Chapitre 24
24
Vendredi 26 décembre 2019, 11h29
La neige tombait à gros flocons sur la route presque déserte où circulaient tous leurs véhicules. Yannick en tête, était escorté par Jelena, sur sa gauche, et couvraient le périmètre avec attention. Matteo et Iverick les suivaient, laissant Amali bonne dernière, en fin de peloton.
Ils roulaient depuis dix heures, en direction du sud et ne s'étaient presque pas arrêtés. Dans les mots du caporal Iverick, chacun pouvait ressentir une certaine urgence que l'homme s'obstinait à taire. Il y avait un éclat dans son regard, une crispation dans ses traits qui ne mentait pas ; ils ne s'éloignaient pas, ils fuyaient.
Selon les dernières indications du caporal, il n'était plus question de se contenter d'une halte en Haute Saône, mais de rouler jusqu'à ce que la réelle menace ne se clarifie. Rouler signifiait rester hors de portée, c'était simple.
Erwan regardait la route défiler par sa fenêtre, tout en faisant léviter une balle en caoutchouc entre ses doigts. Matteo la lui avait donnée afin qu'il s'exerce, qu'il trouve une occupation utile à leurs nombreuses heures de trajet.
Ses yeux fixaient la sphère bleutée qui entre ses doigts, montait et descendait au rythme de ses envies, il pouvait faire ce qu'il voulait de l'objet.
— Tu me stresses, lança Théo, à l'opposé de la banquette arrière.
— Hum.
— Tu pourrais arrêter ?
Erwan haussa un sourcil, rattrapa la balle au moment où son don, à l'image de la luminescence de ses yeux, cessa d'être.
— Jon il a pas les yeux qui font ça, nota Elies avec attention.
— Parce que son don est genre... tout le temps activé, j'imagine ? Moi je dois me concentrer pour faire léviter des objets. Comme Vasco avec ses explosions tu vois ?
Yannick les écoutait discuter de leurs nouvelles facultés, un drôle de sentiment coincé dans la gorge. Quelque chose dans leurs mots, leur sérieux le dérangeait. Peut-être ne s'était-il tout simplement pas encore fait à la nouvelle ''normalité'' qu'avait apporté le virus ? Enfin virus, il ne savait plus vraiment si ce terme était correct au vu des dernières découvertes. S'agissait-il d'un virus pour les personnes non aptes à muter ? Était-ce un simple effet secondaire de l'organisme rejetant la modification de l'ADN ?
— Yannick attention !
L'avertissement de Mehdi le tira si brutalement de ses pensées que par réflexe, il écrasa la pédale de freinage. Le véhicule grinça en pilant, mais s'arrêta tout de même d'un seul trait.
— Mehdi, ça va pas bien de crier comme ça ?
Le jeune garçon secoua la tête, avant de lui désigner d'un geste vague, le barrage de voitures de police qui encombrait la route.
Tous gyrophares allumés, elles barraient l'accès aux véhicules, afin de les intercepter dans leur trajet. Plusieurs hommes et femmes stationnaient autour des véhicules, tous équipés de combinaisons intégrales qui à première vue, ne laissaient pas filtrer la moindre poussière de l'extérieure.
Le virus se propage par l'air, d'où sa contagiosité, se remémora t-il avec aigreur, ils se protègent, c'est tout.
Une femme lui indiqua de couper le contact et de descendre. Deux autres hommes venaient de dépasser l'habitacle pour aller consulter ses collègues à l'arrière. Jelena près de lui, retira son casque, et répondit à un homme avec vivacité, les sourcils froncés.
— Vous restez là, ordonna l'éducateur en sortant de la voiture.
Derrière lui, il claqua la porte, se présenta sous son meilleur jour au représentant des forces de l'ordre qui, faux sourire plaqués au visage, lui indiqua la plaque d'un signe de tête.
— Cinquante-six, le Morbihan ? Vous êtes un peu loin de chez vous.
Le ton de l'homme se voulait rieur mais Yannick voyait très bien qu'en aucun cas son vis à vis n'avait envie de plaisanter avec lui.
La voiture de Amali était également immatriculée cinquante-six, celle de Matteo cinquante-quatre, et ils se trouvaient actuellement à la frontière entre le Jura et l'Ain. Autant dire que les récentes mesures de restriction de déplacement n'étaient pas du tout respectées dans leur cas.
— Cartes d'identités, papiers du véhicule, pour vous et les enfants.
Derrière lui, il entendit Amali interroger l'homme avec qui elle s'entretenait sur le pourquoi du barrage.
Docile, il alla chercher dans la boîte à gants tous les papiers que l'homme lui demandait, les lui présenta avec raideur. Quelques secondes, le policier les inspecta, avant de hausser un sourcil :
— Aucun de ces enfants n'a le même nom de famille, c'est pas normal.
Avait-il vraiment la force de lui expliquer le pourquoi de leur présence ici, avec huit jeunes du foyer Phoenix situé à Vannes ? Non, sûrement pas. Il se contenta donc de quelques explications brèves, que le policier accueillit avec un entendement factice.
— Chef, on a un gradé de la base de Chalon, lança une femme dans son dos.
— Intéressant. Drôle de cortège si je puis me permettre.
Yannick grinça des dents, fit signe à Mehdi de rester tranquille en avisant l'air déconfit de l'adolescent.
— Nous formons un barrage de contrôle entre le Jura et l'Ain, monsieur. Nous avons été déployés pour contrôler toute fuite du département du Jura mais surtout, pour un dépistage des personnes que nous arrêtons. Afin de déterminer si oui ou non, il ont besoin d'une prise en charge dans nos centres spécialisés.
— Je vois, acquiesça Yannick.
Son pouls s'accélérait de seconde en seconde. Ils étaient pris au piège, allaient à l'encontre de la mesure de restriction de déplacement et en plus du reste, comptaient sur leur groupe plus de cinq personnes qui sans aucun doute, seraient positives au test de dépistage.
— C'est un nouveau dispositif, je n'ai jamais vu ce procédé pour le dépistage du virus ?
— Tout à fait, il a été mis en place dans l'urgence durant la semaine. Le virus laisse des traces de son passage dans le sang, il suffit donc d'analyser un échantillon et d'y rechercher la présence du virus.
Sans plus laisser le temps à Yannick de réfléchir, l'homme lui attrapa la main et pressa une aiguille contre son doigt. Une grimace dû trahir son étonnement car le policier sourit, moqueur.
— C'est pas si douloureux que ça.
Une minute après, l'appareil dans lequel avait été déposée sa goutte de sang affichait deux traits sur un écran gris et minimaliste :
— Négatif, lança t-il à la cantonade. Je passe aux gamins.
À demi-mots, il indiqua à Yannick de faire sortir les enfants, qui en moins de deux, furent alignés contre le flanc de la voiture. Elies était agité, trépignait d'un pied sur l'autre, n'avait de cesse de consulter Erwan d'un regard plein d'angoisse. Sans le vouloir, il indiquait d'ores et déjà que son camarade était positif, son regard rempli d'inquiétude le trahissait.
— Positif !
Derrière eux, une femme policière escortait Matteo, les traits tirés.
De secondes en secondes, Yannick se sentait défaillir : il était clair que le caporal craignait ces fameux centres, qu'il n'avait aucune envie d'y finir alors, qu'allaient-ils pouvoir faire maintenant que l’étau se resserrait ? D'un regard à Iverick, il put constater les sourcils froncés de l'homme, son air concentré, renfermé : au moment où Yannick frôlait la panique, lui réfléchissait à un plan pour se soustraire à la tenaille dans laquelle ils se trouvaient.
— Positive !
Ce fut au tour de Jelena d'être poussée en avant. Les yeux écarquillés, elle assurait à l'homme qui l'avait testé qu'il devait se tromper, qu'elle n'avait aucun symptômes.
— Les tests ne se trompent jamais, il y a une trace du virus dans votre sang, avancez.
Les ''positifs'' s'enchaînèrent comme une rengaine infernale : Erwan, Jon, Vasco, le caporal Iverick, mais plus improbables, Elies, Eden. Le caporal rua quelque peu lorsqu'on le força à avancer, rappela son grade dans l'armée, tout en ajoutant qu'il fallait préserver sa jambe blessée.
— Vous êtes à des centaines de kilomètres de votre base caporal, votre grade vaut rien ici.
Iverick grinça des dents, mais n'ajouta rien, replongeant dans sa réflexion, le regard éteint.
— Eh bah dis donc, huit d'un seul coup, sourit une policière. Bonne pioche !
— Vous saviez monsieur, que vous êtes dans l'illégalité la plus totale pour avoir en premier lieu quitté votre département, et pour avoir cacher ces infectés malgré l'injonction de les présenter dans les centres de regroupement ?
— Ils n'avaient pas de symptômes, souffla Yannick.
Il voyait sur sa gauche, Amali trépigner d'un pied sur l'autre, prête à intervenir tandis qu'un homme tentait de tirer Jon en avant, les doigts noués autour de son poignet. L'adolescent cependant, refusait de bouger et avec assurance, défiait l'homme de le faire avancer. Yannick n'avait jamais vu Jon arborer cette expression, à la fois solide et assurée, de celles qu'il réservait aux situations critiques. La peur semblait-il, lui donnait des ailes et un courage qu'il ne possédait pas à l'accoutumé.
— On a des sédatifs, fais pas le malin gamin.
— Jon avance, gronda Eden d'une voix blanche.
Jon grimaça, mais suivi tout de même l'ordre de son ami, lui emboîtant le pas.
Le cœur de Yannick battait vite : que faire, comment se sortir de ce pétrin annoncé ? Les infectés avaient été réunis derrière la ligne de policiers, à l'abri de tout éventuel dérapage de ceux testés négatifs.
— Vous les emmenez où ? s'exclama Amali.
Sa voix trahissait son angoisse, elle craignait pour les enfants, collait aux semelles du policier qui faisait avancer Jon et Eden. Sur son visage, Yannick pouvait lire toute l'angoisse qu'elle devait ressentir à l'idée de voir ces hommes et femmes emmener ses protégés loin d'elle.
— Eux vont au centre, et vous en détention provisoire.
— Pardon ?
Elle s'arrêta instantanément, jeta un regard ahuri à son collègue qui sous la pression, tenta d'éclaircir les choses avec le policier en face de lui.
— La détention ?
— Ne faites pas le surpris monsieur, vous avez enfreins deux restrictions, vous vous attendiez à quoi en cas de contrôle comme celui-ci ? À une amende ?
Une goutte de sueur dévala le front de l'éducateur. À quelques mètres de lui, Elies s'était mis à sangloter, se raccrochait de toutes ses forces au bras de Erwan. Il suppliait les deux femmes qui les encadraient de ne pas mettre ses éducateurs en prison, leur demandait de passer l'éponge, qu'ils s'étaient juste trompés.
— Éducateurs ? répéta l'une des femmes. Ça explique le nombre de gosse et les noms de famille différents.
L'une des policières ricana, tandis que sa collègue, plus émue par les larmes du petit garçon, tentait de le rassurer.
— Vous pouvez pas faire ça, tenta Amali, remise de ses émotions. Ils ont besoin de nous.
— Ils ont besoin d'une prise en charge spécialisée.
— Vous moquez pas de nous,il y a encore une semaine personne ne connaissait ce truc et aujourd'hui vous prétendez savoir le gérer ? J'aimerais bien savoir à quoi ça sert de réunir tous les infectés dans un seul et même endroit, alors qu'ils développent des aptitudes incontrôlables ! Vous cherchez à faire quoi sans déconner ?
À quelques mètres d'elle, une policière lui fit signe de se taire, que ce serait son dernier avertissement.
— Vous pouvez pas nous les prendre de force !
— Nous n'utilisons pas la force mademoiselle, mais si elle est requise, nous n'hésiterons pas.
Obéis, pensa Yannick.
Il n'en fut rien : la jeune femme rattrapa l'homme qui tenait Eden et Jon, attrapa les poignets des adolescents et les tira en arrière. Le policier lui jeta un regard glacial, avisa le regard déterminé d'Amali, son air buté.
— C'est non, persifla t-elle. Ils restent avec moi. Avec nous.
— On ne vous demande pas votre avis, c'est stop maintenan...
Sans avoir le temps d'achever sa phrase, l'homme s'écroula dans un hurlement de douleur, l'épaule disloquée. Jon le fixait avec mauvaise humeur, les lèvres pincées.
— Excusez-moi, je voulais pas vous blesser.
Un sourire en coin étira les lèvres de Amali, au moment où une policière braquait son arme de service sur eux, alarmée par l'état de son collègue, recroquevillé sur le goudron. L'homme gémissant, ne capta pas l'attention de Yannick plus longtemps : d'un regard horrifié, il fixait le canon de l'arme, brillant, pointé sur Jon. Bien sûr, il savait que la balle ne ferait pas de mal à l'adolescent mais, si au dernier moment il venait l'envie à la jeune femme de tirer sur Eden ou Amali, ce ne serait pas la même histoire.
— Plus un geste, gronda la policière.
Du coude, Jon capta l'attention de Eden, lui désigna la femme du menton.
— Pas sûr que ça marche, répliqua t-il.
— Essaye.
— J'ai dis plus un geste ! Pas de messes bassess !
Sous le regard fasciné de Yannick, Eden fit un pas en avant, ferma les yeux pour les rouvrir dans un éclat lumineux d'un vert intense. Le menton relevé pour attraper le regard de la policière, il articula un très clair :
— Vous allez retourner votre arme contre vous et si vos collègues osent blesser mes camarades, vous ferez feu.
Un couinement horrifié s'échappa des lèvres de la policière lorsque contrainte par une force invisible son bras se plia, ramena le canon de l'arme contre sa propre tempe, et que doucement, son index caressa la détente.
— Tu fous quoi Anaïs ? Repose ton arme !
— Je peux pas, paniqua la policière, un sanglot dans la voix. Je peux pas, bougez pas, bougez pas !
Tous eurent un mouvement de recul face à la détresse de la policière. Derrière elle, Jon venait de passer un bras autour des épaules de Eden, le félicitait en riant.
Depuis quand il sait faire ça... ? Songea Yannick. Jon semble être au courant, ils s'étaient bien gardés de nous le dire. D'un regard et de quelques mots, Eden venait de manipuler la policière telle une vulgaire marionnette sous ses ordres. Et, bien que ses yeux aient retrouvés leur couleur habituelle, la policière restait bloquée, le canon dangereusement proche de sa tempe, son visage rouge de colère et de frustration. Tous pouvaient voir dans son regard son envie indéfectible de bouger, d'éloigner le danger de son crâne, de riposter face à l'attaque. Mais elle ne pouvait pas non, son corps ne lui répondait plus.
D'un regard, Amali et les garçons se concertèrent, avant de rejoindre le barrage de police d'un bon pas.
— Pas un geste messieurs mesdames, ou Anaïs finira mal, lança Eden stoïque.
— Ils ont raison de vous nommer ''monstres'' en haut, que vous mutiez ou que vous deveniez ces... choses ignobles, vous restez de la charogne.
L'homme en face de lui cracha à quelques centimètres de ses chaussures, les yeux exorbités par la colère.
Eden soupira, battit des cils :
— Tu vas te taire. Je veux plus entendre un seul mot sortir de ta bouche.
Les lèvres de l'homme se serrèrent, pour ne plus se rouvrir. Sous le regard écarquillé des autres agents, Jelena, Matteo et Iverick intimèrent aux enfants de rejoindre leurs voitures, rapidement.
— Jon, tu peux t'occuper des voitures ? s'enquit Amali.
— Je suis pas certain de pouvoir soul...
— Bien sûr que si, tu vas y arriver, sourit Eden, plein d'espoir. Vas-y.
Après un hochement de tête entendu en direction de son meilleur ami, Jon rejoignit la rangée de voiture, passa ses doigts sous l'arrière de l'une d'elle, et commença à la soulever sans le moindre mal. Amusé de réussir un tel exploit, il lui vint soudainement l'envie de rendre toute poursuite impossible. Alors, avec une impulsion et un peu d'élan, il envoya la première voiture voler à quelques dizaines de mètres de là.
— T'es trop fort Jon ! s'exclama Eden.
Pétrifiés, les agents de police regardaient leurs voitures s'envoler une par une, pour atterrir plus loin, sans doute inutilisables. Anaïs se tenait toujours bien droite, le canon contre la tempe, et suppliait ses collègues de faire quelque chose.
— On a vos noms, menaça une femme lorsque Amali passa près d'elle.
— Et nous on a du temps pour se tirer d'ici. Vous avez plus de bagnoles et on est perdus au milieu de nul part.
La policière en face d'elle, serra les dents, regarda une dernière fois Jon jouer avec leurs voitures comme avec de simples jouets, constata les voitures de ces fugitifs infectés prêtes à redémarrer et, dans un élan désespéré de les voir quitter le barrage, attrapa Amali par les cheveux. En admettant que Anaïs presse véritablement la gâchette, sa mort serait salutaire pour la préservation de l'humanité : elle ne pouvait pas laisser courir huit infectés aussi dangereux dans la nature. Si d'autres se contentaient d'accepter leur sort et de rejoindre les centres, ceux-là semblaient bien décidés à ne pas se laisser faire, et avec leurs nouveaux dons, les prédictions des scientifiques se réalisaient. Les dires des plus grands, les mots avec lesquels leur chef les avait bassinés : « L'humain est de nature un être en constante recherche de liberté. Donnez-lui de quoi s'éloigner du groupe et se créer ses propres règles, et vous assisterez à un véritable soulèvement de masse. Pour que la démocratie fonctionne, il faut des lois, des principes, que ces dons, que ce virus menacent d'amoindrir ».
La détonation suivi de près le hurlement de Amali, lorsque la chaussure renforcée de la policière lui broya la tempe d'un coup de pied rapide et sec. Dans un même mouvement, elle et Anaïs s'écroulèrent au sol, à la différence près que l'éducatrice elle, respirait encore.
Un instant, le silence se fit sur tout le groupe. Les agents fixaient leur collègue au sol, horrifiés face à la marre de sang qui de seconde en seconde, prenait de l'ampleur. Théo et Erwan, tétanisés, eurent un instant envie de hurler, avant de se rappeler que la menace de Eden ne pesait plus rien, maintenant que ''l'otage'' était morte. Ils étaient tous à la portée des agents et de leurs balles et, de ce que Erwan savait, seul Jon avait la capacité de résister aux projectiles.
— Amali ! hurla Erwan, le cœur au bord des lèvres.
La jeune femme se redressait sur un coude, sonnée par le coup, mais n'eut pas le temps d'aller plus loin qu'un second coup la ramena au sol.
— Putain d'ordures ! beugla un policier en attrapant Eden par la capuche.
Yannick ne savait pas quoi faire, tout s'était passé beaucoup trop vite : Amali était à terre, et se faisait marteler par les pieds de la policière responsable de l'exécution de la menace de Eden qui lui-même, se débattait entre les mains de son geôlier. De là où il se trouvait, l'éducateur aperçut les mains de l'homme se refermer sur une seringue, se rappela de la menace de les ''sédater'' en cas de résistance.
— Amali !
Avant qu'il n'ait pu l'intercepter, Jelena bondit en avant, son arme de service entre les mains, récupérée à l'instant dans le coffre de la moto de Jason. D'une balle dans la nuque, elle mit l'agresseuse de Amali hors d'état de nuire, avant de ramasser la jeune femme. Sans douceur, elle jeta presque la jeune femme sur son épaule comme elle l'aurait sans doute fait avec un sac à patate, et repartit en courant.
— Jon ! s'écria Vasco, il faut aider Eden !
Au même moment, Jon battait en retraite, plus aucune voiture de police à l'horizon, pour s'attaquer à celui qui d'une main de fer, retenait Eden sous sa prise. Son meilleur ami était blême, les dent serrées et les yeux prêt à faire feu.
— Je te couvre, lança Jon en se postant entre lui et le restant de l'unité du barrage.
Immédiatement, Eden se retourna, attrapa le visage de son agresseur, auquel il s'agrippa de toute ses forces. La sensation désagréable de l'aiguille d'une seringue s'enfonçant dans son flanc le fit grimacer, mais il n'avait pas le temps de s'attarder sur la douleur. Et puis, l'homme portait une arme, qu'il n'avait pas encore eu la présence d'esprit de dégainer mais, il ne pouvait se permettre de perdre une seconde.
— Tu vas me relâcher. Et tu vas abattre tes collègues, peu importe la façon. Tant qu'il en reste, tu ne t'arrêtes pas.
Il entendait les coups de feux qui mitraillaient Jon, les jurons de Jelena, les appels de Yannick. L'homme en face de lui le reposa, murmura un « non » à peine audible, avant de le contourner pour se retrouver face à ses collègues.
— Jon allez !c cria Eden, à bout de souffle.
Jon le rejoignit rapidement, le rattrapa juste à temps, alors que le sédatif commençait enfin à faire effet. Sous lui, ses jambes se dérobèrent, et ses paupières se fermèrent dans un dernier battement de cils. Plus précautionneux que Jelena, Jon passa ses bras sous les genoux et la nuque de son meilleur ami, et courut le plus rapidement possible jusqu'à la voiture de Matteo. À peine entré à l'intérieur, la portière claquée derrière lui, la voiture démarra sur les chapeaux de roues, en trombe au milieu du champs de ruine.
Jelena, au volant de la voiture de Amali, conduisait en tête de file, à brides abattues.
La moto de Jason resterait sur le bord de cette route, abandonnée à son sort car, alors que les voitures des ''fugitifs'' fuyaient au galop, l'homme qui quelques instants avait cru tenir l'un des infectés les plus dangereux auquel il eut fait face, tirait à belles réelles sur ses camarades, le visage ravagé par les larmes.
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