10. La nouvelle expédition

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 A ses débuts, le conseil de l'Empire comprenait cinq races intelligentes ; les nains, les elfes, les félidaes, les minorités et les hommes représenté par l'empereur qui avait réussi à les unir. Mis à part le régent, les autres étaient sujets à des élections. Mais la peur de race inconnue subsistait dans le cœur des hommes. Puis, les elfes s'en allèrent, ne laissant qu'une poignée d'entre eux, les nains ne sortaient que rarement de leurs montagnes, les félidaes étaient une peuplade nomade se moquant de la politique et les minorités peinaient à s'entendre et trouver un représentant. Les hommes, eux, s'étendaient au point où finalement le conseil n'était plus constitué que de ceux-ci... Mais ce jour-là, seuls le chevalier d'Azur Alderic et la lignée royale étaient présents. L'audience se tenait dans l'une des tours du palais, une terrasse en marbre donnait sur une vue plongeante de la cité. Derrière la rambarde, au loin le phare de Balthor surplombait la mer, guidant les marins égarés.

« Vous dites que plusieurs attaques ont été recensées le long de la Gueuse...

– Oui, mon prince. Nous avons été victimes, nous aussi à Guersac. Nous avons réussi à les repousser au détriment de trois chevaliers d'Azur... Mais encore plus étrange, un hameau entier a disparu, attaqué par des hommes portant le blason de Sa Majesté…

– La perte de vos hommes est une triste nouvelle, sieur de Sigismond. Sachez que la royauté tient en haute estime les braves morts pour défendre le pays. Faites-nous savoir si nous pouvons aider les familles des défunts. Par ailleurs, Guersac ne se trouve-t-il pas plus à l'intérieur des terres ?

– Oui, à trois semaines de Gran Réal, plus au nord mon prince.

Le prince régent Theoldwin se dirigea vers la terrasse, pensif, tournant le dos à son messager. L'empereur se tenait assis dans son large fauteuil, les yeux rivés dans l'âtre de la cheminée, le regard perdus dans le vague. Un feu y brûlait doucement, crépitant de son murmure familier.

Le ton du suzerain rompit le silence.

– Il va falloir reprendre les armes... Nous nous sommes reposés sur nos lauriers pensant que nous avions remporté la guerre. Il faut croire que j'ai fait une erreur…

Le prince réagit aussitôt.

– Je vais débloquer un budget dans les coffres royaux, pour l'effort de guerre. Theoldwin s'empara d'un parchemin qu'il commença à rédiger.

– Nous allons créer une nouvelle expédition...

– Mais père ! Son fils releva la tête, stoppant son écriture. La dernière a coûté la vie à Andol. L'oracle des Mères avait tort !

– Les Larissian ont toujours montré l'exemple dans l'adversité. Tout comme je l'ai fait pendant les guerres d'unification de l'empire et ton frère pendant la Grande Guerre chaotique. Celui qui a fait une erreur, ce n'est pas la devineresse, mais moi en confiant la vie de mon fils à un lige inexpérimenté…

Le prince Theoldwin se tut, son père avait toujours gardé une immense peine à la perte d'Andol. Theold reprit.

– Faites mander les trois grands héros...

– Sire... Le Duc de Casteron est mort il y a quelque temps déjà, il laisse seulement une fille et un fils. La Duchesse de Penas ne donne plus signe de vie depuis des années, seul reste le Duc de Bushnell.

– Hé bien, faites venir le Duc de Bushnell et le fils de Casteron... En attendant, nous allons constituer une armée forte. Mais avant cela, nous enverrons une dernière fois une expédition pour tenter de réussir là où l'autre a apparemment échoué...

– Et concernant la pierre du ciel que nous avons perdue en territoire chaotique ? Comment ferons-nous père ?

Le vieil empereur prit un long moment de réflexion. Il paraissait être confronté à un dilemme… Finalement tranchant il prit la parole.

– Nous la retrouverons sur place... Je connais deux personnes qui vous seront utiles. Sieur Alderic vous commanderez l'expédition. Je tiens à voir votre groupe avant le départ. Restez discrets, pour le moment rien ne sert d'alarmer les foules... Il me reste une dernière personne à voir. Vous êtes libre de vaquer à vos occupations. Congédiant ainsi son visiteur. »

Arsen avait suivi les deux chevaliers dans une auberge cossue du centre. La nuitée et l'entretien du cheval lui coûtaient une fortune... Passage obligatoire, s'il voulait rester avec ses compagnons. Mais pire encore, sur le tableau d'affichage de la salle commune, sous un tas d'annonces en tout genre, il avait retrouvé un vieil avis de recherche avec son portrait. 5000 cids pour sa capture, de quoi subvenir à une personne pendant une décennie au moins ! Il l'avait arraché discrètement, mais depuis lors il se sentait mal à l'aise... La paranoïa rendait sa voix plus acerbe.

[ Crétin ! Zacharia Ortaga n'existe plus tu dois le faire disparaître... il était faible… ]

Alderic se faisait rare et Oliver rendait visite le plus clair de son temps à la jeune noble. Laissant trop de temps a Arsen. La journée lorsqu'il se retrouvait seul, le jeune sang mêlé écumait les tavernes et arpentait les rues de la ville, à la recherche du temps perdu…

Dill, émerveillé par le monde des hommes, disparaissait des journées entières, revenant seulement le soir pour conter d'une voix excitée les coutumes aberrantes de ceux-ci.

Devant l'insistance d’Arsen pour se rapprocher d’Oliver, celui-ci l'invita à l'accompagner chez sa dulcinée.

Ils remontaient les rues pentues menant vers les beaux quartiers. Tout en marchant, Oliver le sermonnait sur l'importance de bien se tenir, peut-être craignait-il que le barde lui créé de l'embarras... Ils s'arrêtèrent devant une impressionnante porte cochère, l'imposante entrée en bois faisait partie d'un grand mur d'enceinte, qui cachait parfaitement ses occupants mais indiquait clairement leur statut aisé. Le chevalier prit quelques instants pour lisser et épousseter sa tenue avant de tirer sur la chaîne qui fit tinter une clochette. Un laquais en livré ouvrit la porte et les mena à l'intérieur d'une cour pavée. La maison luxueuse surpassait les autres du quartier. A l'intérieur, le hall d'entrée était décoré à l'excès. Des œuvres d'art et peintures encombraient la pièce, exhibant ses richesses de manière ostentatoire.

– Veuillez patienter, Dame Élinea de Casteron va vous recevoir.

A ce nom, le sang d'Arsen se glaça. Il n'aurait jamais pu imaginer que la bien-aimée en question était la fille de son ancien compagnon d'expédition... Il avait été séquestré pendant des années subissant les pires sévices alors que lui avait vécu dans l'opulence en héros... Heureusement, Oliver lui avait confié sous confidence que celui-ci était mort douloureusement de la lèpre rouge quelque temps plus tôt. Maigre consolation pour lui. Depuis lors, sa fille se retrouvait seule pour gérer les biens de ses parents tous deux disparus.

– Oliver ! Vous nous amenez un visiteur ! Une demoiselle, la vingtaine passée descendait l'escalier sombre en noyer.

– Oui, je vous présente Sieur Arsen. Barde de son état, je vous en avais déjà parlé dernièrement…

La jeune femme tendit sa main nonchalamment. Arsen effectua une révérence effectuée avec grâce, doublée d'un baise-main.

– J'ai entendu beaucoup de bien de vous, Dame de Casteron. Le jeune métis employait toujours la même méthode pour séduire ses interlocuteurs.

– Vous ne devriez pas croire tout ce que vous entendez, dit-elle sur le ton de la confidence.

– Oui, j'y tâcherai ! Permettez-moi de vous présenter mes condoléances pour votre père, un grand homme.

– Un saint héros vous voulez dire, dit-elle avec suffisance.

– Vous ne devriez pas croire tout ce que vous entendez, lâcha Arsen en reprenant les termes de son interlocutrice.

[ Que fais-tu ? ... idiot ! Zach n'est plus... On ne doit pas attirer l'attention… ]

Le temps se figea pendant quelques secondes.

– Ha, ha, ha ! Très drôle, bonne répartie.

Oliver lui donna un coup de coude en lui faisant les gros yeux. Il devait sans doute regretter sa proposition… Plus haut, un adolescent observait la scène. Le chevalier invita celui-ci à descendre, se servant clairement de cette occasion pour faire diversion.

– Ruben ! Viens mon garçon. Laisse-moi te présenter sieur Arsen...

– Oliver, mon petit frère a son tuteur qui l'attend… Je souhaiterais m'entretenir avec vous de quelque chose d'urgent, le concernant en privé. »

Elle le tira par la manche, pour s'écarter du barde. Arsen scruta le garçon s'en aller, puis observa les œuvres d'art. Plus loin, la discussion semblait sérieuse, l'air de rien il s'approcha d'une peinture proche d'eux pour tenter de capter des bribes de conversation. Élinea semblait au bord des larmes, mais il ne comprit distinctement que les mots Ruben, mission secrète, aide et dangereux. Après cela, Oliver écourta leur visite objectant qu'il devait parler à Alderic…

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