Chapitre 46
46
Samedi 06 janvier 2024, 12h57
Le contact du bois sur sa langue manqua de peu de faire vomir Erwan. Il avait toujours détesté cette façon qu'avaient les médecins d'observer au fond de sa gorge en s'aidant de ce petit bâtonnet de bois si désagréable. Ne pouvaient-ils pas tout simplement trouver un meilleur angle qui ne demanderait pas l'aide extérieur du bâtonnet ?
Du coin de l’œil, il vit Eden sourire en coin, assit face au bureau du médecin qui en urgence et à la vue de son état, avait accepté de les recevoir.
— Depuis combien de temps ça dure ?
— Deux bonnes semaines. Mais la fièvre a vraiment commencé à augmenter récemment.
Le médecin hocha la tête, retira enfin le bâtonnet de sa bouche, et s'éloigna de Erwan pour revenir s'asseoir face à Eden. Lui resta simplement allongé sur la table d’auscultation, tendu et transpirant.
Il n'en pouvait plus.
Depuis qu'ils étaient partis deux jours plus tôt, il n'avaient pas arrêté de courir de partout : d'abord la longue chevauchée pour rejoindre Lyon, puis la recherche infructueuse d'endroit pour dormir, qui s'était soldé par une insomnie douloureuse passée dans un parc. Le matin au réveil, pas le temps de chaumer, Jon avait immédiatement reprit la route pour Valence tandis que Eden et lui s'étaient rendu à Ampuis afin de se procurer deux faux bracelets de reconnaissance. Là-bas, ils avaient croisé beaucoup de monde, des gens qui ne lui avaient inspiré que de la méfiance, des hommes aux airs mordants, des femmes aux comportements aguicheurs, des passages de marchandise sous le manteau. L'ambiance qui régnait sur le marché était sale et poisseuse, Erwan avait détesté se retrouver au milieu de toute cette agitation malsaine. Il savait que pour la plupart, ce marché représentait le seul moyen de se procurer des médicaments, des denrées alimentaires rares ou même des manuels scolaires mais ce décors, cette ambiance crasseuse lui avait donné mal à la tête.
Après l'épisode du marché, il avait fallu trouver un médecin et pour une fois la chance avait joué en leur faveur, le premier venu avait été le bon, accueillant et dévoué à s'occuper de lui, qu'importait son bracelet de reconnaissance.
— Tu fais de l'asthme mon garçon ?
Comprenant au ralenti que le médecin s'adressait à lui, Erwan releva la tête, planta son regard dans le sien avant d'acquiescer, et de retomber contre la surface dure et froide de la table.
— Un terrain à risque donc. Vous avez bien fait de ne pas... trop laisser traîner. Je vais vous prescrire des antibiotiques et normalement, avec du repos et beaucoup d'eau, tout devrait vite s'arranger.
— Parfait, soupira Eden, rassuré.
Une dizaine de minutes plus tard, l'ordonnance en mains et le cœur allégé, ils purent enfin sortir du cabinet pour retrouver l'air frais de la rue, le bruit lointain des quelques voitures en circulation au centre-ville.
Eden marchait lentement, s'assurait toutes les dix secondes de l'état du plus jeune, qui bien que rassuré, avait toujours beaucoup trop de mal à respirer à son goût.
— Maintenant le truc marrant, ça va être de trouver tes médocs.
— À la pharmacie non ?
— On va tenter le coup. Pas trop fatigué ?
Tandis que Erwan lui répondait d'un haussement d'épaules, Eden croisa le regard d'une policière au coin de la rue, attendit d'être hors de sa portée pour rabattre sa capuche sur sa tête. Depuis leur retour sur la métropole en début d'après-midi, il trouvait qu'en ville régnait une drôle d'ambiance, que les gens semblaient tendus, aux aguets. Lui-même ressentait cette tension grondante dans les ruelles, ce sentiment d'être observé depuis qu'ils avaient quitté le cabinet du médecin.
D'un bras protecteur, il rapprocha Erwan, lui ordonna silencieusement de ne pas s'éloigner.
Ce n'est que quelques minutes plus tard, et alors qu'ils arrivaient aux abords d'une artère centrale, qu'Eden comprit que quelque chose n'allait vraiment pas, et qu'il leur fallait au plus vite trouver un abri. Plusieurs groupes de militaires, de gendarmes et de policiers patrouillaient un peu partout, arrêtaient les gens, contrôlaient les bracelets de reconnaissance. Plusieurs personnes comme lui, à peine sortis des ruelles, retournaient s'y cacher tout en fixant les forces de l'ordre d'un air appeuré.
— Eden qu'est-ce qui se passe ? murmura Erwan en se raccrochant à son bras.
— Rien, des contrôles de flics. On a des bracelets, tout va bien se passer.
Il n'en croyait pas un mot. Certes le matin-même il avait acheté leurs deux bracelets de reconnaissance contre une bonne dose de morphine à une femme à l'air plutôt fiable, mais qu'en était-il vraiment ? Sous les scanners des policiers, que renverraient leurs bracelets ?
Faux, faux, faux.
Le temps qu'il fasse le point, une femme en uniforme lui intimait de s'arrêter et de présenter son bracelet. Un instant, il voulut l'ignorer, faire demi-tour et retourner se cacher dans l'ombre de la ruelle mais, à quoi bon ? L'avenue était bondée d'hommes et femmes armés.
Il sentit la prise de Erwan se raffermir, se faire plus intense alors que la femme arrivait à leur hauteur,s on scanner en main.
Au loin, Eden vit un homme se débattre, ses enfants en larmes à côté de lui. Un militaire venait de lui passer les menottes, tandis qu'une gendarme tentait de calmer les deux enfants.
— Bracelet s'il vous plaît.
Hésitant, Eden ravala sa salive, présenta le code barre de son bracelet. Une lumière rouge balaya le petit emplacement du code avant qu'un son ne sorte du scanner.
— Ok c'est bon. À toi ?
Le soulagement d'être tiré d'affaire ne fut que de courte durée. À l'instant même où le son émanant de la machine sonna différemment à ses oreilles, il sut que le bracelet de Erwan à l'inverse du sien, n'avait su tromper le scanner.
— Il y a un probl..., tenta Eden.
— Te fatigue pas Leila ! C'est eux ! C'est eux !
Un homme sortit de nul part, mal à l'aise dans sa chemise bleu clair, courrait désormais vers eux en brandissant son arme de service. C'était irréaliste. Les autres contrôles autour d'eux avaient cessés, tous les représentants de l'ordre les dévisageaient et cet homme, seul et essoufflé, courait tout droit vers eux en vociférant de leur passer les menottes.
Sans réfléchir, Eden attrapa Erwan, le poussa dans la ruelle, avant de se retourner vers la femme qui venait de le contrôler :
— Faites nous gagner du temps : tirez sur vos collègues les plus proches.
Tel un robot, la femme extirpa son arme de service, commença à tirer sur tout ce qui bougeait autour d'elle, sans vraiment comprendre ce qui lui arrivait. Eden de son côté, avait rebroussé chemin, attrapé le poignet de Erwan, et courrait désormais dans la ruelle. Le claquement de ses baskets sur les pavés n'était rien comparé à la cacophonie de cris et de coups de feux qu'ils laissaient derrière eux.
— Qu'est-ce qu'on fait ? hoqueta Erwan, la respiration sifflante.
— Pose pas de questions, cours.
Sans s'en rendre compte, il venait de faire usage de son don sur Erwan, mais qu'importait : derrière eux, celles et ceux qui avaient échappés aux balles s'étaient mis à les poursuivre.
Une première balle effleura son mollet, une seconde vint se perdre dans son bras, lui arracha un cri.
— La chef le veut vivant ! s'époumona une femme. Visez les jambes !
Sitôt dit, sitôt fait, une salve de balle vint bientôt lui déchirer les jambes du haut des cuisses jusqu'au bas des mollets. En une fraction de seconde, il perdit l'équilibre, s'écroula aux pieds d'un Erwan qui toujours sous l'effet de l'injonction, ne s'arrêta pas de courir.
— Eden ! hurla t-il.
— T'arrête pas tant que t'es pas hors de portée !
Avant qu'il ne perde connaissance, la douleur et l'adrénaline trop puissantes contre ses tempes, il eut le temps d'entendre une femme suggérer de poursuivre Erwan, ce à quoi un homme répondit que plus loin, une autre équipe se chargerait bien de le rattraper. Effondré, il battit des cils, pria pour que de là où il se trouvait, Jon puisse entendre ses battements de cœur et les comprendre, puis, ce fut le noir
…
Samedi 06 janvier 2024, 13h37
Il n'en revenait pas. Extatique, Théo tournait autour de son ancien camarade de foyer comme un rapace autour d'une proie mourante, le narguait de ne pouvoir bouger ou riposter, un gros scotch sur la bouche. Assis à même le sol, mains liées dans le dos par une paire de menottes, Eden suivait le mouvement d'un regard mauvais, les lèvres douloureusement scellées par le ruban que ses ravisseurs s'étaient hâtés d'appliquer dès son réveil.
— Tu sais qu'on a déployé nos équipes hier ? Moins d'une journée pour te faire chopper, quelle honte ! Je veux dire ça fait deux ans que vous êtes sortis des radars et là, en moins d'une semaine, on vous retrouve, on se déploie, et on vous attrape.
D'un rire bruyant, il termina de faire fulminer Eden qui bien que fermement entravé et privé de son pouvoir, laissa tout de même ses iris se parer de leur luminescence habituelle. Amusé, Théo se rapprocha de lui, fit mine de tendre l'oreille, tout sourire :
— Tu as dis quelque chose ? J'ai peut-être mal entendu tu peux répéter ?
Sans lui laisser le temps de réagir, il se redressa et partit rejoindre Vasco à quelques mètres seulement qui bras croisés sur le torse, l'observait s'amuser avec leur ''prisonnier''.
— Tu devrais le laisser tranquille, souffla le plus âgé dans un grondement.
— Oh ça va je lui ai rien fait de mal ! Tu sais bien à quel point Eden aime rire.
— C'est sûr, un vrai pitre celui-là.
Entre ses dents serrées, Théo siffla de mécontentement face au sarcasme que Vasco ne prenait même pas la peine de rendre moins voyant. Décidé à ne pas lâcher Vasco, et ce même face à l'évidente réticnce de ce dernier, Théo vint se planter près de lui, lui donna un coup de coude.
— N'empêche, grogna Théo, c'est fou comme son traitement marche bien. Il est aussi grand que toi maintenant.
— J'ai vu.
— Enfin bon, t'es quand même bien plus baraqué que lui.
— Oui oui.
— Qui aurait pu penser que...
— Théo, le coupa t-il brusquement. C'est bon, j'ai saisis. Maintenant la ferme.
Du coin de l’œil, Vasco put clairement discerner le sourire de Eden sous le scotch, préféra lui tourner le dos et rejoindre Jelena et les autres militaires. En pleine discussion sur la suite des événements, aucun d'eux ne semblait réellement intéressé par le vent qui commençait à se lever ou même le ciel qui sans se faire remarquer, se paraît de nuances noires et grises.
Afin de faciliter le rassemblement de leurs troupes éparpillées un peu partout dans la ville et sa périphérie, Jelena avait demandé à ce que tout le monde – prisonniers compris – soient rapatriés place Bellecour, dans le centre de la ville. Ainsi, régnait désormais sur la place un sentiment étrange de guerre en préparation, quelque chose d'étouffant et de malsain, entre les hommes, femmes et enfants qui menottés, clamaient leur innocence, les soldats qui n'en avaient visiblement pas grand chose à faire, et le temps qui lentement, tournait à la pluie.
Vasco balaya les environs du regard, s'attarda sur les quelques militaires qui amusés, tourmentaient les prisonniers en leur vantant les mérites de leurs futurs cellules, avisa Théo, de retour auprès de Eden, avant de sursauter à la vue d'un groupuscule au loin. Quelques gendarmes, ainsi qu'une policière et une militaire retenaient fermement un adolescent qu'il ne reconnaissait que trop bien. Les cheveux châtains, la peau pâle et couverte de tâches de rousseurs.
Erwan ne semblait pas au meilleur de sa forme, ainsi retenu par tout un groupe d'hommes et de femmes armés qui sans ménagement, le traînaient à leur suite.
Il vit Eden suivre son regard, se figer de surprise, puis de colère, et commencer à s'agiter. Sans succès, il agitait ses mains dans son dos, tentait de se défaire de la prise de ses menottes.
— On a eu le deuxième ! s'écria une gendarmette. Il a été difficile à maîtriser, mais on a...
— C'est quoi ce bordel ?
Théo, plus rapide que Vasco, avait d'ores et déjà rejoint le groupe, et fixait d'un air furieux, le visage tuméfié de l'adolescent, ses vêtements déchirés, son regard semi-conscient. Telle une poupée de chiffon entre les mains de ses geôliers, Erwan ne tenait presque pas debout, avançait difficilement, les pas tremblants, mal assurés.
— Qui a fait ça ? aboya t-il.
Les nouveaux arrivants échangèrent regards et haussements d'épaules, avant de se heurter à la dureté de la réaction de Théo qui sans attendre, leur arracha presque Erwan des mains, l'aida à s'agenouiller par terre. Le poids de l'adolescent lui sembla d'une lourdeur iréelle entre ses bras : le poids mort était toujours plus fort que le poids normal.
Vasco le rejoignit en trottinant, s'arrêta devant leur ancien camarde plié en deux, le souffle sifflant, les joues rouges et les yeux luisants.
— Mais bordel, grinça Théo. Jelena avait pourtant été claire non ? Pas de casse !
— Il voulait pas arrêter de courir, même lorsqu'on l'a attrapé, ses jambes continuaient de courir dans le vide, répliqua mollement la policière.
— Ah ouais ? Vous allez me faire croire qu'il vous a donné du fil à retordre ? Vous êtes quel genre de flics ?
Théo s'époumonait, tandis que Vasco, aussi préoccupé que son camarade, tentait de capter l'attention de Erwan en lui tapotant les joues du bout des doigts. Ses yeux cherchaient ceux du plus jeune en vain, Erwan semblait fixer le vide, extérieur à tout ce qui se passait autour de lui.
— Allez me chercher Eden, ordonna Vasco, la voix saturée par la colère.
En quelques instants, le jeune homme fut escorté à ses côtés, tout proche de Erwan qui bien que stimulé de toute part, ne semblait pas en capacité de communiquer avec le monde.
D'un geste sec, Vasco arracha le scotch des lèvres du prisonnier, lui désigna Erwan du pouce. Eden grimaça un bref instant, avant d'à nouveau se parer d'une expression à mi-chemin entre la colère pure, et l'inquiétude la plus totale.
— Il est malade, souffla t-il, la voix blanche. Une putain de pneumonie, et tu sais bien qu'il fait de l'asthme. Tu remercieras bien vos chiens de garde de lui avoir cassé la gueule.
Vasco renifla, mais hocha tout de même la tête, l'air dur. Il voyait bien que l'état de Erwan affectait son vis à vis, le rendait malade à un point tel qu'il en oubliait que face à lui se tenait un ennemi.
— T'avais un sac à dos quand ils t'ont attrapé, t'as un inhalateur dedans ? s'enquit Vasco.
— Bien sûr que oui.
Sans attendre, Théo qui avait de loin suivi leur échange, partit en courant attraper le sac à dos échoué sur une pile de matériel à l'autre bout de la place.
Vasco se laissa tomber près de Eden, assis en tailleur et darda son regard sur Erwan. Le plus jeune tremblait, tentait de respirer avec difficulté, s'étouffait sans que personne ne puisse rien y faire. Une quinte de toux sèche et râpeuse, entraîna au rejet d'une substance jaunâtre d'entre les lèvres du plus jeune, ce qui fit à la fois frissonner et se tendre Vasco.
— Ils auraient pu le tuer, siffla Eden.
— Je suis pas responsable de ce que ces connards se croient permis de faire ou non.
— Les chiens ça se dresse.
Vasco secoua la tête, avant de hausser un sourcil réprobateur :
— Et qu'est-ce que tu fais des résistants de Givors hors de contrôle ?
— Ça n'a rien à voir, répliqua Eden.
— Vous êtes autant les investigateurs de la Résistance, que Jelena du mouvement pro-mutant. C'est exactement la même chose.L Les chiens de Givors sont comme ces flics : désobéissants.
Erwan suffoquait toujours, à un mètre seulement et pourtant, les deux jeunes adultes se perdaient de seconde en seconde dans une conversation houleuse, se renvoyaient la balle avec force et colère :
— On est pas avec eux. On est plus affilié à la Résistance.
— Ah ouais ? Et le vol de médocs dans le train ? Tu vas me dire que c'est votre nouveau trip à Jon et toi, de vous infiltrer dans un train, butter les contrôleurs et voler de la morphine en quantité astronomique ?
Avec un sourire amer, Eden secoua ses bras, toujours solidement noués dans son dos, pour attirer l'attention de son vis à vis. D'un coup d’œil rapide, Vasco avisa le bracelet de reconnaissance, fronça les sourcils.
— Vous nous avez enregistré d'office sur les fichiers de résistants à contrôler, ce qui ne nous ouvre pas le droit à profiter de choses élémentaires comme les soins, les médicaments ou la culture. Si on a volé de la morphine, c'est pas un nouveau trip, c'est juste qu'on en avait besoin pour faire tenir Erwan le temps de trouver une solution au problème que vous nous imposer : celui de se faire refouler dans tous les cabinets de médecins, dans tous les hôpitaux, parce que nous sommes de parfaits opposants au mouvement Phoenix. Tu vois l'état dans lequel est Erwan ? C'est à quatre-vingt pour cent dû à vos soldats, mais les vingt pour cent qui restent, c'est parce qu'on a pas pu le soigner à temps et que sa pneumonie a pris du terrain.
Après le long monologue de Eden, Vasco resta longuement à simplement fixer son ancien camarade, puis Erwan, puis les soldats tout autour d'eux, la gorge nouée.
Théo réapparut bien vite, armé de l'inhalateur de Erwan qu'il vint avec précaution placer entre les lèvres de son ami, les dents serrées.
Il était hors de lui. Il ne comprenait pas comment le groupe chargé de sa capture, avait pu tant toucher à Erwan, le malmener de la sorte. Il avait certes quatorze ans, mais pouvait facilement paraître plus jeune avec ses grands yeux et son visage poupon. Alors comment, ou plutôt pourquoi s'étaient-ils senti autoriser à lever la main sur lui lorsqu'il était plus que clair qu'Erwan ne riposterait pas ?
Le plus jeune avait toujours été gentil avec lui au foyer, le défendait toujours face aux éducateurs, même lorsqu'il avait fait des bêtises, se portait toujours volontaire pour l'accompagner chez l’orthophoniste et l'ophtalmologue, prenait soin de lui comme personne ne l'avait jamais fait.
Le voir ainsi, haletant, souffrant, le visage à quelques centimètres du sol, dégoulinant de sueur et de sang, le rendait malade. Ça le mettait hors de lui.
Porté par sa colère et sa rancœur, il leva une main à la paume ouverte dans la direction de la policière qui semblait avoir mené le groupe, et laissa ses ondes brûler la peau de son visage, lentement, cellule par cellule. Le cri de la femme ne le fit pas faiblir, il continua sans sciller jusqu'à ce que la peau des mains et du visage soient totalement brûlée, à vif. L'instant d'après, la policière à genoux, vomissait à grands jets, hurlait à s'en déchirer la gorge puis, sans doute dépassée par la douleur, perdit connaissance.
— Salope, grinça Théo.
Erwan près de lui, recommençait peu à peu à respirer normalement, cherchait son air avec moins de difficulté, arrivait à avaler sa salive. Théo le couvrit d'un regard attentif, avant de croiser les yeux écarquillés de Eden braqués sur lui.
— Quoi ? aboya l'adolescent. Pourquoi tu me regardes comme ça ? Elle est pas morte si c'est ça qui t'inquiète.
Eden secoua la tête, se mordit rageusement la lèvre inférieure, avant de revenir à Erwan.
Au loin, Jelena qui avait suivi la scène, inspira à pleins poumons, se retourna vers Mattéo qui, ahuri, ne semblait plus capable de détacher son regard de Théo.
— Il vient vraiment de...
— Je crois bien oui. Commence à rassembler tout le monde, on va pas tarder à décoller.
Matteo hocha la tête, s'éloigna pour héler les différents groupes dispersés sur la place lorsque, de chaque coin de rue, apparurent de petits groupes de trois ou quatre personnes qui dans un même mouvement, convergèrent vers le centre de la place, s'amassant pour former une véritable barrière humaine autour des militaires. L'ancien infirmier relevait à peine les yeux vers la véritable armée qui venait de les encercler que déjà, une pluie de balle transperçait leurs rangs, réduisait au silence bon nombre de soldats et de forces de l'ordre.
— Plombez tout ce qui porte un uniforme !
Le hurlement, porté par un mégaphone, fut la dernière chose qu'il entendit avant qu'une détonation, toute proche de ses oreilles, ne lui fasse perdre audition et cours du temps.
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