Thanatos 3
Une semaine s’écoule depuis le fameux jour où Thala a accepté la déclaration de Mjollnir. Toutefois, leur bonheur ne dure que quelques jours alors qu’il se fait convoquer par le directeur de son lycée.
Perplexe et stressé, c’est la première fois que son comportement attire l’attention du principal. A l’intérieur du bureau, la présence de ses parents et son professeur principal l’inquiète encore plus. Ses pas hésitants le guident sur la chaise vide de la pièce, près de sa mère qui l’enlace avec tendresse.
Son inquiétude augmente.
- Mon chéri, tu sais que tu peux tout me raconter. Je suis ta maman et mon amour pour toi est incommensurable.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Mon garçon, répond le professeur, certains de tes camarades nous ont avoué que tu sèches les cours et reste la majeure partie de ton temps sur le toit et ce depuis plusieurs mois. Si tu as des problèmes, nous te prions de nous raconter.
- Oh non, monsieur. Vous vous trompez, je vais très bien et n’ai aucun souci à l’école. En plus, je ne suis pas seul. Une amie me tient compagnie.
- Une amie ? répète son père d’une voix presque apeurée.
- Oui, c’est elle qui a besoin d’aide en réalité. Elle a…Elle a des pulsions suicidaires et je suis le seul à qui elle peut se confier. Tu peux dire que je garde un œil sur elle, papa.
- Tu es digne d’être mon fils ! comment s’appelle cette fille ?
- Thala. Elle s’appelle Thala.
Le jeu de regards de ses parents à son professeur et ce dernier à celui du directeur lui laissent des sueurs froides.
- Mon garçon-
- On est quel jour aujourd’hui ? demande-t-il soudainement.
- Mercredi.
Mjollnir se tait. Il regarde la pendule.
Il est en retard, très en retard.
Une idée noire lui vient à l’esprit et il se précipite hors du bureau, ignorant les cris de ses parents. Sa course le rend à bout de souffle et arpenter les marches lui devient difficile. Ses jambes tremblent alors qu’il a du mal à rejoindre le toit. La sueur glisse le long de sa peau, sa bouche en quête d’oxygène. Une peur sans nom assombrit sa tête et son imagination déborde des passages du livre qu’il avait lu.
Arrivé sur le toit, il la cherche, mais ne la trouve pas. Il fait le tour et la voit perchée sur le rebord du muret, comme la toute première fois.
Thala lui fait face, un sourire enjoué accroché à ses lèvres. Ces dernières se mouvent et prononcent un merci inaudible et Mjollnir comprend. Sa compagnie bien que fructueuse, ne lui a pas supprimé l’envie d’en finir pour de bon. Thala se balance pour le taquiner et finit par se laisser tomber.
Ses pieds disparaissent de son champ de vision alors que son cœur pince de douleur.
- Tu seras sauf avec moi, entend-t-il murmurer.
Ses parents l’appellent à la minute où ils franchissent le pas de la porte. Mjollnir ne répond pas. Ils le trouvent à quelques mètres du muret, à contempler l’horizon. Le garçon se retourne et les gratifie d’un simple sourire désolé.
- Mjollnir ? s’avance sa mère, les yeux déjà emplis de larmes.
- Mon garçon…
Il se détourne, prend de l’élan, court vers le muret et saute dans le vide.
- Mjollnir !
Il sent son poids s’alléger sous la pression de l’air. Son regard rencontre pour la dernière fois celui de son père, puis, l’illusion de Thala vient à ses côtés. Le garçon oublie son père, oublie sa mère, oublie sa vie.
Il comprend enfin.
Ce vide qu’il ressentait en début d’année, cette amertume qui le guidait à l’isolation, cette chute est sa salvatrice.
La mort est sa délivrance.
Il tombe dans un fracas et aucune douleur ne le perturbe. Son crâne explosé, sa colonne vertébrale brisée en miettes, sa jambe droite tordue, le sang coule à flot et les passants hurlent de choc, d’effroi et de stupeur.
Son père, dans le même état que de l’attroupement qui se forme doucement autour du corps meurtri, l’observe en silence. Les yeux écarquillés et la bouche entrouverte, il ne pipa mot. Quant à sa mère, déjà écroulée au sol et en pleure, crie le nom de son fils encore et encore. Puis, le choc lui fait perdre conscience.
Le cadavre de Thala n’y est pas.
Thala n’existe pas.
Thala est l’ange de la mort qui guide les âmes perdues vers la dernière porte.
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