Prologue

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Une épidémie a gâché ma vie. Détruisant les personnes que j’aimais et la tranquillité coutumière de Thiercelieux. Ces souvenirs me sont douloureux, mais je m’interdis d’oublier. Je prospèrerai la mémoire de tous les défunts et je souhaite mettre en garde les générations futures contre ce «virus». Aucune arme n’est efficace contre un tel phénomène. Prions pour qu’il ne se reproduise plus.

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J’habite dans ce tout petit village agricole qu’est Thiercelieux, niché au sommet d’une montagne. Avant le Solstice d’été, notre vie rimait avec sérénité. Je connais toutes les personnes qui y habitent depuis ma naissance, il y a très peu de nouveaux arrivants. La population de Thiercelieux est assez peu élevée, ce qui explique que nous sommes un groupe d’amis assez soudé.

Tout d’abord, il y a Manon. Ma grande sœur adorée. C’est la personne en qui j’ai le plus confiance, elle a toujours été là pour moi : que ce soit pour me réconforter, m’écouter, me faire rire… C’est la seule personne avec qui je n’ai pas peur d’être moi : je peux dire ce que je pense, tout ce qui me passe par la tête sans crainte d’être jugée ou rejetée. Nous sommes assez fusionnelles et les disputes sont très rares. Nous avons l’habitude de nous retrouver le soir, à la lueur d’une lampe à huile, et, discrètement, de parler. De tout et de rien, nous pouvons déblatérer des heures sur tel ou tel évènement, nous repasser le film mental de notre journée, se plaindre du travail éreintant... Ainsi, elle me connaissait mieux que personne. Peut être même mieux que je ne me connais moi-même...

Ensuite, dans ma famille, il y a Thomas. Mon petit frère et le petit dernier. Thomas est différent des autres enfants de son âge. Là où les autres préfèrent aider à la ferme de la force de leurs bras, lui, est devenu l’assistant du vieux du village : l’aidant à rédiger ses mémoires et classer les différents objets de sa vie. Si, au début, nos parents et surtout les autres habitants méprisaient ce travail, Thomas leur a vite fait comprendre qu’il était devenu indispensable. En effet, grâce à sa mémoire exceptionnelle, il avait retenu tous les détails de la vie du vieil homme : il savait ainsi à quel moment il était plus propice de planter telle ou telle plante et connaissait le pouvoir de chaque végétal. J’étais très fière de lui et, même si je n’avais pas une relation aussi forte avec lui qu’avec Manon, je me souviens très bien de ces nuits complices d’orage que je passais avec lui, lorsqu’il était plus jeune et que les éclairs le terrifiaient.

Il y avait aussi Tom, notre voisin d’en face, d’un an l’ainé de ma sœur. Il faisait partie intégrante de la famille. Pour moi, il était mon frère tout autant que Thomas. Il venait nous aider tous les jours aux champs, sa famille ayant perdu ses terres il y a peu, pour recevoir un petit salaire de mes parents en échange. Il était assez grand et doté d’une musculature développée qu’il n’hésitait pas à montrer lorsqu’il faisait un peu trop chaud l’été, au plus grand bonheur de ma grande sœur. Elle avait beau être assez discrète sur ses sentiments, il y a des choses qu’un frère ou qu’une sœur savent. Avec Thomas, nous avions décidés de tout faire pour qu’ils se rapprochent, sachant pertinemment que cela rendrait plus qu’heureuse Manon. Malheureusement, c’est le genre d’entreprise qui prenne du temps…

A nous quatre, nous formions une famille unie. C’est pour cela que, petit à petit, nous avons rassemblé nos amis personnels pour former un grand groupe qui s’entend plus ou moins à merveille.

Lou-Anne est la première amie que je me suis faite, toutes les deux aussi timide l’une que l’autre, je ne me souviens pas comment nous avons réussi à nous approcher ! Peut être est-ce cette ressemblance qui nous a attiré ? Le fait est que nous sommes vite devenus inséparable, parlant souvent de notre sujet favori : les chevaux. Ces bêtes majestueuses que l’on adorait observer, en silence, dans les prés.

Puis j’ai fait la connaissance d’Auriana, amie fidèle de ma sœur, affectueusement surnommée Nana. Le courant est vite passée entre nous, s’accompagnant de longs délires qui nous faisaient rire pendant de longues minutes. Nous formions donc un groupe de quatre soudé, composé de personnalités multiples mais complémentaires.

Ensuite, notre frère s’est rajouté avec ses trois autres amis. Il y avait tout d’abord Elio, celui que j’appréciais le moins. Pour la simple raison qu’il avait fait du mal à Thomas il y a quelques années en l’ignorant au moment où il avait le plus besoin de lui, préférant rester avec d’autres amis. Thomas avait beau avoir oublié ces années de galère où son « ami » l’avait laissé, moi, je n’oublie pas. À la moindre mauvaise attention de sa part, je jure de lui mettre un coup de poing monumentale ! Qu’importe le fait qu’il soit l’un des meilleurs combattants du village, élève préféré de l’ancien guerrier de Thiercelieux qui donnait des cours de défense aux garçons, seulement, les vieilles traditions étant toujours présentes. S’il brisait mon frère, il pouvait être sûr que je le briserai aussi… Je suis de nature calme, réservé et je déteste les conflits, tout ce qui s’approche de près ou de loin à un combat. Mais je déteste que l’on fasse du mal à ceux que j’aime. Surtout à mon petit frère.

Marc était un de ses plus anciens amis. Il avait beau être venu plusieurs fois chez nous, je ne le connaissais pas vraiment. Toujours silencieux, peu bavard. La seule chose que je savais était qu’il donnait de l’ombre à Elio lors des cours de défense, ce qui n’est pas pour me déplaire !

Enfin, le dernier du groupe de quatre de Thomas est Mathias. Mathias est le meilleur archer du village : qu’importe que le temps soit venteux ou que la distance à laquelle se trouve sa cible soit élevée, il l’abat d’un tir précis et il est rare de le croiser sans son arc accroché dans le dos. L’arc fait véritablement parti de son corps. Souvent, lorsqu’il part chasser, je le suis discrètement et me cache dans les nombreuses broussailles de la forêt. J’adore l’observer dans ce moment de concentration pur. Son visage est fermé par la concentration, tous ses muscles sont tendus : tirant la corde jusqu’à ce qu’elle frôle le haut de son oreille. Il est d’une patience imbattable, ne se déconcentrant jamais avant d’avoir atteint son objectif. Dans ces moments-là, entourés par la nature et par les doux gazouillis des oiseaux, je le trouve tellement beau. Je peux rester des heures accroupis dans la terre si j’ai le bonheur de l’observer. Cela fait des années que je ressens quelque chose pour lui, même si nous ne sommes que rarement adressé la parole. Il fait partie de moi au même titre que mes mains, je ne peux me passer de ces instants silencieux où il est si proche de moi… En plus de ça, il est toujours resté fidèle à Thomas. Comme pour le récompenser, mon frère lui a raconté tout ce qu’il avait appris. Souvent, en fin d’après-midi, je les entends débattre fermement, enfermé dans la chambre de mon jeune frère. Si je ne savais pas qu’ils s’appréciaient beaucoup, j’aurai pu m’inquiéter de ses haussements de voix, mais avec le temps on s’habitue. Cela rend même la maison un peu plus vivante.

Ensemble, nous formions donc un groupe assez hétéroclite de neuf personnes dont Tom était l’ainé. Lorsque la journée se finit, nous nous retrouvons tous ensemble dans la grange pour nous installer confortablement sur les bottes de pailles, petit rituel que nous avons installé depuis la fusion de nos groupes, c’est-à-dire il y a deux ans. Récemment, de nouvelles personnes se sont jointe à nous : Florine, Clarisse, Liana et Eliott. Florine est très impressionnante : malgré sa petite taille, je l’ai déjà vu reproduire les mouvements de défense, que les garçons apprenaient, à la perfection. Clarisse et Liana sont deux filles très extraverties, riant de tout et réalisant mille bêtises à la minute. J’appréciais beaucoup moins Eliott pour une raison qui m’était inconnu, un simple présentiment.

Il est 00h00. Nous sommes tous dehors, en train d’observer les étoiles quand, d’un coup, Thomas se redresse et dit :

« Je me souviens d’une histoire que m’avait raconté Jean, le vieux du village. Vous voulez l’entendre ?

- Pfff, souffle Eliott, je suis sûr que c’est nul !

- C’est une légende qui se transmet de génération en génération, reprend Thomas ignorant Eliott. Tout se passe dans un village d’apparence normale, le petit hameau de Thiercelieux, notre village. Il parait que cet évènement n’arrive que tous les mille ans, au soir du Solstice d’été. Chaque nuit, des villageois se transforment en loups-garous pour dévorer d’autres villageois. Les villageois, terrifiés, se voit obligés de voter chaque jour pour tuer un des leurs. Alors, une terrible lutte fait rage entre ces innocents et les tueurs. Le seul moyen de survivre et de détruire la race ennemie, ce n’est qu’à ce moment là que le village retrouvera son apparence tranquille et que les survivants pourront reprendre leur vie. Jusqu’à la prochaine fois… »

Un silence pesant vient accentuer le ton dramatique de Thomas. Un violent frisson me parcourt l’échine. Je ne peux m’empêcher de penser. Et si ce n’était pas une légende ?

« Avoue que tu viens de tout inventer ! s’exclame Elio

- Non, c’est la dernière chose que m’a dit Jean avant de mourir… »

Tom eut alors la brillante idée de commencer une bataille de polochon version paille de foin pour détendre l’atmosphère. Ce n’est qu’après de longues minutes de rire et les cheveux pleins de pailles que chacun finit par rentrer chez lui pour dormir.

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