Le feu sur la montagne

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 " Le vent nous a porté vos exploits, capitaines.

 - Et notre réputation par la même occasion. répondis-je.

 - Pardonnez mes gens, capitaine MacKenzie. Oui, votre renom vous précède. Les habitants de la vallée connaissent la peur des démons depuis longtemps mais ils craignent que le remède ne soit plus terrible que la maladie. Me permettrez-vous de vous raconter notre histoire ? "

Un geste d'Hogarth invita le jarl à poursuivre en même temps qu'il m'intimait de me taire.

 " Je suis le commandant Leo Nuutinen, le suzerain de cette vallée. Merci à vous, Chevaliers, de répondre à notre appel. "

En évoquant son rang militaire, il nous apprit qu'il avait combattu pour mon père. Il nous invita dans sa demeure, nous fûmes conduits non pas dans la salle du trône mais dans l'arrière-cour. La guérisseuse entra dans l'ombre du jarl, le moine nous tint la porte dans un geste de déférence exagérée.

Il pointa du doigt la plus haute montagne, le Pic Écarlate. "Une image vaut mille mots, une impression mille récits." comme disait mon vieil instructeur Delaney. Bien visible malgré la distance, un feu brûlait au sommet. Son halo masquait les plus basses étoiles. Le vent portait jusqu'à nos oreilles le rythme régulier d'un tambour. Autant de signes convaincants mais pas déterminants. Du coin de l'œil, je voyais Tully caresser le pommeau de son marteau, Hogarth jouer avec la vieille amulette à son cou. Quant à moi, mon pouce parcourait les fines lanières de cuir du tsuka-ito de mon katana.

 " Quand tout cela a-t-il commencé, commandant ?

 - Il y a de ça six années maintenant. Nous avons d'abord entendu un coup de tonnerre en provenance de l'ancienne tour de garde de Arkkukari Pass. Le brasier s'est allumé dans les jours suivants et depuis il brille chaque nuit. Du moins, nous le voyons chaque fois que le ciel se dégage assez.

 - Je présume que vous avez mené une reconnaissance sur le plateau ?

 - Oui et j'y ai perdu trente de mes meilleurs soldats. Je ne saurais dire ce que nous avons vu. Des lignes de grain barraient l'horizon tout entier. Un gigantesque tourbillon est descendu du ciel et a balayé toute ma troupe. À la fin, il ne restait que la roche mise à nu par les vents. Depuis, nous vivons sous la menace de ce couperet.

 - Avez-vous observé d'autres phénomènes ? demanda Tully.

 - Voilà le cœur du problème tel que nous le vivons ici, capitaine Alderweireld. Savez-vous quelle est la plus grande hantise des paysans partout dans le monde ? "

Il nous était difficile de répondre. Nous étions des chasseurs, pas des fermiers. Le jarl raconta alors les saisons devenues folles. Les orages noirs qui s'abattaient sur la vallée avec une violence inouïe, le blizzard parfois jusqu'au début de l'été, les vagues de chaleur terribles et harassantes. Les cultures et les vergers qui ne donnaient presque plus rien, la lande qui devenait progressivement poussière rouille.

 " Suggérez-vous un lien entre ce feu là-haut et les mauvaises récoltes ?

 - Bien sûr. Un démon est à l'œuvre ici et j'ai des preuves de ce que j'avance. Au nom de la règle de secours et d'entraide de Gardenia, je réclame assistance, Capitaines.

 - De quel genre, ces preuves ?

 - Des empreintes étranges dans la poussière des galeries et dans la terre des chemins. Parfois, la nuit résonne de hurlements bestiaux. Les nuées d'oiseaux de malheur. Les maladies qui ravagent le bétail. Les sources taries. Et puis, il y a les cercles.

 - Les cercles ? demanda Hogarth.

 - Oui, capitaine Wynne. De grandes rosaces de runes mystérieuses. "

À cette évocation, le moine porta une main ouverte à son front, paume en avant. L'œil protecteur de Yuggos le Grand.

J'échangeai un regard avec mes amis. Jamais nous n'avions entendu parler d'un démon capable de soulever des tempêtes ou d'apporter une canicule mais les cercles d'incantation nous étaient familiers. En les observant, nous serions capables de savoir qui était notre adversaire. Mais je pensais déjà à un démon manipulateur, un mystificateur.

Dans mon esprit, un plan commençait à se dessiner. Je me tournai une dernière fois vers le lointain brasier. Le démon, sur sa cime, attendait-il notre venue et avait-il dégagé les nuages pour nous montrer un échantillon de ses sombres artifices ?

Inutile de m'enquérir de Tully et Hogarth, ils acceptaient le défi.

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