L'Ultime Pardon

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Les semaines suivant la mort de l'inspecteur Stéphane Berkovici furent marquées par une peur sourde et omniprésente. Claire et Kyria avaient perdu leur protecteur, l’homme qui avait risqué sa vie pour les sauver des griffes de Bader. Elles savaient que, sans lui, elles étaient plus vulnérables que jamais. Bader ne les avait pas oubliées, et la rage de ce dernier ne connaîtrait de répit tant qu'il ne les aurait pas réduites au silence.

La situation était devenue intenable. Chaque ombre, chaque bruit devenait une menace potentielle. Fuir était désormais leur seule option. Claire et Kyria prirent donc une décision déchirante : quitter la France pour une destination lointaine où Bader ne pourrait les atteindre. L'Argentine s’imposa comme un choix naturel, un pays à la fois éloigné et empreint d’un certain mystère, où elles espéraient se fondre dans l’anonymat.

Le voyage fut long et éprouvant, mais il leur offrit aussi un répit temporaire, un moment de répit avant de replonger dans la tourmente. Une fois arrivées à Buenos Aires, elles se mirent en quête d’un refuge, un endroit où elles pourraient se reconstruire, loin du spectre de Bader. C’est ainsi qu’elles furent conduites à une petite ville du nord de l’Argentine, où un couvent isolé semblait être leur dernière chance.

Le couvent, dirigé par la sœur Christina Sanchez, une femme austère mais au cœur généreux, leur offrit un abri. Sœur Christina était une religieuse pragmatique, ayant vu bien des âmes tourmentées passer sous son toit. Lorsqu’elle accueillit Claire et Kyria, elle perçut immédiatement leur douleur et leur désespoir. Sans poser de questions, elle les invita à rester, espérant que la vie monacale pourrait leur apporter la paix intérieure dont elles avaient tant besoin.

Cependant, la vie au couvent était loin d’être facile. Les jours se succédaient, rythmés par le travail manuel, les prières et le silence. Pour Claire et Kyria, habituées à une existence plus libre et moderne, l’austérité du couvent devint rapidement une épreuve. Elles avaient espéré que l’isolement les protégerait, mais au lieu de cela, il leur offrait seulement du temps pour ruminer leur passé, pour se perdre dans des pensées sombres et désespérées.

Les nuits étaient les pires. C’est dans le silence oppressant de ces nuits argentines qu’elles furent envahies par un sentiment d'impuissance. Elles étaient traquées, condamnées à vivre dans la peur constante. La fuite leur avait apporté un bref répit, mais Bader restait un fantôme, toujours présent dans leur esprit. Elles savaient qu’il finirait par les retrouver, qu’il ne s’arrêterait jamais.

Face à cette angoisse grandissante, Claire et Kyria se rapprochèrent encore davantage. Leur amour, d’abord une source de réconfort, devint une forme d’évasion ultime. Mais même cela ne suffisait plus à atténuer le poids insoutenable de leur situation. Les cauchemars les hantaient, et le sentiment d'être traquées les plongeait dans une dépression insurmontable.

C’est au cours d’une de ces nuits sans sommeil que Claire et Kyria prirent une décision fatidique. Elles se regardèrent longuement, sans avoir besoin de mots pour comprendre ce que l’autre ressentait. Elles avaient été poussées à l’exil, privées de leur vie, de leur liberté, et maintenant, il semblait qu’on leur volait aussi leur âme.

Elles conclurent un pacte. Un pacte d’amour, un pacte de libération. Si Bader les poursuivait jusque dans leur dernier refuge, elles ne lui laisseraient pas le plaisir de les détruire. Elles choisiraient leur propre fin, dans un ultime acte de défi.

Le lendemain matin, alors que les autres sœurs du couvent vaquaient à leurs tâches, Claire et Kyria préparèrent minutieusement leur départ. Elles écrivirent un mot, simple mais chargé de douleur, qu’elles laissèrent en évidence : « Bader nous a tués… ». Puis, main dans la main, elles se dirigèrent vers la grande église du couvent, un lieu de paix devenu pour elles un symbole de libération.

La grande église, déserte et silencieuse, fut témoin de leur dernier acte d’amour. Elles s’embrassèrent une dernière fois, unissant leurs âmes dans un moment de grâce avant l’inévitable. Elles attachèrent les cordes préparées à une poutre massive, et, dans un geste synchronisé, elles mirent fin à leurs jours, se laissant porter par le vide.

Lorsque sœur Christina les trouva, il était déjà trop tard. Leurs corps pendaient, immobiles, dans la lumière tamisée qui filtrait à travers les vitraux. Le mot qu’elles avaient laissé était clair, un message accusateur, une condamnation silencieuse de l'homme qui les avait conduites à cette fin tragique.

La nouvelle de leur mort se répandit rapidement au sein du couvent, puis au-delà. En France, ceux qui avaient connu Claire et Kyria furent bouleversés en apprenant leur sort. L’histoire de ces deux femmes, traquées jusqu’au bout du monde par un monstre, devint une légende sombre, un témoignage des ravages que la cruauté humaine pouvait infliger.

Bader, en apprenant leur mort, ne ressentit aucune pitié. Pour lui, elles avaient été des pions dans une partie d’échecs mortelle, et leur disparition n'était qu'une conclusion logique. Pourtant, quelque part, un doute s’insinua en lui, un léger tremblement dans son assurance. Car dans leur dernier acte, Claire et Kyria avaient refusé de lui céder totalement. Elles avaient choisi leur propre fin, laissant derrière elles un message indélébile qui, d’une manière ou d’une autre, le hantait.

Mais pour Claire et Kyria, l’histoire s’était achevée. Elles avaient trouvé la paix, non dans la fuite ou dans la survie, mais dans l’amour et la mort, unis à jamais dans un acte de rébellion silencieux contre celui qui avait tenté de les détruire.

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