Liréan et ses frères surfaient sur les rouleaux des vagues immenses déclenchées par la Tempête des Siècles.

Sportifs et joueurs, depuis leur naissance, ils l'attendaient !

Leurs parents, leurs oncles, grands parents et arrière-grands-parents, les avaient bercés d'histoires fantastiques sur cette tempête monstrueuse. L'océan nourricier de Leaurélia, projeté par des tornades titanesques, grimpait à l'assaut des grandes Montagnes, là où brille le Soleil de la Nuit.

Tous leur assuraient que ce n'était pas une légende et que les temps de l'Ouragan fabuleux reviendraient avec Haden, la Planète Géante qui s'approchait de Leaurélia.

Ils nageaient presque autant qu'ils volaient, leur bras déployés tendaient leur membrane diaphane souple et presque invisible au repos. Ainsi, ils franchissaient plusieurs crêtes de vagues d'un seul vol.

Le jeu consistait à s'aider de la force des vagues pour se faire propulser plus haut et plus loin.

Complètement absorbés par leur jeu maîtrisant la puissance des vagues et du vent pour voler le plus vite possible, ils ne pouvaient deviner les cîmes de la Montagne du Soleil de la Nuit. Elles se confondaient dans la nuit blafarde avec les crêtes des vagues sur lesquelles ils surfaient.

Ils se retrouvèrent durement projetés sur les falaises de la Montagne, sonnés.

Liréan se releva le premier, ses trois frères gisaient étendus au pied des rochers. Il se précipita pour les aider. Courbatus mais sans blessures, ils s'en sortaient finalement tous sain et sauf.

Encore essoufflé par leur folle cavalcade il s'adressa à ses frères

— Nous avons été un peu fous dans cette course avec l'Ouragan, mais c'était tellement grisant.

— L'essentiel c'est que nous soyons tous là et vivants sur les premiers contreforts de la Montagne du Soleil de la Nuit, lui répondirent ses frères.

— Nous devrions essayer de grimper plus haut pour trouver des vents ascendants. Cela nous propulserait plus haut et pourrions peut-être apercevoir le Soleil de la Nuit.

— C'est dangereux, avec la tempête, répondit le plus jeune frère de Liréan, les vents risque de nous fracasser sur les rochers.

— Je suis d'accord avec toi, mais c'est aussi une possibilité unique offerte par cette tempête fantastique. En utilisant les vents porteurs, nous pourrions voler plus haut que ne l'a jamais fait un "volant". Pour ma part, je grimpe et si les vents me semblent favorables, je saute.

- Nous t'accompagnons répliquèrent ses frères, mais si les vents deviennent trop forts, il nous faudra redescendre. Nous ne voudrions pas te perdre, ce n'est plus un jeu.

L'ascension débuta avec les hurlements de la tempête dans les arêtes vives des rochers.

L'atmosphère était lugubre et des éclairs zébraient les nuages au-dessus de la montagne.

Ils avaient déjà gravi plusieurs centaines de mètres, sur des pentes ravinées par les pluies incessantes, quand un éclair les aveugla et détacha, devant eux, un énorme rocher. Des éclats explosèrent dans tous les sens.

Liréan n'eut que le temps de se jeter dans le vide pour échapper aux rocs qui dévalaient la pente. Ses frères, regroupés sous un promontoire rocheux, se tassèrent en s'agrippant les uns aux autres pour éviter l'avalanche de pierres.

Liréan fût happé par les vents terribles et tourbillonnants de la tempête, il eût beaucoup de difficultés à ne pas retomber sur les rochers.

Soudain un puissant courant aérien l'emporta dans les nuages. Une immense tornade l'expulsa au-dessus de la masse nuageuse.

Complètement désorienté, lréan réussit à rétablir un semblant de vol.

Il aperçu alors, face à lui, le Soleil de la Nuit, haut dans le ciel nocturne.

Pour Liréan sa dernière heure était venue. Toute sa communauté lui avait enseigné, depuis sa tendre enfance, le caractère maléfique du Soleil de la Nuit. Il frappait de mort tous ceux qui s'en approchaient.

Tout en continuant de monter, derrière lui l'aube pointait, le soleil rouge de Leaurélia apporterait chaleur et lumière.

C'est alors qu'il assista à un phénomène naturel extraordinaire qu'aucun Leaurélien n'avait jamais connu. Au fur et à mesure que l'aube s'élargissait au loin, un pic rocheux semblait descendre du Soleil de La nuit.

Les nuages se dissolvaient. Il put apercevoir le sol et ce qui apparaissait être la base de la Montagne. Le pic rocheux avec la montée de la lumière de l'aube continuait sa descente.

Le Soleil Rouge éclatant se pointait à l'horizon derrière la ligne de nuages. La tempête s'éloignait.

Liréan observa le pic, du Soleil de la Nuit, rejoindre la base de la montagne, sous les feux ardents du Soleil Rouge.

Il comprit soudain ! C'était l'évidence, le Soleil de la Nuit et la Montagne fusionnait en une seule et même entité qui s'élevait dans le firmament de Leaurélia.

Ses peurs de la Montagne de la Nuit, plus apprises qu'instinctives, disparurent, remplacées par la joie du spectacle que Leaurélia lui offrait.

Une fois le Soleil Rouge totalement extirpé des nuages au-dessus de l'horizon, le Soleil de la Nuit s'effacaient et le Pic Rocheux semblait se fondre dans le bleu sombre du ciel. Son sommet retournait à l'invisibilité dans le jour qui arrivait.

Liréan ne réfléchissait pas encore aux conséquences du spectacle extraordinaire et astronomique se déroulerant sous ses yeux.

Il devait impérativement redescendre car la membrane accrochée à ses membres, commençait de se dessécher sous l'effet des rayons du Soleil. Bientôt, non seulement il ne pourrait pas la replier, mais elle risquerait, aussi, de se rompre.

Rassemblant ses dernières forces, Il replia ses membres, fatigué par sa lutte avec la tornade, il commença de tomber comme une pierre vers l'océan.

Rapidement il s'aperçut qu'il ne se dirigeait pas vers l'océan mais sur la côte qui le bordait, là où lui et ses frères étaient arrivés cette nuit.

Il devait absolument ouvrir à nouveaux ses bras-menbranes pour espérer planer jusqu'à l'océan qui accueillerait sa chute.

Les frères de Liréan, avaient pu, eux aussi, assister une partie du spectacle, sans tout comprendre. Ils le virent foncer vers l'océan tel une bombe, il avait déployé sa membrane, mais la vitesse lui ferait percuter l'eau à une vitesse folle.

Liréan rebondit sur les vagues avant de sombrer.

Immédiatement ses frères plongèrent. Rapidement ils le repèrent dans les vagues, inanimé, ballotté par les rouleaux puissant se fracassant sur la côte.

Il l'agrippèrent pour le sortir de l'eau et à eux trois, le soulevèrent en s'envolant et le déposèrent sur la grève.

Liréan respirait, ils étaient soulagés, mais comprirent immédiatement le drame. Leur frère ne pourrait plus jamais voler. Ses membranes de vol s'étaient déchirées sous le choc et la vitesse de sa chute.

Le plus jeune des frères s'approcha. Liréan ouvrit les yeux, un sourire éclaira son visage.

— J'ai vu le soleil de la nuit, dit-il aussi tôt. Ce n'est pas un diable qui éclaire nos nuits mais le reflet sur la Grande Montagne de notre chaud Soleil Rouge.

— Repose toi, lui conseillèrent ses frères. Ils ne comprenaient pas encore très bien ce qu'il tentait de leur dire.

— Vous avez raison, et il sombra immédiatement dans un sommeil sans rêve.

Les trois frères le transportèrent, pendant son sommeil, sur le chemin du retour. Leur communauté fut soulagée de les revoir vivant après cette escapade dans l'Ouragan Titanesque balayant la planète siècle après siècle.

A son réveil, Liréan conta le récit de son aventure, il fût corroboré par celui de ses frères.

Vu ses blessures et l'état délabré de ses membranes, très peu de membres de leur communauté osèrent mettre en doute son histoire.

Le langage des Leauréliens, s'apparenterait, pour nous, comme assez proche d'une langue chantée. Les notes en seraient des mots décrivant les choses et les êtres, la mélodie transmettant les émotions ressenties par le chanteur.

Le récit de Liréan se transforma, dans ce que nous aurions appelé, en un chant épique repris sur tout Leaurélia et transmis de génération en génération.

Depuis lors les "Volants" et tous les peuples Leauréliens n'eurent de cesse, de vérifier la Légende de Liréan et de grimper sur le pic de la Montagne du Soleil de la Nuit, pour y retrouver les Rayons de leur Soleil Rouge au cœur de cette même nuit.

Liéran était, alors, fort loin d'imaginer que son aventure deviendrait, des millénaires plus tard, le tremplin pour les étoiles de son peuple et sa légende chantée, reprise en cœur par les peuples de Leaurélia à chaque départ dans l'espace.