions toujours aux méchants, mais d’une manière différente.
  • En gros, tu viens de dire ce que j’ai dit avant, mais d’une façon différente, dit Lionel.
  • Mais allez-vous me laisser parler ? J’ai encore un mal de tête qui ne disparaît pas, mais j’ai un bon plan. Nous avons remarqué que toutes les banques étaient semblables, n’est-ce pas ? Une salle principale, et une salle avec tout l’argent entreposé à l’arrière.
  • Continue, dis-je, ça m’intéresse.
  • Avec Claude, vous avez réussi à vous enfuir par la fenêtre de derrière. Pourquoi nous compliquer la vie ? On peut tout simplement commettre un vol...
  • Tout simplement ! souligna Lionel. Comme si c’était simple.
  • ... en passant par la fenêtre de derrière. Comme ça, il n’y a pas de témoins.
  • Et les caméras ?
  • Il n’y a pas de caméras dans la salle principale, à la demande du banquier. On se demande pourquoi...
  • On se demande surtout comment tu sais tout ça ? l’interrompis-je.
  • J’ai fait un stage d’une semaine dans une banque. C’était une idée de métier que j’avais. J’ai essayé...
  • Et alors ?
  • Trop ennuyeux, dit Alex en haussant les épaules. Je préfère être de l’autre côté du guichet. Par contre, pour le nombre de personnes sur le coup, je ne sais pas.
  • Mais si ! Deux personnes à l’intérieur pour prendre l’argent, une personne à l’extérieur pour récupérer les sacs, et une dernière personne pour surveiller.
  • Et s’il n’y a pas de fenêtre à l’arrière ? demanda Lionel.
  • De une, on va vérifier avant, et de deux, si vraiment on est pris de court, on fera un braquage. Ça embrouillera.
  • Et si le banquier arrive pile à ce moment-là ?
  • On verra. Je ne peux pas tout prévoir à l’avance !
  • Ce n’est pas dans tes habitudes, ironisa Alex. En plus, ton plan est complètement changé ?
  • Non, pas du tout. Je savais mes cibles, je n’ai jamais prévu le mode opératoire.
  • On s’organise comment ?
  • Thibault et Lionel, vous vous répartissez pour observer les banques. Clara a déjà commencé, elle vous indiquera où sont les cibles, ok ?
  • Tu n’as pas besoin de me dire quoique ce soit, il y a assez de munitions et de nourriture, dit Alex.
  • Bien, j’informerai Adam demain, et s’il est d’accord, et bien on attaquera après-demain.
  • On est dimanche, après-demain, fit remarquer Lionel.
  • Et alors ? Les banques ne sont pas ouvertes le dimanche, peut-être ?
  • Pas faux. En même temps, vu que c’est le week-end, il y aura plus de clients, donc plus de chance pour que le banquier aille dans la salle du fond, donc...
  • Tais-toi ! Si tu veux envisager les plans à ma place, et bien vas-y, je t’offre mon poste !
  • Non merci, tu es bien plus fort à ce jeu-là que moi. Moi, je pose juste des questions.
  • Et à mon avis, tu es trop doué pour ça, conclus-je. Bon, pas de soirée, les trois buvards, vous vous couchez tôt, car vous allez bien travailler. D’ailleurs, Alex, tu les accompagneras demain. Vu qu’il y a quatre cibles, vous ne serez pas trop de trois pour faire ce boulot. Tu n’as pas le choix, dis-je d’un ton dur, interrompant Alex qui allait se plaindre. N’insiste pas.
  • D’accord, d’accord, je respecte la décision de notre chef bien aimé, ironisa Alex, en parfait hypocrite.
  • Qui disait il y a cinq heures que j’étais le meilleur chef que tu n’aies jamais eu ?
  • J’étais bourré ! Arrêtez de m’embêter avec ça !
  • Ne t’inquiète pas, ça va rester longtemps dans nos mémoires, ricana Clara.
  • Bonne nuit à tous. On en rediscute demain, d’accord ?

Personne ne me répondit, car tout le monde avait rejoint le dortoir sans attendre la fin de ma phrase. Je marmonnai :

  • Bon, je prends ça pour un oui.

Puis j’allai me coucher. Allongé dans mon sac de couchage, je réfléchissais à la manière dont Claude fonctionnait. Est-ce qu’il enchaînait les attaques comme ça, sans s’en préoccuper davantage ?

J’avais été avec lui pendant deux mois, et je n’avais fait qu’une attaque. Je pensai :

  • Est-ce raisonnable de faire plusieurs attaques de suite ?

Je comprenais à présent Claude : il faisait ainsi pour se faire oublier de la police. Attendre un peu, pour recommencer de plus belle.

  • Sauf que je n’ai pas ta patience, Claude, pensai-je. Et puis, qu’est-ce qu’on pourrait faire le temps d’un mois, à part s’ennuyer ?

Je finis par m’endormir, toujours dans le doute.

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