CHAPITRE 19

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CHAPITRE 19

Le sixième jour.

Alors que les rayons naissants du soleil perçaient le déclin de la nuit, les dix cavaliers relièrent enfin le village assoupi, et sur la place centrale et désertique, ils posèrent pieds à terre. Assoiffés par l'éprouvante chevauchée, ils se désaltérèrent à la fontaine. Puis, le gosier rafraîchi, ils se divisèrent pour enquêter et frapper aux portes avoisinantes.

— Holà ! Quelqu'un ?

Des yeux méfiants, s'entrevoyant dans les entrebâillements, jaugèrent les importuns.

— Holà, bonnes gens ! Point d'affolement ! Nous sommes des envoyés du château et nous avons grand besoin d'informations capitales.

— De quelles informations ?

— Nous recherchons un herboriste qui habiterait à une journée de marche d'ici et à une demie de galop. Le connaissez-vous ?

— Un herboriste ? Non point.

— Hum... Et auriez-vous entendu parler de quelqu'un officiant dans la vente ou la culture de plantes médicinales ?

— Non point, non plus...

— Et la famille de Blanche-Prudence, sauriez-vous nous dire où est située sa chaumière ?

— Ah ça, pour sûr ! C'est la dernière maison à l'est du village.

— Merci bonnes gens !

Avec cette seule indication, les gardes ré-enfourchèrent leurs montures et, leur capitaine en tête, ils foncèrent dans la direction indiquée.

— Holà, bonnes gens ! Quelqu'un pour nous répondre ?

— Qui donc êtes-vous ? demanda une petite voix en arrière de la porte.

— Point d'affolement madame ! dit le capitaine des gardes. Nous sommes des envoyés du château et nous avons grand besoin d'informations capitales.

— De quelles informations ?

— Blanche-Prudence a dit au Prince Philibert-Armand avoir contact avec un herboriste logeant à une journée de marche d'ici et à une demie de galop. Sauriez-vous nous en dire davantage ?

La porte de bois grinça sur ses gonds rouillés et une petite femme ridée sous une coiffe sombre s'avança timidement.

— Ma fille ? dit-elle. Comment va-t-elle ?

— Ne vous troublez point madame, votre enfant va pour le mieux !

— Ah... fort bien... Mais comment se fait-il qu'elle même n'ait pu vous renseigner ?

Sans réponse adéquate, le capitaine bredouilla et se retourna vers ses comparses.

— L'un d'entre vous sait-il pourquoi la demoiselle n'a pas renseigner le Prince ?

— Le Prince voulait faire une surprise à la demoiselle ! s’écria un audacieux.

— Une surprise ? Mais comment donc ? s'étonna la vieille dame. Pourquoi donc le prince voudrait faire une surprise avec un herboriste ? Quelle drôle d'idée...

Les gardes restèrent muets.

— M'est avis qu'il est arrivé quelque chose à mon enfant... grommela-t-elle. M'est avis que vous avez besoin de cet herboriste pour la soigner... M'est avis, n'est-ce pas ?

— Eh bien... bredouilla encore le capitaine. En vérité, votre fille est malade et nous avons ordre de retrouver cet herboriste pour qu'il fournisse un ingrédient rare.

— Un ingrédient ?

— Oui, de la menthe poivrée à incorporer dans une préparation pour la guérir.

— Je vais appeler mes fils, dit la vieille. Ils vont harnacher nos juments et vous guider jusqu'à cet homme dont il n'est pas facile de trouver la cahute au fond des bois. La région est dense, vous savez. Elle se partage en marécages, en forêt touffues et en plaines étendues. Sans l'aide de mes fils, ce serait comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Vous perdriez beaucoup trop de temps et il faut sauver ma fille.

— Merci madame.

— Hum... En espérant que tout ira bien.

— Nous ferons notre possible, madame.

— Quand l'herboriste sera retrouvé, mes fils poursuivront la route vers le château. De la sorte, si par malheur, ma petite venait à expirer, ils la ramèneraient vers nous... dans sa maison...

La vieille dame essuya les larmes sur ses joues et rajouta :

— En attendant que mes fils soient prêts, messieurs, venez à l'intérieur. Votre route a été longue et une bonne soupe vous fera le plus grand bien.

Les gardes déclinèrent l'invitation et choisirent de patienter au-dehors. Un quart d'heure plus tard, deux solides gaillards aux pommettes rouges et aux cheveux hirsutes sortirent de la chaumière avec dix écuelles et une marmite pleine. La soupe avalée, les gardes remontèrent sur leurs chevaux pendant que les garçons sellaient les juments qui broutaient paisiblement dans leurs enclos.

Le jour se hissait et prévoyait d’être chaud. Suivant au pas les juments de trait montées par les frères de Blanche-Prudence, les dix hommes grognaient et soupiraient.

— Pfft... Plus vite les canassons...

— Ouais, c'est beaucoup trop lent.

— Sûr, à ce rythme on n’est pas prêt d’arriver.

— Profitez du paysage au lieu de râler, suggéra le capitaine.

— Hum... Espérons que la ballade équestre ne durera pas la matinée.

— Faites preuve de patience, messieurs, et changez votre attitude ! s'irrita le capitaine. Le principal est de trouver notre homme et l'ingrédient manquant. Après ça, nous tirerons sur les rênes et nous chevaucherons à brides abattues pour rattraper le temps.

— À brides abattues ? s'exclama un des gardes. Eh bien, l'herboriste devra être bon cavalier pour tenir le rythme !

— Au pire, on le mettra à l'arrière du capitaine, dit un autre en riant. Hein capitaine ? Comme un bagage !

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