CHAPITRE 2

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CHAPITRE 2

Les jours suivants, Berthe-Conteuse poursuivit sa stratégie de séduction auprès du Roi et de la Reine qui s'attachaient de plus en plus à elle, et qui, bientôt, la considérèrent comme leur propre fille. Une fille, qu'à leur grand dam, ils n'avaient jamais pu avoir, mais que Berthe-Conteuse remplacerait idéalement.

— Tu es l'enfant dont j'ai longtemps rêvé... lui chuchotait la Reine à l'oreille. La sœur que j'aurais souhaitée pour mon pauvre et esseulé garçon...

— Tu es une jeune femme dont j'aurais été fier d'être le père... lui murmurait le Roi en aparté.

" Si seulement... songeaient les souverains. Si seulement notre fils voulait bien épouser cette jeune femme... Elle est incroyable et si forte. Elle s'est montrée courageuse face à toutes ces nombreuses tragédies. Elle est de plus tellement compréhensive. Tellement dévouée et si jolie... "

— Nous nous faisons vieux et Philibert-Armand est de constitution fragile... se confiaient l'un l'autre les époux royaux... Avec Berthe-Conteuse, il serait dans de bonnes mains et nous serions soulagés.

Dans cette optique, les parents s'entendirent pour convaincre leur garçon du bien-fondé des épousailles. Avant cela, ils devaient obtenir l'accord de Berthe-Conteuse et l'avisèrent de leur projet. Habile, la jeune femme qui se réjouissait de la proposition, simula la surprise et se montra hésitante. Le Roi et la Reine espéraient une réponse qu'elle repoussa à deux jours en disant devoir y réfléchir. Puis, elle rajouta en se courbant respectueusement :

— Cher Roi, chère Reine. Me voilà comblée de tant d'amour et de confiance de votre part.

— Chère enfant, mais c'est nous que tu combles par ta présence, informa la Reine. La santé de notre fils nous soucie tellement, quand toi tu es si forte et tellement volontaire.

— Cela est vrai ! rajouta le Roi. Ainsi, en te mariant à notre fils tu ne serais plus orpheline, mais tu ferais partie de notre grande et belle famille ! Et puis j'en suis certain, tu nous ferais de beaux et de solides gaillards, exactement comme toi !

— Oui, costauds et en pleine santé ! Depuis que je suis toute petite, je rêve d'être enceinte et d'avoir des quantités d'enfants. Je me sens l'âme d'une louve. Je me sens capable de couver ma progéniture des jours et des jours, et de leur faire un cocon au chaud dans mon giron.

— Combien donc en voudrais-tu ? interrogea la Reine.

— Des dizaines ! s'exclama Berthe-Conteuse. Des centaines !

— Eh bien ! Quel enthousiasme et quel élan pour la maternité ! Au moins, nous voilà assurés mon épouse et moi-même, d'avoir une belle et nombreuse descendance !

— Chère Reine, avant que je ne ponde tous ces charmants bambins à croquer, voudriez-vous m'accompagner à l'atelier de tissage ? J'aimerais filer la laine et le lin, tandis que nous bavarderons.

— Mais bien sûr ! J'adore regarder vos doigts danser sur le métier. Vous êtes tellement douée, si agile au fuseau et tellement passionnée ! Vos créations sont d'une telle finesse. Une pure merveille ! Un vrai travail de dentellière !

— Une orfèvre ! Vous êtes une orfèvre ! s'enflamma le Roi. Quelle demoiselle extraordinaire vous faites, chère Princesse ! Allez, bon tissage mesdames ! Et à plus tard pour notre partie d'échecs, ma redoutable partenaire.

— Ce soir, c'est moi qui remporte la partie ! s'esclaffa Berthe-Conteuse en s'inclinant devant le Roi.

Deux jours plus tard;

Comme prévu, Berthe-Conteuse vint apporter sa réponse au Roi et à la Reine. Espérant qu'elle dirait " OUI ", les souverains étaient fébriles. Après leur avoir fait une révérence et un baisemain, la jeune femme avait planté son regard dans les leurs en gardant un visage sérieux. Cela ne rassura pas les deux époux qui, assis sur leurs trônes trépignaient d'impatience. Sous son long jupon chamarré, la Reine tapait nerveusement du pied, quand les doigts du Roi pianotaient d'impatience sur les bras du grand fauteuil.

— Alors ? s'enquit le Roi. Quelle est ta réponse, chère Enfant ?

Amusée par leur empressement, Berthe-Conteuse joua la comédie.

— Eh bien... me voilà désolée de vous dire... que... que j'accepte avec joie ! ! !

Soulagés et heureux, les souverains se précipitèrent pour étreindre leur future belle-fille et lui faire part de leur immense bonheur. Maintenant, ils leur restaient à persuader Philibert-Armand d'épouser la jeune orpheline et de le faire sans délai. Ainsi donc, avant que malheur n'arrivât au Prince, malade chronique depuis l'enfance, il fallait le marier à Berthe-Conteuse, de bonne constitution et prompt à leur donner des héritiers.

À partir de ce jour, aussi souvent que possible, le Roi et la Reine s’entretinrent avec leur fils au sujet de leur prétendante. Ils ne tarissaient pas d'éloges sur elle. Enthousiastes, ils lui répétaient combien elle était bonne, vaillante, aimante, patiente et surtout... tellement jolie. Puis, ils insistaient sur le fait que jamais Princesse aussi charmante ne fut rencontrée dans les autres Royaumes. À cette apologie, le Prince opposa son point de vue.

S'il rétorquait que personne ne connaissait la famille de cette jeune fille ni le Pays de Maux, ses parents répondaient que de faire un bon mariage importait bien davantage que de savoir sa parenté.

Et s'il ripostait ne pas désirer se marier, les parents répondaient qu'en tant que Prince, il lui fallait se sacrifier au nom du Pays de Providence et de tous ses sujets.

Et s'il leur expliquait n'avoir aucune attirance pour Berthe-Conteuse, les parents répondaient que jamais il ne trouverait Princesse plus belle et plus aimante à des lieues à la ronde.

Et s'il déclarait vouloir choisir lui-même sa future épouse, les parents répondaient que son état s'aggravait et qu'il ne pouvait se permettre d'attendre la Princesse parfaite.

À force de paroles et d'objections, Philibert-Armand se laissa convaincre. Mais c'est à demi-lèvres et presque par dépit, qu'il accepta de s'unir à Berthe-Conteuse.

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