19. L'oracle enfantins
Alors que le cœur du groupe se dirigeait vers la nef, Arsen, lui, se tint à l'écart. Il ne pouvait pas se permettre de se trouver dans le voisinage proche de Gregorias, et de toute façon seul le cercle privé de Sigismond était convié auprès de l'oracle. Il les observa s'éloigner de lui avant de reporter son attention sur les allées et venues du cloître. La plupart des chevaliers restants avaient déjà trouvé une prêtresse pour se faire tirer la bonne aventure. Des carrés de plantation poussaient organisés dans le jardin, les légumes côtoyaient des herbes médicinales et autres simples. Il resta perdu pendant un temps à fixer les plantes, proches de lui. Sa vie avait été un gaspillage… Et maintenant, il se retrouvait forcé d'aider les maîtres du chaos…
[ Nous sommes du côté des gagnants... Le maîtres nous protégera et après nous vivrons notre vie libre… ]
Il savait que son alter n'était né que de sa folie. Il avait vécu l'enfer dans les geôles de Sombrevie, et pour y survivre s'était créé un " ami ". Mais depuis qu'il était ressorti de là, il se sentait de nouveau une personne…
Comment rompre avec lui en sachant que ses propos étaient tellement séduisants… Lui qui n'aspirait maintenant qu'à une vie normale.
[ Tu es moi et Je suis toi... je suis le seul qui se préoccupe de toi... en obéissant au maître nous survivront… ]
Il décida de se changer les idées. Arsen emprunta la promenade intérieur pour finalement ressortir du temple. Il longea le bâtiment et dépassa les habitations de la veille. Une meule de foin se tenait non loin, il s'y installa, puis ferma ses yeux un moment.
Un cri de désespoir le sorti de sa sieste. Non loin de lui, Dill hurlait à l'aide sur une branche, un chat l'envisageant comme repas… Combien de temps lui faudra-t-il pour lui rappeler qu'il pouvait s'envoler ?
À côté une fillette cherchait du regard l'objet de l'attention du félin.
" Allez, viens boule de poil ! Il n'y a rien ici !
Mais le matou n'en démordait pas. Le barde s'approcha de la petite fille et fixa son ami.
- Arsen ! Chasse ce monstre ! Il veut me dévorer !
Mais plutôt que de répondre au fée-taud, il s'adressa à Aloïse.
- Ne t'inquiète pas, s’il y avait vraiment un oiseau, il se serait envolé depuis longtemps à moins qu'il ne s'agisse de l'oiseau le plus idiot que je connaisse… La tirade avait fait mouche.
Dill lui tira la langue accentuant son geste d'un poing obscène ! Le chat saisit l'occasion pour bondir et s'accrocher à l'écorce grimpant à toute vitesse. Mais déjà le petit être s'envola, narguant son assaillant. Boule de poil se retrouva seul sur sa branche, ne sachant plus comment redescendre.
- Tu vois, je t'avais prévenu qu'il n'y avait rien ! Maintenant reviens ! Mais il ne sut que miauler plaintivement. Sieur, pourriez-vous l'aider à descendre?
- Je vais te porter pour que tu puisses attraper ton chat. "
La fillette ne pesait pas plus qu'un fétu de paille, pourtant entre ses bras elle se laissa soudain aller, les yeux dans le vague marmonnant entre ces lèvres. Pris de stupeur, il l'a déposa à l'ombre. La chaleur devait en être la cause, la réconfortant de sa main, il l'éventa de l'autre. Ses propos se transformèrent en un ânonage compréhensible.
" Le pré est désert... une marionnette, une marionnette avec plusieurs masques danse... Un masque pleure l'autre jubile... le rouge partout. Une guerre... Le champ, maintenant est jonché de cadavres... il fait noir... un horrible corbeau agite les fils... il traîne le pantin dans le sang... une main munie de ciseaux semble hésite à trancher les liens... les tambours résonnent... j'ai peur... les hurlements des bêtes... la solitude... au loin des flammes rougeoient... dans le sang quelque chose brille... je... c'est important... les fils du destructeur... aidez-moi... Elle ouvrit les yeux, papillonnant des paupières, son regard toujours dans le vague paraissait revenir d'un monde lointain.
– Ne la touchez pas ! Une femme se précipitait vers lui, tirant le corps fébrile vers elle.
– Ce n'est pas se que vous croyez...
– Je sais très bien ce qu'il en est.
– J'ai voulu l'aider à attraper son chat qui était bloqué sur la branche...
Mais dans l'entre-fait, celui-ci se tenait aux pieds de sa maîtresse. Ronronnant contre elle pour attirer son attention. Les apparences étaient contre lui....
– L'avez-vous touché ?
– Pas de la manière que vous semblez sous-entendre ! Je l'ai portée puis elle a fait un malaise. Sans doute la chaleur...
– C'est ma fille et la future Mère des oracles... Parfois au contact de personnes, son héritage se présente... Son don est très fort, mais pour le moment elle ne parvient qu'à décrire se qu'elle voit. Vous a-t-elle parlé !?
– Non, rien de compréhensible du moins ...
Elle ne savait que penser. L'autre homme, l'assassin, l'avait effrayée au plus haut point. Son instinct maternel reprit le dessus. La femme l'admonesta de nouveau.
– Je vous ai dit de vous écarter de ma fille ! Il s'éloigna de la petite pour dissiper ses craintes.
Plus loin, le groupe d'Alderic retournait vers le campement. Jehain se retourna vers eux pour les saluer de la main. Son sang se glaça, elle reprit son ton menaçant, la crainte perçant dans sa voix.
– Vous n'êtes plus les bienvenus ici… "
Afin d'éviter tout esclandre risquant d'attirer l'attention sur lui, Arsen laissa la mère et la fille, pour rejoindre son groupe, trop content de quitter cette situation désagréable.
Quelque chose venait de se passer sans qu’il n’en comprenne la signification. Les divagations de la petite n'avaient ni queue ni tête, pourtant elle avait mentionné le destructeur. Cette étrange divination méritait réflexion... Il se hâta de rejoindre les autres en direction de leur campement. Sigismond décida d'empaqueter les affaires et de repartir sur la route. Le groupe semblait avoir été troublé par les révélations de la prêtresse Mère et leurs intéractions entre eux s'étaient affaiblies. Arsen se rappela qu'à l'époque aussi son groupe avait mis du temps avant d'en discuter, préférant garder ses secrets de peur d'en changer le cours…
La chaleur de l'après-midi s'intensifiait, le barde avait suivi l'expédition sans contestation du chef de file. Mais devait-il encore rentrer dans ses faveurs pour le convaincre de trouver les pierres. Seuls eux pouvaient espérer fouiller dans l'immensitude de livres et de parchemins se trouvant à Eliteas à la recherche d'indices. Une idée lui vint, cherchant dans sa mémoire une vieille chanson elfique. Il accorda sa mandoline et entonna le chant de manière non chalante. Il chanta jusqu'au moment d'être sûr d'avoir capté l'attention de tous, puis s'arrêta attendant que le poisson morde à l'appât.
Ce fut le jeune Ruben qui s'approcha du barde.
" C'est une bien belle chanson que voilà.
– Oui, les elfes ont un don pour retranscrire les légendes et insuffler une âme dans leurs mélodies...
Encore un peu, et il ferrait le poisson.
– Ho ! Une légende ? Et de quoi parle-t-elle ?
[ Bravo ! ]
– Il s'agit d'une ancienne légende tombée en désuétude... Elle conte l'histoire des cinq combattants qui ont vaincu le destructeur à l'aide des pierres du ciel...
– La pierre, vous voulez dire !
– Non, non… Une pierre par guerrier, leur conférant un don digne des dieux eux-mêmes. "
[ Bien joué Arsen ! Le maître sera content ! ]
Le garçon demeura perplexe, laissant sa monture prendre du retard, puis il étreignit son cheval pour rejoindre le peloton de tête, laissant sur le visage du traître un sourire satisfait.
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