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Nous sommes tombés sous le charme de ce petit hôtel, ou est-ce lui qui nous a aspiré dans sa bulle d'une autre époque ? C'est un hôtel comme on en voit dans les films à l'eau de rose, il semble kitch, suranné, figé dans une ambiance d'une autre vie et pourtant on s'y sent apaisé, en sécurité, loin de tout, loin des jugements et des qu'en dira-ton.
Le gérant est imprégné de cette atmosphère : costume tiré à quatre épingles, toujours bienveillant et d'une politesse généreuse, naturelle. Il n'est pas tout jeune mais on ne saurait lui donner d'âge. Il semble lui aussi figé dans le temps, comme si les jours passaient, brumeux et sans accroche, autour de son hôtel, préservant sa douce mélancolie des humeurs changeantes de la vie.
Cet endroit est maintenant notre refuge normand et monsieur Stéphen un discret confident, le gardien de nos nuits, le sourire de nos matins.
C'est rassasiés de notre belle journée que nous arrivons à l'hôtel de la Côte.
Monsieur Stéphen nous accueille chaleureusement, nous demande des nouvelles de de nos vies et surtout de notre petit Théo qu'il aimerait rencontrer un jour. Toutefois, il semble avoir bien compris que ce lieu resterait un refuge pour deux et que notre Guizmo n'y aurait jamais sa place.
« Laissez-moi monter vos affaires dans votre chambre, j'ai allumé un bon feu dans le salon et je vous invite à vous y installer, je redescends au plus vite vous offrir un petit apéritif. »
Il n'y a personne d'autre que nous ce soir. C'est triste pour les affaires de notre hôte, mais égoïstement, cela nous enchante. Bien-sûr, nous aimerions monter directement dans notre chambre, mais nous ne voudrions pas décevoir monsieur Stéphen qui montre tellement d’enthousiasme à notre venue.
La chaleur du feu, les crépitements du bois dans la cheminée, la douce brûlure de l’alcool de pomme dans ma gorge, confèrent à ce début de soirée un halo de plénitude sirupeuse. Tandis que je sombre mollement dans une paresse enivrante, je perçois néanmoins des voix, des sons :
« Merci encore, nous allons vous quitter maintenant. Je crois que ma chère et tendre est déjà quelque peu ailleurs. Votre petite bouteille cachait bien son jeu. »
Des bras m’emportent loin de la chaleur, loin de la lumière dansante des flammes, et je vole, portée par mon ange aux bras de fer.
« Passez une agréable soirée monsieur Stéphen. »
Comme la sensation est grisante !
J’entends les pas sûrs de mon mari sur la moquette, bruits sourds et feutrés. Je ne sais pas comment je suis installée dans ses bras, mais je m’y sens protégée, rien ne pourrait me faire choir quand il me tient ainsi. Jamais il ne me laisserait tomber et je n’ai pas une once de peur quand il monte les marches jusqu’au deuxième et dernier étage. Il est fort, je caresse ses bras musclés, dessine les courbes de ses biceps et ouvre les yeux pour admirer mon homme.
Il est tellement beau. J’ai envie de lui attraper le menton pour l’attirer à moi et l’embrasser jusqu’à ce qu’il me mange toute entière. Il croise mon regard et je sens son amusement.
« Je sais ce que tu veux. C’est l’alcool qui t’excite femme ? »
Femme.
Pourquoi cela me donne des frissons quand il s’adresse à moi comme ça ?
Je lui souris, et hoche la tête.
« Si tu veux faire des cochonneries avec moi, prouve-moi que tu peux au moins rentrer seule dans notre chambre, allez ! Debout ! »
Il me repose délicatement et je sens la moquette pelucheuse sous mes pieds.
Je n’ai plus de chaussures ?
Je m’en fiche.
Je me tiens bien droite, la tête me tourne légèrement, mais je reste stable. À peu près.
Je me tourne vers lui, le regarde fièrement droit dans les yeux, et pose les mains sur mes hanches façon Peter Pan.
« Tada ! Droite comme un « i », prête à m’envoler dans le pays imaginaire Peter ! Allez, go, deuxième étoile sur la droite et tout droit jusqu’au matin ! C’est partiiiiiiiii !
Je joins à mon dernier mot un mouvement digne d’un petit rat de l’opéra, un mélange de superman et d’une nageuse de crawl qui coule. Très sexy, j’en suis certaine.
Je plonge sur lui pour qu’il m’attrape, ce qu’il fait en me soulevant dans les airs et en me faisant tournoyer.
« C’est partiiiiiiiiiiiiii » rigole t-il à son tour en tournant sur lui même.
Heureusement, il me repose rapidement avant que je ne vomisse. Cela aurait été beaucoup moins féerique !
Il ouvre la porte de la chambre et nous entrons tout les deux, toujours le sourire aux lèvres.
Des gosses.
Je crois que l’amour à ce pouvoir de ne plus nous faire vieillir. Vraiment.
Je lui prend la main et la porte à mes lèvres tandis qu’il claque la porte avec son pied.
Enfin seuls.
J’embrasse la paume de sa main tendrement.
« Je t’aime »
« Je t’aime encore plus »
Et il n’en faut pas d'avantage pour que toute lucidité me revienne. Je me soulève sur la pointes des pieds, et nous échangeons un baiser tendre, voluptueux.
Puis il me soulève, me laissant placer mes cuisses autour de son corps, attrape mes fesses à pleines mains et nous entraîne vers le lit.
« J’ai tellement envie de toi Lou, tu es si belle, si douce, si mienne »
Il me dépose sur le lit, plonge son regard sur moi, sur mon corps.
Il prend le temps de me détailler, comme s’il voulait enregistrer chaque partie de mon anatomie.
Puis il se penche vers moi et son baiser n’a plus rien de doux à présent, tout comme celui que je lui rend.
Nous plongeons tous deux dans notre bulle d’extase et notre passion nous dévore.
Toute la nuit.
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