Chapitre 8
Après un dur réveil le lendemain matin, je remarquai encore une fois l’absence de Lionel, Alex et Clara. Je soupirai, avant d’aller prendre mon petit déjeuner. C’est à ce moment-là que choisit Alex pour entrer dans la base, l’air hagard. Ses yeux me repérèrent, et il cria :
- On a été découvert ! Les autres se sont fait prendre !
Je me levai d’un coup, en criant à mon tour :
- Quoi ? C’est vrai ? Il faut quitter tout de suite...
- Mais non, il y a rien !
Alex éclata de rire, tandis que Lionel et Clara entraient à leur tour en riant. Lionel dit :
- Décontracte-toi, Edward, ça va !
- Pourquoi ? Vous êtes méchants de me faire un coup pareil ! Je me suis inquiété toute la nuit !
- Oh comme c’est mignon ! Il fallait qu’on voit ta réaction, rigola Alex. Et ça fallait la peine !
- Vous, vous avez un peu abusé de l’alcool encore une fois ? supposai-je.
- Non ! protesta Clara. Juste un verre de vin.
- Ou deux, ajouta Lionel. En tout cas, comparé à la dernière fois, c’est rien.
- Je suppose que vous n’avez pas dormi ? demandai-je.
- Moi oui, dit Lionel, tout fier. Les autres non.
- Sale rapporteur, cracha Alex. Il raconte n’importe quoi !
- Taisez-vous ! criai-je. Lionel, puisque tu sembles le plus fiable, je te charge de les surveiller. Clara et Alex, au lit immédiatement.
- Tu n’es pas notre mère, dit Clara. On n’a pas à t’obéir.
- Exactement, renchérit Alex.
Je les ignorai, et me tournai vers Thibault :
- Thibault, tu viens avec moi, on va commencer à examiner notre nouvelle cible.
- On a une nouvelle cible ? s’étonna Lionel. Youpi ! Plein d’argent en perspective.
- Tu ne devrais peut-être pas lui faire confiance, me souffla Thibault. Lionel ne semble pas trop réveillé.
- Je n’ai pas trop le choix, répondis-je. Bonne nuit, les autres !
- Je te ferai remarquer qu’on est en pleine journée, dit Alex.
- Justement, c’est ça le problème, dis-je par dessus mon épaule en sortant.
Nous entrâmes dans l’entre-monde, et sortîmes près de la ville d’Adam. Thibault me demanda :
- Tu es sûr qu’il n’y a pas d’Arbre près de la ville de notre cible ?
- On peut essayer, si tu veux, mais c’est sûr que ça serait plus pratique, répondis-je en haussant les épaules.
Nous ressortîmes à l’Arbre précédent, et marchâmes jusqu’à la ville la plus proche. A l’entrée y était marqué le nom du village de notre cible. Thibault exulta :
- J’ai eu raison de demander.
Je ne répondis pas, et nous continuâmes jusqu’à arriver devant une grande maison, tellement haute qu’il nous fallut aller sur le trottoir d’en face pour pouvoir la regarder en entier. Thibault siffla entre ses dents :
- Eh bien, il ne s’embête pas celui-là. On pourrait caser au moins trois familles nombreuses là dedans.
- Tu rigoles ? Quatre ou cinq.
La maison était entièrement faite de matériaux modernes, dont la plupart étaient hors de prix pour la classe moyenne. Elle faisait la taille d’un hôtel en largeur et arrivait presqu’à la taille de l’église en hauteur.
- Et il vit tout seul dans cette maison, notre homme ? demanda Thibault.
- On va le découvrir.
Un passant s’arrêta alors pour nous regarder d’un air amusé :
- Vous êtes nouveaux ici, pas vrai ?
- Nous sommes juste de passage pour quelques jours, précisai-je. Vous pouvez nous renseigner sur cette maison ?
- Elle est impressionnante, pas vrai ? rigola le passant. On n’en voit pas tous les jours des pareilles. Elle appartient à Lord Geoffrey de Fontecourt, un noble d’origine française qui travaille à Birmingham.
- Il a un sacré paquet d’argent, donc ?
- Tu parles ! Son travail de Lord, plus son héritage, il doit avoir trois cents mille livres au moins !
- Adam avait faux, pensai-je. Il avait sous-estimé sa fortune.
- Alors que la plupart des nobles préfèrent s’offrir des beaux objets bien luxueux, reprit le passant, lui est plutôt radin. Il garde son argent précieusement dans un immense coffre.
- Pourtant, vu la taille de sa maison, il ne semble pas radin.
- C’est la seule chose qui lui a coûté, reconnut le passant.
- Vous semblez en connaître beaucoup sur lui, intervînt Thibault. Même trop.
- J’étais l’un de ses majordomes, dit le passant. Il m’a renvoyé soit disant parce que j’étais trop vieux.
J’examinai le passant. Il ne semblait pas trop vieux, plutôt une quarantaine d’années. Je dis prudemment :
- Je me trompe peut-être, mais vous avez l’air plutôt jeune.
- J’ai trente-cinq ans ! s’exclama l’homme. Mais c’est une excuse que Lord Geoffrey a trouvé. En fait, il ne veut pas avoir tout le temps les mêmes personnes, parce qu’il croit qu’ils vont se retourner contre lui, ou lui voler son argent. Du coup, il les renvoie, et il s’en trouve d’autres. Il change environ tous les ans.
- Donc il est très prudent ?
- C’est un maniaque. S’il le pouvait, il compterait tout son argent tous les jours. Mais il n’a pas le temps. Il sort de sa maison à huit heures et demi et n’en revient qu’à dix-neuf heures.
- Effectivement, il est très occupé, commenta Thibault.
- Il a un chauffeur personnel, qui vient le chercher tous les jours matin et soir. Je déteste Lord Geoffrey - il prononça ce nom avec dégoût - pour son avarice. Je ne me souviens même pas pourquoi je me suis engagé auprès de lui. Peut-être parce que ça payait bien. Si vous voulez un conseil, jeune homme, ne cherchez pas de travail chez lui. Vous le regretteriez. Mais malgré cela, je ne peux m’empêcher de revenir en sortant du travail.
- Mais que faites-vous là alors ?
- Je suis veilleur de nuit. Je viens de finir mon service.
- Nous ne vous dérangerons pas plus longtemps, m’excusai-je. Nous vous laissons rentrer chez vous.
- Mais je vous en pris, tout le plaisir était pour moi.
Je le regardai partir, puis je dis :
- Et bien, je crois que nous savons tout ce que nous avions à savoir. En à peine une demi-heure.
- Nous pouvons rentrer admirer nos trois colocataires en train de dormir tout en bavant.
- Beau programme, ironisai-je.
- Ça va t’aider pour ton plan ?
- Parfait ! J’en ai déjà une ébauche. Il faudra comme même vérifier les dires de cet homme. Déjà, ce soir vers 19h, on ira inspecter pour voir s’il rentre.
- Ok. On fait quoi au sujet des trois bourrés ?
- On va voir dans quel état ils sont, dis-je d’un ton menaçant.
Thibault ne répondit pas, sans doute impressionné par le ton de ma voix, ou simplement par la maison qu’il regardait encore. Nous rentrâmes tout en visitant la ville. Je construisais peu à peu notre nouveau plan.
Lorsque nous entrâmes dans la base, il était complètement achevé. Il ne me restait plus qu’à vérifier ce que l’homme avait dit au sujet de notre cible. J’examinai alors l’intérieur de la base. Lionel et Alex étaient en train de boire de l’aspirine.
Je ne vis pas Clara, mais j’entendis le bruit de la douche qui coulait. Je lançai :
- C’est bon ? Vous vous en êtes remis ?
- C’est carrément moins pire que la dernière fois, répondit Lionel. Je pense qu’on a l’habitude.
- Est-ce que vous êtes suffisamment réveillés pour que je vous explique mon nouveau plan ? Qui se déroulera après-demain ?
- Pour moi, ça va, répondit Alex. Par contre, il faudra juste attendre que Clara ait fini de se laver.
- Je ne suis pas à cinq minutes près, dis-je en haussant les épaules.
Une fois que Clara eut fini, je leur expliquai mon plan, que tous approuvèrent. Lionel et Alex partirent surveiller la maison, tandis que Clara allait se coucher, puisque la maison ne comportait aucun logiciel susceptible d’être utile.
Thibault alla chercher d’autres informations sur la maison, en demandant aux passants. Quant à moi, je restai dans la base, à peaufiner mon plan, dont il manquait certains détails trouvés par mes compagnons.
Vers dix-huit heures trente, j’allai rejoindre Lionel et Alex pour vérifier si notre cible rentrait bien à l’heure. A 19h exactement, une voiture se gara et un homme en sortit. Rien ne le différenciait d’un autre homme. Je murmurai :
- Alex, suis le chauffeur. Je veux voir où est-ce qu’il habite.
- Je ne suis pas chauffeur, je suis voleur, protesta Alex.
- Suis, du verbe suivre, pas du verbe être, expliquai-je patiemment. Vas-y ! Tu vas le rater.
- En même temps, tu ne m’expliques rien, soupira Alex.
Je lui lançai un regard si noir qu’il s’exécuta immédiatement, bien que de mauvaise grâce. Il suivit la voiture jusqu’au coin de la rue, puis Alex disparut. Il me sembla qu’il m’adressa un doigt d’honneur auparavant.
Je me concentrai sur l’homme. Il avait ouvert la porte grâce à une clé qui semblait assez sophistiqué, de façon à ce qu’il soit le seul qu’il puisse l’ouvrir. Il referma la porte, et Lionel dit :
- Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
- On attend Alex, et pendant ce temps-là, tu vas me dire si quelqu’un est entré depuis le moment où vous êtes arrivés.
- A 14h, il est rentré pour ouvrir à un agent d’entretien. Il est resté une heure, puis il est retourné à son travail.
- Avec son chauffeur ?
- Oui, il ne se déplace jamais sans lui. On dirait qu’il a la flemme de marcher.
- On n’a pas besoin de détails. Sinon, pas d’autre activité ?
- Non, rien de spécial.
- On fera pareil demain, pour être prêt après-demain.
J’aperçus de coin de l’œil Alex qui nous faisait signe de venir. Nous allâmes dans sa direction et Alex nous montra le chauffeur entrer dans une maison, visiblement un appartement. Lionel dit :
- Il n’habite vraiment pas loin.
- Tant mieux, ça m’arrange. Vous avez remarqué qu’il a le signe taxi sur le haut de sa voiture ?
- Ça veut simplement dire qu’il fait autre chose que chauffeur personnalisé, et qu’il est simplement disponible pour lui à des horaires écrits d’avance, dit Alex.
- Mais dis donc, tu es fort en déduction, toi ? ironisa Lionel.
- Certes, c’est vrai, ça doit être le temps passé dans un commissariat qui rapporte, dit Alex.
Pendant ce temps, je réfléchissais à voix haute :
- Ça arrange pas mal mon plan. Il me manquait juste cet élément.
- Le plan commencera à quelle heure ? demanda Lionel.
- À 8h. Même un peu avant, pour avoir une marge d’avance.
- On va devoir se lever tôt ! protesta Alex.
- Tu veux gagner trois cents mille livres ou pas ?
- Combien ? s’étrangla Alex.
- C’est une sacré somme, commenta Lionel.
- Tu rigoles ? C’est peu ! Je te rappelle que l’on a gagné près d’un million lors de notre précédente attaque !
- Ne crie pas trop fort, j’ai encore mal à la tête.
Je partis à ce moment-là, les laissant se chamailler tous seuls. Je rentrai à la base, dînai, puis allai me coucher.
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